Du père Danziec dans Valeurs actuelles :
En ce premier dimanche du mois d’août, le pape Léon XIV accueille plus d’un million de jeunes à l’occasion de l’année jubilaire. Devenue minoritairedans un Occident apostat, la génération catholique des 18-25 ans n’en affiche que plus sa foi.
« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ! » Par ces paroles chaleureuses et engageantes, tirées de l’Evangile, le pape Léon XIV a tenu à rappeler aux centaines de milliers de jeunes, venus à Rome bénéficier des grâces du Jubilé, que l’Eglise toute entière comptait sur eux. Le nouveau Souverain Pontife sait que l’avenir du catholicisme se trouve entre leurs mains et il ne peut ignorer les grands défis qui les attendent. L’univers postmoderne, plein de lui-même et désabonné de Dieu, s’attache volontairement à faire fi detoutes réalités surnaturelles. L’influence de l’Eglise ne cesse de s’étioler tandis que le nombre de catéchisés s’effondre. Jamais en Occident la culture chrétienne n’avait semblé aussi fragile. Qui connaît encore la signification de la fête du 15 août à venir, jour de l’Assomption de Notre Dame au Ciel ? Dans une société davantage préoccupée par la vie économique que par la vie mystique, il n’y a pas que le trou de la dette qui continue de se creuser, les âmes elles-mêmes sont reléguées aux catacombes.
Une jeunesse « vide et avide »
De cet impensé existentiel, il en ressort une jeunesse certes déboussolée mais aussi assoiffée. Comment combler son appétit d’infini ? Orpheline de repères, analphabète desprincipes religieux, l’écrasante majorité des jeunes s’interroge sur cette verticalité qui leur fait défaut et qu’on ne leur a pas transmise. « Vide et avide » résumera un prêtre parisien pour qualifier ces étudiants en quête de sens et qui n’hésitent plus à franchir les portes des églises. C’est que la foi chrétienne, désormais minoritaire dans son expression authentique, recèle plus que jamais une dimension transgressive. A l’heure de Tik-Tok, de la téléréalité et du wokisme lancinant, le message de l’Evangile dénote franchement. Suivre le Christ n’est pas tant has been que punk pour cette jeunesse décomplexée.
Hier soir, dans la banlieue de Rome, à Tor Vergata, Léon XIV s’est appuyé lors de sa prise de parole avant l’adoration eucharistique sur la vie de saint Augustin qui, après avoir mené une jeunesse dissolue, a découvert le grand bonheur de l’amitié avec Dieu. Cette rencontre décisive possède son capital d’absolu. Saint Augustin « cherchait la vérité qui ne déçoit pas, la beauté qui ne passe pas » et les a trouvées « en rencontrant celui qui le cherchait déjà : Jésus-Christ ». A un jeune qui lui partageait ses difficultés à croire en la présence de Dieu « au milieu des épreuves et des incertitudes », le pape lui indiquera un chemin tout intérieur : « Adorez le Christ dans le Saint Sacrement [l’adoration de l’hostie consacrée, présence réelle du Seigneur Jésus sous les apparences du pain], source de la vie éternelle. » Au milieu du vacarme du monde, le pape invitait non pas la jeunesse à faire davantage de bruit mais, au contraire, à gagner en intériorité.
Les Troubadours de la miséricorde : des jeunes audacieux, comédiens et apôtres
Cet appel au silence et à la vie spirituelle, de plus en plus de jeunes s’en font l’écho. A 1300 km de là, une joyeuse bande de 25 jeunes comédiens volontaires écume durant ce début du mois d’août les parvis des églises, de Vannes à Carnac en passant par Josselin. A l’image des multiples initiatives missionnaires qui existent en France durant la période estivale,afin de porter le Christ aux inconnus, la troupe des Troubadours de la miséricorde organise des spectacles gratuits et ouverts à tous. Lancée lors des JMJ à Lisbonne en 2023, ces jeunes témoignent de leur foi en proposant aux badauds des scénettes spirituelles où s’alternent dialogues aux messages évangéliques, chants sacrés, sons d’instruments, danses médiévales et tapements de mains, le tout dans une ambiance bon enfant. Directement inspirés des “Mystères” du Moyen-Âge – pièces de théâtre religieux qui cherchaient à toucher et catéchiser un public plus large – les Troubadours de la Miséricorde vont ainsi aux périphéries prêcher la bonne parole. En s’adressant aux vacanciers, davantage à la recherche de glaces ou de cartes postales que d’aventures spirituelles, ils souhaitent, aidés par leur insolente jeunesse,rappeler plaisamment à tous et chacun que « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4). Après un premier spectacle sur Jeanne d’Arc puis un autre sur le bon larron, cet été c’est la vie de François d’Assise qui ambitionne d’édifier le public. Au fur et à mesure de la représentation, les passants s’arrêtent, les enfants s’asseyent, l’assistance écoute, la musique interprétée par la troupe fait le reste.
Ces comédiens amateurs touchent par leur enthousiasme et leur élan. Ils sont à l’image de la jeunesse catholique française : sans peur et sans complexe. A la fin du spectacle, tout le parvis est invité à entrer dans l’église attenante. Un temps d’adoration silencieuse les attend et des prêtres se tiennent à leur disposition pour échanger, discuter ou leur offrir le pardon divin dans la confession. Les larmes coulent souvent, les mains se joignent parfois et, toujours, Dieu seul distingue ce qui se trame dans les cœurs.
De Rome aux provinces de France, la jeunesse catholique reste, pour reprendre la formule du pape Léon XIV, « le signe qu’un monde différent est possible ». Raison de plus pour l’écouter et lui donner une place de choix.