Suite au débat entre Mgr Gollnisch et des lycéens catholiques sur l'opportunité d'aller se battre sur place pour défendre les chrétiens d'Orient, un lecteur apporte une analyse complémentaire de la situation locale :
"Un débat récent dont le Salon Beige s’est fait l’écho porte sur la question d’un soutien possible, voire souhaitable, de volontaires occidentaux auprès des chrétiens d’orient menacés par les islamistes en Irak et en Syrie. Il n’est pas raisonnable de prétendre prendre position sur cette question sans une approche plus détaillée de la situation des chrétiens dans ces deux pays.
La Syrie est un véritable microcosme oriental, dans lequel toutes les confessions chrétiennes se côtoient. On compte en effet les grecs-catholiques melkites (180 000), les grecs orthodoxes (500 000), les syriaques-orthodoxes (165 000), les syriaques-catholiques (60 000), les arméniens apostoliques orthodoxes (300 000), les arméniens-catholiques (60 000), les maronites (60 000), des protestants (35 000), des assyriens (30 000), nestoriens (35 000) et latins (10 000).
En Irak, les catholiques chaldéens (400 000) et Syriaques (40 000) sont majoritaires. Les chrétiens se répartissent aussi entre nestoriens (150 000), syriaques orthodoxes (40 000) et les autres confessions chrétiennes, qui réunissent quelques milliers de fidèles.
La défense de ces communautés chrétiennes est également assurée de manière différente.
En Irak, trois milices chrétiennes se sont formées dans le Kurdistan. Deux sont affiliées au gouvernement autonome du Kurdistan irakien : Dwekh Nawsha, lié au parti assyrien, au sein de laquelle se trouvent quelques volontaires occidentaux, et les Gardes du Tigre, du général Abou baker Ismail. Ces unités sont soutenues par les peshmergas kurdes. Une autre milice, l’Unité de protection de la plaine de Ninive, entraînés par l’ONG américaine “Sons of Liberty International” (SOLI), ne bénéficie pas de ce soutien. Sa capacité opérationnelle en est donc amoindrie.
En Syrie, la majorité des chrétiens de Syrie réside dans l’ouest du pays, dans les provinces côtières de l’ouest, dans la région de Damas, et sur l’axe Homs-Alep. Des milices chrétiennes se sont constituées depuis 2013 pour défendre les villages chrétiens. Elles ont depuis été intégrées à la Défense nationale syrienne, qui regroupe les différentes milices engagées contre les islamistes (alaouites, druzes, chiites…). Ces chrétiens se considèrent comme arabes et comptent sur la protection de l’Etat et de l’armée syrienne. En revanche, dans le nord-est du pays, la communauté chrétienne se réclame du nationalisme assyrien, la plus ancienne peuplade de la Mésopotamie. Elle a aussi constituée une milice, le Conseil militaire syriaque, alliée aux kurdes du PYG, la branche syrienne du PKK turc. Dans les localités, la défense est assurée par les forces du Sutoro, un autre groupe armé syriaque. Une partie de ce groupe a toutefois donné naissance au Sootoro, qui remplit les mêmes missions, mais en lien avec l’Etat syrien. En effet, Sutoro et Conseil militaire syriaque se situent dans l’opposition au régime, contre lequel ils ont participé à des actions de l’Armée syrienne libre au début du conflit. Mais l’essentiel de leur action est aujourd’hui tournée contre les islamistes de DAESH, qui tentent d’ouvrir un corridor entre le nord de la Syrie et le nord de l’Irak, pour assurer une continuité territoriale des zones qu’ils contrôlent entre les deux pays. Cette stratégie se heurte à l’objectif des combattants kurdes de constituer eux-mêmes un arc kurde autonome de la Syrie à l’Irak.
Il est donc important de noter que d’éventuels volontaires occidentaux devront choisir, au-delà de la défense des chrétiens menacés par les islamistes, entre deux positions distinctes sur le plan géopolitique.
En Irak, les milices chrétiennes sont liées aux kurdes, qui ambitionnent de conquérir une indépendance que leur participation aux combats contre l’Etat islamique préfigure.
En Syrie, les milices chrétiennes syriaques sont liées aux socialistes kurdes du PYG, opposés aux forces de l’Etat syrien qui compte dans ses rangs d’autres milices chrétiennes.
La complexité de la situation doit être connue pour porter un jugement sur l’opportunité d’un soutien armé aux chrétiens d’orient. Une autre option a été évoquée : celle d’une intervention directe de la coalition pour défendre les chrétiens persécutés. Les autorités religieuses catholiques d’Irak et de Syrie la rejettent unanimement, tant les interventions étrangères ont déjà provoquées de malheurs pour les chrétiens de la région."