Dans Valeurs Actuelles, le père Danziec souligne que la véritable défense de l’environnement passe par la préservation de l’écosystème civilisationnel occidental.
Les maires écologistes, tout récemment élus, ont pu goûter à la lumière des projecteurs le soir du dernier scrutin municipal. Force est de constater qu’ils n’avaient pas l’intention que les feux de la rampe s’arrêtent et qu’ils y ont pris goût. Depuis trois mois, de Colombes à Lyon en passant par Bordeaux, le vert n’est plus tant la couleur du printemps que celle du choc des températures. En effet, en matière de posture politique ou de coup de com’ médiatique, les édiles EELV sont passés maîtres en changement climatique. “La rupture pour mieux se distinguer”, tel semble être le nouveau mantra écologiste du moment.
Lors de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, le 19 juillet dernier, le maire de Colombes, Patrick Chaimovitch, suscite une vague d’indignation en affirmant lors de son discours que « les policiers et les gendarmes français qui ont obéi aux ordres en mettant en oeuvre la rafle du Vel d’Hiv sont les ancêtres de ceux qui aujourd’hui, avec le même zèle, traquent les migrants, les sans-papiers, les déboutés des droits humains »… Entre Saône et Rhône, Grégory Doucet offre une double polémique en quelques jours à la ville de Lyon. Le 8 septembre, jour de la Nativité de la Très Sainte Vierge Marie, il s’affranchit de participer à la cérémonie du voeu des Echevins qui, selon une tradition qui remonte à 1643, implique la présence du premier magistrat de la capitale des Gaules dans la basilique de Fourvière.
Le lendemain, l’élu écologiste s’affichait pourtant en grandes pompes sur le chantier de la mosquée de Gerland afin d’y poser la première pierre. Le 10 septembre, une polémique chassant l’autre, Grégory Doucet accordait un entretien au quotidien régional Le Progrès dans lequel il n’hésitait pas à fustiger la grande boucle, décrivant la course cycliste comme une « course machiste et polluante ». Il s’agirait selon le maire de Lyon du dernier événement sportif majeur n’ayant pas son pendant féminin. En cause aussi, les goodies distribués tout au long de la caravane et l’empreinte carbone qui serait laissée par cette dernière.
En suivant bien le tour de France des polémiques d’EELV, après Lyon l’actualité nous transporte à Bordeaux le 11 septembre. Le nouveau maire, Pierre Hurmic, donne alors sa conférence de rentrée et annonce à ses administrés, entre autres choses, qu’à l’occasion de Noël il n’y aura pas « d’arbres morts » sur les places de la ville, notamment sur la célèbre place Pey-Berland : « Vous gardez le souvenir de cet arbre mort qu’on fait venir tous les ans. Ce n’est pas du tout notre conception de la végétalisation. »
Dans un coup de gueule bien senti, la chroniqueuse Isabelle Saporta, qui est aussi la compagne de Yannick Jadot à la ville, s’insurge sur RMC : « On voudrait passer pour des ayatollahs (sic), on ne ferait pas autre chose ! ». Sur France info, la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, réagira en termes précis : « Interdire le passage du Tour de France, annuler le sapin de Noël… en fait les maires EELV, c’est tout ce qui amène un peu de joie ou de fête qu’ils interdisent ! Ils sont pire qu’idéologues : ils sont rabat-joie. » Si l’on jubile devant l’analyse, le diagnostic reste incomplet. Comment en sommes-nous arrivés là ? Par quel glissement doctrinaire l’écologisme politique en est-il arrivé à de telles postures ?
Quelle logique à prôner l’amour du bio tout en méprisant les traditions? A chanter les vertus du localisme tout en militant pour un monde sans frontières ?
Dès son origine, le mot latin cultura se réfère à la terre et aux morts en établissant un lien étroit entre la culture de la terre, l’agriculture, et le culte des ancêtres, la piété filiale. Cicéron ajoutera dans son dialogue des Tusculanes : « Un champ, si fertile qu’il soit, ne peut être productif sans culture, et c’est la même chose pour l’âme sans enseignement. Or la culture de l’âme, c’est la philosophie ». Tout est là. Le problème des récentes polémiques autour des sorties des maires EELV réside dans cette philosophie de l’existence que tend à nous imposer l’écologisme doctrinaire : un Noël sans sapin ? Un été sans Tour de France ? Un regard sur l’histoire sans nuance ? Voire, à l’image d’une Alice Coffin, un monde sans mariage, et surtout sans mari ?
En raison de son rapport vicié au réel et son sens équivoque des priorités, la défense de l’environnement vire au grotesque. Surtout elle fonde en l’homme une relation au quotidien qui le dépossède de lui-même. « L’Occident montre une haine envers lui-même qui paraît étrange et peut-être considérée uniquement comme un phénomène pathologique ; l’Occident ne s’aime plus. Dans son histoire, il voit uniquement ce qui est blâmable et destructif, et il n’est plus capable de reconnaître ce qui est grand et pur », notait déjà le cardinal Ratzinger, bien avant de devenir Benoît XVI. Que connaître en effet de la nature, quand on fait fi de la sienne ? Quelle logique à prôner l’amour du bio tout en méprisant les traditions villageoises ? A chanter les vertus du localisme tout en militant pour un monde sans frontières ? L’écologisme hors-sol et déraciné relève de la même logique que le serait un christianisme sans charité et sans vérité.
Civilisation et terre charnelle
L’historien Fustel de Coulanges, dans le plus célèbre de ses ouvrages, La Cité Antique, estimait que « le véritable patriotisme, ce n’est pas l’amour du sol, c’est l’amour du passé ». Dit autrement, le patriotisme ne saurait se réduire à une simple dévotion pour la nature mais trouve au contraire tout son sain épanouissement dans l’amour de son terroir, de son patrimoine. Les fameuses terres charnelles évoquées gracieusement par Péguy.
Prétendre, en France, défendre l’environnement en oubliant que les paysages, la faune et la flore de l’Hexagone constituent aussi un territoire qui n’est plus, depuis des siècles, une terre vierge, relève sinon de l’aveuglement, au moins de l’étroitesse d’esprit. Façonné par des générations d’hommes et de femmes, ils lui ont donné une forme bien particulière, avec des us et des coutumes, des moeurs et des réflexes, imprégnés par l’évangile dont témoignent les calvaires de nos chemins, les églises de nos villages et les hôtels-Dieu de nos villes.
Or, ce sol où nous sommes nés, nous devons le respecter et le préserver d’abord parce que nous sommes des débiteurs insolvables. Et l’éducation à ce respect ne saurait se réduire à de seules considérations environnementales. Entre émerveillement et reconnaissance, la compréhension de tout cet écosystème occidental n’est pas une simple question de piété filiale ou de principe. Elle est une question de préservation et de survie.