Dès le 30 mai 42, dès avant l'échec de Dieppe, et en prévision du débarquement, Winston Churchill demande à Lord Mountbatten de se pencher sur le projet de construction de jetées flottantes: "elles doivent monter et descendre avec la marée. Il faut résoudre le problème de leur ancrage. Faites moi connaître la meilleure solution."
La Normandie n'offre en effet que deux ports en eau profonde : le Havre et Cherbourg, aux mains des Allemands. Ces deux ports sont loin des zones prévues pour le débarquement, et le plan de l'assaut prévoit que Cherbourg ne sera sous commandement allié que 8 jours après le débarquement.
S'il n'y a pas de ports, il faut en apporter: Lord Mountbatten met en oeuvre la création de deux ports artificiels transportables, qu'il faudra ensuite assembler au large de deux plages de Normandie. L'opération a pour nom de code : "Mulberry" ("mûre").
Le temps presse, et le projet est mis sur pied en un temps record et malgré l'engorgement des chantiers navals, par Lord Mountbatten et des ingénieurs Anglo-Américains. 230 énormes caissons de béton, les "Phoenix", seront assemblés en arc de cercle sur 7 km, de manière à former une digue protectrice à l'intérieur de laquelle les bateaux pourront sans risque venir décharger leurs cargaisons sur des appontements flottants ou plateformes, les "Lobnitz", qui mesurent 60 mètres sur 18. Trois plateformes sont prévues, dont deux à circulation unique pour les véhicules.
Les caissons "Phoenix", véritables brise-lames, sont de taille variable (les plus grands mesurant 60 m de long sur 20 m de haut); ils sont surmontés pour la plupart d'une tourelle de D.C.A. Une fois déchargées sur les plateformes, les cargaisons sont acheminées sur la terre ferme par des véhicules empruntant des jetées flottantes, ou "Whales".
Les différents composants de deux ports flottants seront construits en Grande-Bretagne, remorqués à travers la Manche pour être assemblés face aux côtes normandes, l'un face à St Laurent-sur-Mer (Mulberry A), l'autre face à Arromanches (Mulberry B). Le soir du 6 juin, les navires servant de point d'ancrage aux Phoenix sont sur place, et coulés le 7 juin. Le 8 juin, les premiers caissons Phoenix sont immergés. Le 14 juin, les premiers déchargements commencent à Arromanches, et le 16 à St-Laurent-sur-Mer. Du 19 au 21 juin, une tempête fait rage, qui détruit le port de St-Laurent-sur-Mer. Seul Mulberry B, rebaptisé Port Winston, restera donc opérationnel.
Il est probable que l'importance du rôle des ports Mulberry dans le débarquement a été exagérée. Privés de leur port, Mulberry A, détruit par la tempête, on estime que les Américains débarquèrent 40% de tonnes de plus que les Anglo-Canadiens soit 10 000 tonnes par jour contre 6 000, en utilisant de façon intensive une technique d'échouage de grandes barges de débarquement. Après la guerre, les Alliés constatèrent qu'ils avaient dépensé beaucoup de temps et d'argent pour les Mulberries, dont au fond ils auraient pu se passer. Il n'empêche que ces ports flottants représentent une prouesse technique et un bon exemple de l'ingéniosité humaine.
Plan du port Mulberry d'Arromanches (cliquez pour une carte interactive)