François Lenglet, journaliste économique, écrit dans Le Parisien :
À la fin du siècle dernier, le cauchemar d’une terre surpeuplée, épuisée par les hordes d’humains se disputant l’eau et la nourriture était vraisemblable. Ce mauvais rêve ne se réalisera pas. Alors qu’on prévoyait le pic de la population mondiale pour 2080, avec plus de dix milliards de Terriens, le point d’inflexion devrait arriver trente ans plus tôt, avec seulement 9 milliards d’habitants.
Car le monde entre dans une phase de déclin démographique, un événement sans précédent depuis l’épidémie de grande peste, au XIVe siècle, qui avait tué la moitié des Européens. Certains experts comme Nicholas Eberstadt voient même le commencement de l’« ère du dépeuplement », alors qu’au cours du XXe siècle, la population mondiale avait été multipliée par quatre, un rythme jamais atteint depuis l’apparition des hommes. C’est dire la force du retournement.
Partout, les bébés manquent. En France, longtemps épargnée par le déclin, le nombre des naissances de l’année dernière était identique à celui de 1806 ! L’Italie a perdu deux millions d’habitants en cinq ans, et même si l’émigration joue, c’est l’écart entre nombre de décès et de naissances qui reste la première explication. La Corée du Sud connaît un taux de fécondité de 0,7 enfant par femme, soit trois fois moins que le seuil permettant le renouvellement des générations… Deux tiers des Terriens vivent désormais dans des pays dont la population diminue, selon l’ONU. Car il s’est produit un phénomène qu’on est bien en peine d’expliquer : la chute de la natalité dans les pays pauvres et à revenu intermédiaire. Naguère, la fécondité ne diminuait que dans les pays parvenus à un stade de développement élevé, où les femmes travaillent et où la mortalité infantile est très faible.
C’est fini. La Turquie fait proportionnellement moins d’enfants que l’Allemagne, le Mexique moins que les États-Unis ! Et dans certaines régions d’Inde, pays dont le niveau de vie est encore plus faible, il y a tout juste un enfant par femme.
Il n’y a guère que l’Afrique subsaharienne qui échappe à la tendance, avec 4,3 enfants par femme. Et, au sein même des pays développés, persiste un autre îlot de fécondité : les États-Unis, dont la population pourrait continuer à croître au cours du XXIe siècle, alors que celle de la Chine serait divisée par deux sur la même période. Mais il est possible que la planète, globalement, soit déjà en dessous du seuil de renouvellement. […]