Entretien du Salon beige avec l’abbé Debris, auteur d’un ouvrage sur l’impératrice Zita, à l’occasion d’un voyage organisé en Roumanie :
Vous organisez un pèlerinage en Roumanie ? Pour quel motif ?
J’organise depuis 2005 des pèlerinages. Tout avait commencé lorsque j’étais séminariste à Rome au séminaire pontifical français. Comme la Ville éternelle est très attractive, je recevais beaucoup de sollicitations de ma famille au sens très large et d’amis. Et, si j’appréciais énormément de recevoir des visites, je me devais d’abord à mon devoir d’état. Je décidai donc de rassembler les visites pour éviter d’être dispersé dans mes études tout au long de l’année.
Cela commença avec 11 personnes en 2005, puis 27 en 2006, etc… par le bouche à oreille où des amis d’amis venaient. Naturellement, après avoir quitté Rome, je me suis vite diversifié en proposant 1 ou 2 pèlerinages par an, soit pour une douzaine de jours en été ou pour un long week-end dans l’année : j’ai ainsi emmené 588 personnes dans 20 pèlerinages en Pologne, Jordanie-Israël, États-Unis (de Washington à New York), Autriche-Hongrie, Italie du Sud, Turin, l’Adriatique de Venise à Kotor (Italie, Croatie, Bosnie-Herzégovine et Monténégro), Prague, Malte, Bavière-Autriche-Suisse-Liechtenstein, Arménie, Kazakhstan, Russie, Italie du Nord (Tyrol du Sud et Vénétie), Géorgie. Et je n’ai que le bouche à oreille. Certains en sont à leur 13e pèlerinage car ils sont des afficionados mais il y a aussi des nouveaux toujours accueillis en toute charité. Des personnes seules qui ne savent pas toujours avec qui partir trouvent chez moi un cadre convivial.
Et cette année 2020, outre Rome de nouveau qui est déjà complet, je propose un très beau pèlerinage estival qui sera en Roumanie du dimanche 26 juillet au mercredi 5 août 2020.
Tout s’est progressivement structuré et je préside actuellement une petite association familiale appelée Exaltavit Humiles (« il élève les humbles », paroles tirées du Magnificat que j’aime beaucoup). Même sans l’agrément touristique, l’État autorise 2 à 3 voyages par an pour les associations. Mes parents s’occupent avec la rigueur d’anciens commerçants de la gestion administrative et moi de la conception des pèlerinages, de leur organisation et de leur accompagnement culturel et spirituel.
Comme j’ai la chance d’avoir vécu 11 ans à l’étranger (5 ans à Rome, 16 mois en Autriche à Wiener Neustadt et Vienne, autant en Allemagne à Munich puis à Fribourg en Suisse, 1 an à Washington) et que je parle couramment l’allemand, l’italien et l’anglais, avec un bon niveau en russe, j’ai une expérience très approfondie de certaines régions. Dans ces cas-là, je prends tout en charge moi-même sans aucun intermédiaire. Quand la destination est plus complexe comme pour l’ex-Union soviétique, j’ai la capacité de trouver des contacts locaux pour m’aider quand il faut un accompagnement par une agence locale. Mais dans tous les cas, c’est moi qui fixe entièrement l’itinéraire de ma propre conception, ainsi que tous les détails et je n’aime pas l’approximation mais j’apprécie d’aller au fond des choses (la Gründlichkeit allemande).
Je ne ferais pas tant d’efforts si je proposais la même chose que les agences de voyages chrétiennes. Mon cocktail est le suivant : du spirituel (sanctuaires, figures de sainteté, messe quotidienne avec homélie ciblée, chapelet dans le car), de l’historique (châteaux, musées souvent autour des familles royales), des beautés de la nature, de la gastronomie. L’ambiance est celle d’une saine amitié chrétienne, avec une dimension familiale puisque mes parents participent généralement. Je soigne les hôtels et les repas car en voyage, si le rythme est parfois un peu soutenu, pour ne pas blesser la charité, une convivialité de la table et un bon repos sont des éléments essentiels.
Je m’efforce de proposer soit des destinations originales, soit pour des destinations plus connues une thématique originale, soit des visites sortant de l’ordinaire avec ouverture de lieux privés inaccessibles au public ou des rencontres avec des membres de famille royale ou de la haute aristocratie, des personnalités de l’Église (prélats ou témoins de l’Évangile, communautés religieuses).
Par exemple, j’ai proposé un pèlerinage expiatoire pour les martyrs du Goulag au Kazakhstan ainsi qu’autour de la personnalité si attachante et réconfortante de Mgr Schneider comme héraut de la vraie foi, et le magnifique sanctuaire de Notre-Dame de Fátima de Karaganda. À Rome, pour l’Ascension, nous aurons une rencontre avec le cardinal Burke.
En Autriche, je fis ouvrir le musée des beaux-arts pour faire sortir des réserves la robe de Zita au sacre de Budapest le 30 décembre 1916 et dans la sacristie de l’église Mathias nous pûmes accéder aux trônes et aux ornements liturgiques, ainsi que la couronne archiducale d’Autriche dans l’abbaye de Klosterneubourg. Nous eûmes de nombreuses rencontres d’archiducs nous ouvrant personnellement les portes de leur demeure (à Persenbeug, Bad Ischl). À Venise, une petite-fille de Zita, la comtesse Czarnocki-Lucheschi, nous donna son témoignage sur sa grand-mère dans un palace où nous arrivâmes au saut de l’avion en vaporetto, accueillis au Prosecco. À Međugorje, l’archiduchesse Milona (branche des palatins de Hongrie) nous livrait son approche des apparitions de la Sainte-Vierge. Dans un registre plus léger, j’organisai un bal à Budapest, dans la tradition de l’Empire. À New York, j’emmenai mes pèlerins voir une comédie musicale à Broadway et fit un dîner d’adieu à Hyde Park dans l’université gastronomique des États-Unis.
Pourquoi cet intérêt pour l’ancien empire austro-hongrois ?
J’ai fait de très longues études (agrégé de l’université en histoire et docteur en histoire et en théologie) et je suis passionné par la monarchie de Habsbourg depuis mes 13 ans, en 1986, à l’occasion d’un séjour de vacances familiales en Autriche. J’ai alors décidé d’y consacrer ma vie intellectuelle, assistant, avec mon frère, à mon premier colloque du Groupe d’Études de la Monarchie de Habsbourg à 15 ans, à Strasbourg. J’y rencontrais de grands noms de la recherche sur le sujet, parmi lesquels on peut citer en France les Prof. Jean-Paul Bled et les regrettés François Fejtő, Bernard Michel. Ils furent sans doute touchés de voir des adolescents consacrer leur argent de poche à traverser seuls toute la France pour se rendre à un colloque universitaire où nous faisions sérieusement chuter la moyenne d’âge !
Je réussis à vivre 2 ans comme assistant en Autriche et donc à commencer à rassembler la documentation qui me servit pour mon premier doctorat consacré à la politique matrimoniale des Habsbourg à la fin du Moyen Âge (1273-1519) (Tu, Felix Austria, nube chez Brepols en 2005) qui fut primé à l’Académie Française. En tant que premier postulateur (2008-2014) de sa cause de béatification, je fus chargé d’ouvrir le procès de béatification de l’Impératrice Zita en 2009. Et je continue à y consacrer des recherches à titre personnel. J’ai déjà publié 2 livres sur elle : Zita. Portrait intime d’une impératrice au Cerf (2013) et De choses et d’autres. Le surnaturel dans la vie de l’Impératrice Zita, aux Presses de la Délivrance (2018).
Je me suis donc intéressé aux différentes provinces composant l’Empire austro-hongrois (Kronländer) que j’essaie de couvrir petit à petit, d’où la Roumanie pour la Transylvanie en particulier. Je m’efforce de rendre vivante l’histoire de ces pays, de leurs souverains, de l’Église.
Cet intérêt pour l’Europe centrale et orientale m’a porté à élargir, après la sphère germanique, à la sphère russophone qui est l’autre poids lourd. J’espère en 2021 proposer la Crimée et le littoral russe de la Mer Noire (Sotchi, voire Abkhazie). Mais je ne me limite pas non plus à cela, puisque j’aime beaucoup les États-Unis et je prévois un pèlerinage au Japon (Nagasaki, Akita). J’ai encore des projets plein la tête comme Israël autrement, l’Inde, la Birmanie.
Pouvez-vous donner un aperçu du programme ?
La Roumanie est un pays finalement mal connu en France et souffrant parfois d’un déficit d’estime chez certains, par assimilation indue entre citoyenneté et nationalités qui fait mélanger Roms et Roumains qui sont pourtant 2 nationalités bien différentes (la première, anthropologiquement intéressante aussi étant d’ailleurs aussi bien en Bulgarie, Slovaquie et Hongrie qu’en Roumanie). Pourtant, la Roumanie fut un allié traditionnel de la France et un pivot de la francophonie, puisque c’est un cas unique de pays latin à la confluence des sphères germanique, slave et hongroise, sans même parler du joug ottoman contre lequel lutta ardemment Vlad III l’Empaleur, Țepeș, ou le fils du Dragon (Drăculea), qui inspira Bram Stocker pour son fameux vampire. Si bien que l’unité roumaine émergea lentement autour des principautés danubiennes de Valachie et de Moldavie qui formèrent en 1859 les principautés unies de Roumanie sous Alexandre Jean Cuza. Elles devinrent principauté de Roumanie (1866) puis royaume (1881) sous le sceptre de la branche catholique des Hohenzollern, les Sigmaringen, qui durent toutefois se convertir à l’orthodoxie pour se faire accepter de leurs nouveaux sujets.
Les pèlerinages dans cet immense pays, grand comme la moitié de la France, privilégient souvent les rapports avec l’orthodoxie, les monastères aux si belles peintures de Moldavie. Pour ma part, j’ai mis l’accent sur un autre aspect, la Transylvanie, annexée en 1918, ce qui, avec d’autres provinces, fit doubler la surface du pays. Nous n’oublierons pas la capitale, Bucarest, qui ne se réduit vraiment pas à l’image des destructions du dictateur Ceaușescu !
Nous nous attacherons aussi à la famille royale qui retrouva son pays après un si long exil du roi Michel Ier (1921-2017), que j’eus l’honneur de rencontrer, et de son épouse, la reine Anne (1923-2016), nièce de l’impératrice Zita par son frère René de Bourbon-Parme et Marguerite de Danemark. Aujourd’hui, son chef de famille, SM Margareta, gardienne de la couronne de Roumanie, joue même un rôle officiel. La famille a été rétablie dans ses droits et s’est vu restituer plusieurs biens. Nous visiterons plusieurs de leurs palais à Bucarest et Sinaia, la nécropole royale de Curtea de Argeș et les couronnes royales. Cette famille est malheureusement divisée par des querelles internes entre un descendant d’une première union de Carol II (roi de 1930 à 1940), Paul-Philippe de Hohenzollern-Sigmaringen (Lambrino) et aussi par l’exclusion en 2015 du neveu de Margerita, Nicolas Medforth-Mills, fils de la princesse Elena. J’espère pouvoir obtenir une rencontre avec certains membres de cette illustre famille.
Outre cette thématique historique avec ses implications nationales (d’importantes communautés hongroise, sicule, saxonne, souabe, lipovène subsistent), nous mettrons l’accent sur la dimension religieuse avec la tradition orthodoxe roumaine, l’influence luthérienne, mais surtout les martyrs catholiques de l’époque communiste, souvent de la majorité gréco-catholique (Vasile Aftenie, Valeriu Traian Frentiu, Ioan Suciu, Tit Liviu Chinezu, Ioan Balan, Alexandru Rusu, Cardinal Iuliu Hossu béatifiés le 2 juin 2019) mais parfois aussi latine (Mgr Vladimir Ghika, 1873-1954, béatifié en 2013). Nous visiterons l’excellent musée de la répression communiste contre l’Église à Sighet. Pour les beautés de la nature, nous passerons par deux des plus belles routes des Carpates (le col du Gutâi et la Transfăgărășan).
Qui peut participer ?
Toute personne peut participer, quel que soit son âge pourvu qu’elle soit en santé suffisante. Nous avons déjà accueilli des enfants accompagnant leurs parents ou grands-parents. Les personnes seules peuvent partager une chambre avec d’autres sur proposition. Des confrères prêtres se sont déjà associés avec bonheur à mes pèlerinages (mais sans concélébration !). Il n’est pas nécessaire d’être catholique mais simplement de bonne volonté envers la Sainte Église. Ayant été providentiellement ordonné prêtre à 33 ans en 2007 à quelques jours du motu proprio Summorum Pontificum, je suis passé voilà 7 ans à la messe traditionnelle exclusive, aussi proposé-je la messe tridentine, en latin, proposée dans de beaux lieux chargés d’histoire.
Comment s’inscrire ?
Le programme détaillé se trouve sur mon site internet. On y trouve aussi le bulletin d’inscription, la charte et les conditions de vente. Le prix est fixé à 1.670 € (sur la base de 30 participants et en chambre double). Des chambres individuelles sont disponibles pour un supplément de 315 €. Je me tiens à disposition par l’adresse [email protected]