Le cardinal Giacomo Biffi est décédé vendredi soir, à l’âge de 87 ans. Il fut archevêque de Bologne durant 20 ans, de 1984 à 2003.
Il fut invité par le Saint Pape Jean-Paul II à prêcher les exercices de Carême en 1989 à la Curie romaine ; il renouvela l’expérience en 2007, cette fois sur invitation de Benoît XVI.
Le Salon Beige avait déjà cité des extraits de son discours du 8 octobre 2004 sur l'immigration. En voici quelques extraits :
"Il me semble que jusqu’à présent l’on n’a pas accordé à ce problème l’attention pastorale qu’il mérite, et que l’on a manqué de réalisme dans la façon de l’évaluer et de l’affronter.[On ne peut pas] déduire – si on veut être vraiment "laïque" au-delà de tous les impératifs idéologiques – qu’une nation n’a pas le droit de contrôler et de régler l’afflux des gens qui veulent y entrer à tout prix. On peut encore moins en déduire qu’elle a le devoir d’ouvrir sans discernement ses propres frontières.
Il faut dire au contraire que tout projet viable d’insertion pacifique suppose et exige que les entrées soient surveillées et fassent l’objet de réglementations. Entre autres, il est évident pour tous que les entrées arbitraires – quand elles ont la réputation d’être assez facilement réalisables – déterminent fatalement, d’une part le développement incontrôlé de la misère et du désespoir (et souvent de dangereuses apparitions d’intolérance et de rejet absolu des étrangers), d’autre part le développement d’une industrie criminelle qui exploite ceux qui aspirent à passer clandestinement les frontières. […] Celui qui vient chez nous doit savoir dès le début qu’il lui sera demandé, comme contrepartie nécessaire de l’hospitalité, le respect de toutes les règles de vie en commun qui sont en vigueur chez nous, y compris les lois fiscales."
"Une introduction considérable d’étrangers dans notre péninsule est acceptable et peut même s’avérer bénéfique, à condition de s’occuper sérieusement de sauvegarder la véritable physionomie propre de notre nation. […] Dans une perspective réaliste, on préférera (à égalité de conditions, surtout pour ce qui concerne l’honnêteté des intentions et la correction du comportement) les populations catholiques ou au moins chrétiennes, dont l’insertion est infiniment plus aisée[…] ; puis les Asiatiques […], qui ont montré leur capacité à s’intégrer avec une bonne facilité, tout en conservant les traits distinctifs de leur culture. […]
Si l’on ne veut pas éluder ou censurer cette perspective d’attention au réel, il est évident que le cas des musulmans doit être traité à part. […] Les musulmans – dans l’immense majorité des cas, et à quelques exceptions près – arrivent chez nous résolus à rester étrangers à notre type d’"humanité" individuelle ou sociale, dans ce qu’il a de plus essentiel, de plus précieux ; étrangers à ce à quoi il nous est le plus impossible de renoncer "laïquement". Plus ou moins ouvertement, ils viennent chez nous bien décidés à rester substantiellement "différents", en attendant de nous faire devenir tous substantiellement comme eux. […]"
Il avait aussi écrit un petit ouvrage d'une centaine de pages traduit en français sous le titre "Le cinquième évangile", paru en 1971 aux Editions du Cèdre, réécrivant l'Evangile interprété à la lumière d'une certaine nouvelle pastorale. Benoît-et-moi en avait cité un extrait :
"J’ai prié pour toi, Simon, pour que ta foi, confirmée par l’opinion de la multitude, ne défaille jamais, et que tu sois soutenu par le murmure affectueux de tes frères."
"Simon… j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas, et toi, une fois converti, confirme tes frères." Luc 22, 32
Qu’est-ce qui soutient la foi inébranlable de Pierre ? La prière du Christ, semble nous enseigner le troisième évangile. L’avis de la majorité des fidèles, insinue au contraire notre texte.
Lorsque dans l’Eglise se fait jour une certaine incertitude sur la voie à prendre, que doit faire Pierre ? Se fier à son charisme intérieur, à la source duquel se tient la prière du Seigneur, « évêque et pasteur de nos âmes », semble suggérer Saint Luc. Se fonder sur les résultats d’un référendum parmi les baptisés, ou du moins sur un sondage d’opinion, dit le cinquième évangile.
Si le troupeau ne sait plus où aller, que doit-il faire ? Qu’il regarde Pierre, le pasteur délégué, semble affirmer l’évangile selon Jean. Pas du tout : que les brebis se réunissent et décident à la majorité de la route que devra prendre leur pasteur, enseigne l’évangile selon Migliavacca.
Nous nous trouvons, comme on voit, en présence de deux conceptions antinomiques de l’Eglise et de son chef visible. Elles ne peuvent s’accorder entre elles, il faut choisir.
Pour notre part, nous n’avons aucun doute : la théologie de la primauté qui est sous-jacente à ce bref fragment, même si elle est en opposition avec les évangiles canoniques, est plus démocratique, plus conforme à la mentalité des temps qui courent, plus acceptable.
Nous voudrions enfin souligner le gracieux équilibre qui caractérise les dernières paroles du passage. A l‘égard du pape, les catholiques de ce siècle semblent incapables de se tenir à égale distance de l’adulation et de l’insulte, du culte de la personnalité et du mépris, de l’Hosanna et du Crucifix. Quelle mesure, au contraire, quel bon sens, dans ces « murmures affectueux » qui, selon la parole de Jésus qui nous est ici rapportée, seraient le secret de la solidité de Pierre et la source cachée de ses consolations !"