Du père Danziec dans Valeurs actuelles :
Alors que la France traverse une crise de régime, l’Italie semble marcher sur l’eau. Décomplexée par Giorgia Meloni et le sens de l’histoire, la péninsule assume son histoire chrétienne quand la France reste prisonnière de sa déprime existentielle.
La “Meloni mania” n’en finit pas. « Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne » déclarait-elle, enflammée lors du congrès de son parti, en 2021. Aujourd’hui, elle fait la couverture des grands hebdomadaires. Le JDNEWS le 15 juin dernier, Le Point le 24 juillet, Valeurs le 30 juillet, L’Express le 18 septembre. Autant de Unes pour un même message, sans équivoque, au sujet de l’actuelle responsable des destinées de l’Italie : « La méthode Meloni », « Enquête sur un phénomène », « Mamma miaGiorgia ! », « La femme forte de l’Europe ». Depuis sa prise de fonction à la tête du Conseil, trois années ont beau déjà avoir passé et la popularité de la leader de Frattelli d’Italia n’en finit pourtant pas de grimper. Présentée comme une paria postfasciste au début de son ascension politique, la voici devenue désormais l’égérie d’une ligne libérale-conservatrice en plein boom, véritable modèle pour les droites françaises.
Tout récemment, aux antipodes du gouvernement Bayrou qui ambitionnait de supprimer le jour férié du lundi de Pâques, la droite gouvernementale italienne décidait de faire du 4 octobre, jour de la fête de saint François d’Assise dans le calendrier liturgique de l’Eglise catholique, un jour chômé. Vu de Paris, tout laisserait supposer que cette proposition avait dû rencontrer une vive opposition dans les rangs de la gauche et devenir le théâtre de débats houleux à la Chambre des députés. On assista à l’exact contraire. Le projet passa aussi simplement qu’une lettre à la poste. Avec 247 voix pour, 2 voix contre et 6 abstentions, l’unanimité était de mise. Imagine-t-on un seul instant l’Assemblée Nationale rendre férié le jour de sainte Thérèse de Lisieux, fêtée elle aussi début octobre, le tout voté d’un seul cœur : du RN à LFI en passant par le socle commun ?
La mauvaise foi manifeste de Media Transports
Ironie de l’actualité : quand l’Italie déclarait chômée la saint François d’Assise, en France la campagne publicitaire du film Sacré-Cœur, envisagée par son distributeur Saje, dans les couloirs des métros parisiens et sur les réseaux de la SNCF,recevait une fin de non-recevoir. Ce docu-fiction retraçant l’histoire des apparitions du Christ à une religieuse visitandine à Paray-le-Monial au XVIIe siècle, se trouvait frappé d’interdit au motif de relayer une thématique jugée trop confessionnelle et prosélyte. La mauvaise foi était manifeste. La régie Media Transports se montrait en effet moins regardante lorsqu’il s’agissait d’autoriser les encarts de l’opérateur téléphonique Lebara souhaitant à ses abonnés un « Ramadan Moubarak », un « joyeux Ramadan ». Pas de gêne non plus à placarder en gros caractères les slogans du site de rencontre Muzz (qui s’adresse spécifiquement aux musulmans) tels que « Trouve babouche à ton pied » ou « 6 millions de musulmans en France et t’es toujours célibataire ? »
La haine de soi et la défiance en son passé sont deux cancers avancés qui rendent mortel un peuple. Edmund Burke rappelait que la vie en société nécessite un contrat entre ses membres. Non seulement les vivants, mais encore avec ceux qui sont morts et ceux qui sont à naître. En prophète, Chesterton avertissait, dès le début du XXe siècle, du grave danger que font peser sur l’Occident les petites oligarchies arrogantes en soif de rupture avec les permanences, les traditions et l’enracinement. Mettre à l’index publicitaire un film évoquant un fait mystique aux implications concrètes dans l’Histoire de France relève d’une bêtise crasse et d’uneméconnaissance coupable de ce qui fonde une unité nationale. Peut-on faire taire nos aïeuls sans conséquence pour notre avenir se demandait Chesterton ?
« On pourrait définir la tradition comme une extension du droit de vote au passé. Elle consiste à accorder le droit de suffrage à la plus obscure de toutes les classes, celle de nos ancêtres. C’est la démocratie des morts. »
En finir avec la haine de notre passé
A force de privatiser la religion chrétienne, de reléguer aux catacombes la foi chrétienne et de négliger les racines chrétiennes de la France au point de croire que « Ce qui fait la France, c’est la Déclaration des droits de l’homme » (Vincent Peillon), les décideurs actuels nourrissent l’archipellisation de la France dont ils se lamentent. Ils oublient que l’homme, son unité intérieure, sa place dans la société et la place de la société dans son ensemble sur un sol historique ne s’improvisent pas. « La nation, comme l’individu, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements » écrivait Renan. Les conditions essentielles pour être un peuple se résume selon lui à un patrimoine degloires communes accomplies dans le passé jointes à une volonté commune dans le présent d’en réaliser encore dans l’avenir. Quelle leçon !
Vivre dans un pays qui en arrive à proscrire le Sacré-Cœur de l’espace public en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir pour refaire son unité. Ne craignons rien cependant, le réel finit toujours par l’emporter sur l’idéologie. Ce n’est qu’une question de temps et de courage. De patience et de bon zèle. Et de fidélité surtout.