Quand George Bush a désigné Harriet Miers à la Cour suprême américaine, les réactions ont été mitigées. Depuis, l’affaire n’a fait que s’empirer et donne lieu à une crise importante entre Bush et le mouvement conservateur.
Les grandes voix conservatrices demandent presque unanimement le retrait de Miers, dont la philosophie politique et judiciaire apparaît particulièrement superficielle et inconstante. Miers doit être confirmée par le Sénat : elle sera interrogée en commission, et beaucoup pensent qu’elle risque de faire la preuve de son incompétence en matière de droit constitutionnel. L’hypothèse d’un vote négatif du Sénat, des sénateurs démocrates étant rejoints par une partie des conservateurs, ne semble plus à exclure. La National Review, pilier de l’intelligentsia conservatrice, appelle les sénateurs à bloquer la nomination et Bush à remplacer Miers par quelqu’un de plus solidement conservateur et de plus compétent.
D’après le quotidien conservateur Washington Times, très bien informé quand les Républicains sont au pouvoir, la Maison Blanche envisagerait secrètement un tel retrait. L’hypothèse paraît encore moins improbable depuis quelques heures : on a appris que la famille de Miers a bénéficié en 2000 d’une indemnisation excessive pour un morceau de terrain, alors que Harriet Miers avait des liens avec des membres de la commission d’indemnisation (Source) : une affaire relativement mineure, mais qui affaiblit une candidature déjà fragile.
Le désaccord sur Miers a opposé de manière virulente les conservateurs à la Maison Blanche et au Parti républicain : les conservateurs parlent d’incompétence et de favoritisme dans le choix de Miers, les fidèles de Bush accusent ses détracteurs d’élitisme, voire de sexisme. Mais au-delà de cette crise, l’affaire révèle le caractère fondamentalement sain et mûr du mouvement conservateur américain : mouvement éminemment politique, "âme" idéologique du Parti républicain, il reste toutefois intellectuellement distinct de ce dernier. Sa loyauté va à des idées et des principes, et non à des structures ou à des personnalités. On aimerait parfois voir un peu plus de loyauté à des idées, et un peu moins à des hommes, au sein de la droite française…