Partager cet article

L'Eglise : Vie de l'Eglise

Daniel-Ange, un « prophète » du Très-Haut ?

Daniel-Ange, un « prophète » du Très-Haut ?

De notre envoyé spécial Antoine Bordier

A près de 90 ans, il garde une éternelle jeunesse. Dès qu’il s’éveille, il semble bondir d’allégresse. Il transforme toute pensée en prière, toute parole en louange, toute blessure en guérison. Comme si une eau vive jaillissait de lui. Dans un petit ermitage des Monts-Voiron, chez les sœurs de la communauté de Bethléem, au-dessus de Genève, il est là, presque caché, voilé. A près de 1 369 mètres d’altitude, il est en retraite-active. Reportage sur un homme de Dieu, que certains appellent « le prophète ». Première partie de notre trilogie.

Sur le GPS, le monastère Notre-Dame de la Gloire-Dieu, est à 33 kms de Genève, et, à 69 d’Annecy. La route est belle, elle monte vite vers les hauteurs majestueuses où les collines avoisinantes rivalisent de beautés verdoyantes. La route devient montagneuse à partir du village de Boëge. Il reste une dizaine de kilomètres. Les lacets se multiplient. Il n’y a personne sur la route, en cette après-midi d’été. La forêt vous encercle soudain, comme pour vous montrer que vous entrez dans un nouveau monde : celui de la montagne, de la montagne de Dieu. Vous êtes dans les Préalpes du Chablais. La fenêtre ouverte, le parfum des épicéas mêlé de bois, d’épines, et de terre calcaire et sablonneuse, s’engouffre dans la voiture et rivalise avec les senteurs de mélèze. Vous stoppez net, lorsqu’un chevreuil traverse la route. Il est jeune, tout de brun-clair vêtu. A travers une percée entre les arbres, vous apercevez plus bas, au loin, le lac Léman, Genève, et, toute la vallée. Puis, une pancarte indique : Monastère de Bethléem.

Les sœurs sont une vingtaine à vivre dans ce lieu où Jack London, le célèbre écrivain américain, aurait aimé écrire l’un de ses romans. Discrètes, elles sont affairées entre les travaux, les offices, et, l’accueil. Elles n’ont pas une minute à elles. D’ailleurs, n’ont-elles pas tout donné ? C’est en 1967, qu’elles choisissent de s’établir dans ce haut-lieu marial, où aimait se rendre saint François de Sales. Cet évangélisateur du 16è et du 17è siècle était, aussi, un homme de cœur, un apôtre. Il se rendait dans les montagnes, sans doute comme le Christ, pour rencontrer Dieu, loin des hommes et du monde. Lui-aussi avait son ermitage. C’est un point commun avec Daniel-Ange. Il y en a d’autres. Ce qui réunit les deux hommes, c’est, certainement, ce don de soi. Ils ont tout donné. Ils sont devenus des disciples. Leurs vies sont des prophéties. En ces temps qui sont les derniers, et où « les signes se multiplient », comme aime le répéter le père, les paroles de celles et de ceux qui tutoient le Très-Haut sont très certainement à rechercher, pour les chasseurs de trésors, du Trésor. A Lourdes, en 1858, sainte Bernadette, la voyante analphabète et illettrée, disait : « Je suis chargée de vous le dire, pas de vous convaincre. » Les voyants de Fatima diront la même chose, le miracle du soleil et les secrets en plus.

« Je viens ici depuis une dizaine d’années, explique Daniel-Ange. Mais, la première fois, c’était il y a 50 ans. J’étais étudiant à Fribourg, et, je venais souvent le we. J’ai écrit un de mes premiers livres, sur l’icône de la Trinité de Roublov, qui s’appelle : L’étreinte de feu. »

Enfant, serviteur et témoin

A peine voûté, Daniel-Ange de Maupeou d’Ableiges, comme son nom l’indique, appartient à la noblesse aristocratique de France et de Belgique. Né le 17 octobre 1932, dans une fratrie de 4 garçons, il baigne, dès le plus jeune âge, dans une vie de famille riche de valeurs, où son père, Gaston, est officier de la marine française, et, sa mère, Hedwige, est pilote de l’air, dans l’armée belge. C’est pour cela qu’il a la nationalité franco-belge. Il vit, déjà, entre terre, mer et ciel, entre la France et la Belgique. Le sang qui coule dans ses veines est bleu, marqué par une renommée politique, puisque deux de ses aïeuls ont été Garde-des-Sceaux de Louis XV et de Louis XVI. La branche d’Ableiges est l’une des 2 branches généalogiques encore existantes. Mais son roi à lui, c’est le Roi des rois. C’est comme cela qu’il se présente : « Je suis un enfant de Dieu, heureux de l’être. » Et, il rajoute : « Je suis, aussi, un serviteur et un témoin de Dieu. » Avec ses 80 livres, cet homme infatigable, est un vrai chouan, un évangélisateur hors-pair. Sa guerre n’est pas celle de Vendée, même s’il rêve d’un roi et du Royaume de France. Il bataille depuis longtemps pour la vérité. C’est, aussi, un aventurier. Comme sa mère, qui a été la première femme pilote de Belgique, à l’âge de 18 ans, et, qui a pris le risque de rallier la route (il n’y en avait pas !) entre Dakar et Alger. Il s’en souvient encore. Elle avait, alors, 20 ans. Ses yeux brillent à son évocation. Lui, l’aventure, il décide de la faire en répondant à l’appel de Dieu.

« Je me souviens, j’avais 13 ans. A 21h35 du soir, ce 13 juillet 1946, j’ai été bouleversé par Dieu. Son appel était très clair. Il m’appelait à Le suivre. »

Son appel est monastique. Il rentre à l’abbaye bénédictine Saint-Maurice et Saint-Maur de Clervaux, au Grand-Duché du Luxembourg.

« A l’époque, nous étions 80 moines. C’était magnifique. Aujourd’hui, cela me fend le cœur, ils sont moins d’une dizaine. Je suis, donc, devenu moine. J’ai appris à aimer la règle de saint Benoît, qui n’a pas pris une ride. »

Entré en 1950, il fait ses études de philosophie au séminaire d’Aix-en-Provence. En 1954, il fait son service militaire en Belgique. En 1957, son père-abbé l’envoie dans les Landes pour fonder une vie monastique. Il y co-fonde la Fraternité de la Vierge des Pauvres. Puis, c’est le grand départ.

 

La Vierge des Pauvres au Rwanda

Après les Landes, le père-abbé de Clervaux l’envoie au Rwanda, en 1958. Il a 25 ans. Il va vivre 12 ans dans le pays « aux mille collines », à 2 000 mètres d’altitude, au milieu des Hutus (majoritaires) et des Tutsis. La population est chrétienne à 90%, avec la moitié qui est catholique. Il s’y rend en bateau, depuis Marseille, jusqu’à Mombassa, au Kenya, puis, il fait du stop. A la frontière, il tombe littéralement amoureux de ce pays, qui deviendra indépendant en 1962.

« J’ai eu un coup de foudre pour ce pays, pour cette nation. J’ai vécu sur la crète du Congo-Nil, là où sont toutes les sources qui se déversent, au nord, jusque dans la Méditerranée, après une course de 6000 kms, celle du Nil. Et, à l’est, le fleuve Congo, après une course de 4 000 kms se déverse dans l’Atlantique. Avec une douzaine de frères, nous avons fondé la fraternité de la Vierge des Pauvres. »

Ils vivent dans une certaine pauvreté, la vie monastique. Entre prières et travail, entre ‶ ora et labora ″, ils confectionnent des petits meubles artisanaux en bois, pour se procurer leur pain quotidien. Daniel-Ange évoque avec grandiloquence « le peuple extraordinaire du Rwanda, d’une grande culture et d’une grande finesse. Il a une des langues les plus riches du monde. La moitié de sa population est chrétienne. » Sur place, il mettra 6 mois pour apprendre cette fameuse langue, qui chante. Il s’en souvient encore, et, prononce ces quelques mots en rwandais : « Le cœur d’amour, le cœur de lumière ». Après la crête où l’évêque local lui demande d’organiser le premier pèlerinage marial dédié à Notre-Dame de Banneux, il part vivre 6 ans sur une île du lac Kivu, qui sert de frontière naturelle avec le Congo. Le lac est une véritable mer intérieure, grand comme 5 fois le lac Léman. Au milieu des vaches, il y fonde une nouvelle fraternité monastique.

En 1971, il rentre, définitivement, en Europe. Après le génocide de 1994, il y est retourné plusieurs fois pour recueillir des témoignages sur les actes héroïques de celles et ceux qui ont survécu. En 1984, il participera à la Commission d’Enquête théologique sur les apparitions mariales de Kibeho (officiellement reconnues en 2000).

Prêtre, prophète et roi 

En rentrant en Europe, il est choqué par la jeunesse délaissée et les conséquences de la crise de mai 68, qui a abîmé gravement l’Eglise, et, qu’il résume ainsi : « On n’avait plus le droit de se mettre à genoux… » Après 15 ans d’interruption, il reprend ses études de théologie à l’université catholique de Fribourg, en Suisse. Puis, il fait la rencontre avec le Renouveau Charismatique. Et, il rejoint la Fraternité Demeure Notre Père, en Ardèche. Il se souvient très bien de ses cours de théologie et notamment de son professeur : le cardinal Charles Journet.

« Il n’aimait pas qu’on l’appelle cardinal. Sur son cours sur la Trinité, il avait commencé par cette phrase : « La Trinité est un océan de lumière et d’amour. Et, il éclate en sanglot. Et, il sort. Il nous restait encore 53 minutes du cours, et, nous sommes tous allés adorer le Saint-Sacrement. »

Monastique et mystique, Daniel-Ange aspire à une vie d’ermite. Il a besoin d’être seul avec Le seul, avec « Je suis ». Entre 1976 et 1984, il part vivre dans un ermitage près de Nice. Quelques jeunes, assoiffés de Dieu et esseulés, viennent le voir. En même temps, il poursuite ses études pour devenir prêtre. Dans l’arrière-pays niçois, il retrouve les montagnes qui le rapprochent de Dieu. Il adore, chante, loue, et prie les psaumes. Il jeûne et se forme. Le 23 juillet 1981, à Lourdes, il est ordonné prêtre au Congrès International de l’Eucharistie, par le légat du Pape Jean-Paul II, le cardinal Gantin. « C’est le plus beau jour de ma vie, après ma naissance et mon baptême », raconte-t-il. Puis, il retrouve son ermitage. Il y vit de son potager, et, de sa source d’eau. Ascétique, il relit souvent la vie des pères du désert, comme Antoine le Grand, Cyril d’Alexandrie, Grégoire de Nazianze, etc. Un jour, alors avoir terminé sa lectio divina, il reçoit un courrier poignant d’un jeune.

« C’était un SOS lancé par Martin. Il m’écrivait une petite lettre que j’ai publiée comme préface de mon livre : Les saints de l’an 2000, pourquoi les massacrer ? Il disait mourir de peur, avec le sentiment morbide d’être abandonné, de ne pas être écouté. Il parlait de suicides. Il concluait ainsi : ‶ Eglise n’oublie pas tes enfants″. Il parlait de son lycée de 1500 élèves. »

Daniel-Ange sort alors de sa retraite. Il en parle à son prieur et à son évêque, qui à la lecture de cette lettre, lui donne une nouvelle mission : celle d’évangéliser cette jeunesse en détresse. Le moine-ermite-timide devient évangélisateur.

« C’était incroyable. A chaque fois, dans ce lycée agricole près d’Angers, il y avait 3 ou 4 classes réunies. Ils refusaient de repartir après une heure. Les professeurs étaient furieux. »

La vie de Daniel-Ange se transforme sous l’impulsion de ces jeunes et de l’Esprit Saint. 3 ans plus tard, il fonde l’école internationale de prière et d’évangélisation Jeunesse-Lumière…

A suivre dans la seconde partie de notre trilogie.

Reportage réalisé par Antoine Bordier, consultant et journaliste indépendant – Copyright photos A. Bordier

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services