D’Aurelio Porfiri, éditeur et écrivain catholique italien, pour le Salon beige:
Je viens de visiter le Louvre, un musée rempli de tous les atouts artistiques et dans lequel l’Italie joue un rôle fondamental et pas seulement pour la Joconde. Cependant, en réfléchissant à ce qu’est un musée, si l’on doit reconnaître leur mission de conservation de certains patrimoines artistiques, il faut aussi dire que, dans un certain sens, ils les trahissent.
Le musée est une sorte de jardin zoologique de l’esthétique, où les œuvres d’art sont gardées en captivité dans un environnement qui n’est pas le leur. L’œuvre d’art doit être vécue, à la fois dans la prière et dans la contemplation solitaire, l’accumulation anormale de chefs-d’œuvre dans un musée comme le Louvre rend l’œuvre d’art inutilisable dans le sens où elle devrait pouvoir nous parler. L’art sacré du Louvre, patrimoine étonnant, était fait pour les églises, pour les demeures privées, pour les monastères. Des tableaux extraordinaires placés les uns à côté des autres, dans des pièces où il y en a peut-être des centaines, déjouent le message. Aussi parce que le musée, si vous essayez de vous nourrir de l’art qu’il contient, vous étourdit forcément. J’ai dû m’asseoir plusieurs fois, non seulement à cause d’une fatigue physique compréhensible, mais aussi à cause d’un vertige esthétique. Je ne sais pas si on peut parler de syndrome de Stendhal, mais j’avais l’impression d’être celui qui se gave sans cesse de beaucoup trop de gourmandises.
Mais cela ne s’applique pas seulement aux musées, cela s’applique également aux concerts, où la musique écrite à d’autres fins, comme la musique sacrée, est souvent jouée. Je comprends qu’on pense que, puisque la vraie musique sacrée a été exclue de la liturgie, alors on peut l’écouter en concert, mais c’est une écoute décontextualisée: la musique n’est pas seulement un son, mais c’est aussi un contexte qui interagit avec l’expérience de l’écoute. Les concerts de musique sacrée (ce que j’ai fait aussi) sont un moindre mal, mais ils sont pourtant, d’une certaine façon, un mal.
Un discours similaire devrait être tenu pour les archives rendues inaccessibles, soit totalement, soit dans la manière dont leur utilisation est autorisée. Nous avons, dans l’Église catholique, des témoignages extraordinaires de notre passé, mais, dans certains cas, la recherche est entravée par des règles idiotes, pensant que le chercheur va dans des archives en sachant exactement ce qu’il doit chercher. Tout chercheur vous dira que l’apport le plus important à sa recherche vient non seulement de ce qu’il cherchait, mais surtout de ce qu’il ne cherchait pas. Pour trouver, il faut se perdre dans les archives et donc laisser le chercheur dans le vertige de son ignorance de mondes entiers possibles.
Pour revenir au Louvre, je me suis assis et j’ai passé quelques minutes à méditer sur quelques œuvres d’art mais il faudrait toutes les méditer, ce qui est évidemment impossible. Considérez que le Louvre expose 35 000 œuvres. Si l’on consacrait ne serait-ce que 30 secondes à chacune, il faudrait plus de 12 jours sans sommeil pour les voir toutes. Si seulement 100 de ces œuvres étaient sélectionnées et qu’on leur consacrait 5 minutes, cela prendrait tout de même plus de 8 heures. Et nous n’aurions vu que 0,29% du musée !
MARIE
Il doit aller visiter le musée au Château de Chantilly, les oeuvres sont collés l’une à l’autre. Les musées ne sont pas fait pour prier, pour prier il faut aller dans les églises
Cro-Magnon
J’ai connu aussi ce sentiment en visitant l’ermitage à Saint-Pétersbourg. Quand il y a une pareille quantité d’œuvres, au bout de quelque temps on est saturé et plus rien ne rentre et on garde un sentiment de frustration.
Arwen
Bien sûr.
C’est pourquoi j’ai toujours refusé de « tout faire » juste pour cocher les cases d’une visite, un voyage, un concert, une bijouterie etc
Je pense que de nombreuses personnes aimant le veau réagissent ainsi.
Évidemment que ce serait plus « sympa » de pouvoir profiter d’un Boticelli chez soi mais bon hein….
On prend ce qu’on a!
Arwen
Aimant le veau…
Ah la vache! Voilà ce que c’est que de ne pas se relire…
Il fallait lire le beau, bien sûr.