D'Olivier Bault dans Présent :
"La presse mainstream française voudrait y voir un « soubresaut », une « embûche », un facteur de « troubles » ou de « tensions » en plus, sur la route du Brexit, mais ceux qui avaient fait campagne au Royaume-Uni pour la sortie de l’UE ont applaudi la démission le 3 janvier de Sir Ivan Rogers du poste de représentant permanent de son pays à Bruxelles. Ivan Rogers avait en effet été la personne en charge des négociations de l’ancien premier ministre David Cameron pour un nouvel accord entre l’UE et les Britanniques. Des négociations qui avaient permis d’obtenir bien peu de concessions et qui avaient valu au représentant permanent démissionnaire d’être accusé d’accepter trop facilement les refus du camp d’en face. Le 15 décembre dernier, la BBC avait divulgué une note de M. Rogers dans laquelle celui-ci affirmait que les négociations pour le Brexit pouvaient prendre dix ans, et on savait depuis que le premier ministre Theresa May et son gouvernement avaient « perdu confiance » dans leur représentant permanent à Bruxelles.
Pour l’homme qui avait poussé David Cameron à organiser un référendum sur la sortie de l’UE, Nigel Farage, l’ancien chef de l’UKIP, Sir Rogers aurait dû démissionner le lendemain du référendum sur le Brexit, car il faut, pour négocier la sortie de l’UE, quelqu’un « qui croit en ce pour quoi le pays a voté ». Le député conservateur et ancien ministre de David Cameron, Ian Duncan Smith, notoirement eurosceptique, a attaqué Sir Ivan Rogers pour ses prises de positions publiques trop fréquentes. Et il est vrai que le représentant permanent sortant n’a pas pu s’empêcher, dans sa lettre de démission envoyée à tous ses collaborateurs et dont il savait certainement qu’elle allait atterrir sur les bureaux des rédactions, de critiquer durement le gouvernement de Theresa May pour l’absence d’objectifs clairs donnés aux négociateurs et son manque de réalisme.
Si les Travaillistes et les Libéraux-démocrates ont déploré la perte d’un diplomate expérimenté, fin connaisseur des réalités européennes, Theresa May a dès le lendemain appointé un autre diplomate expérimenté, Sir Timothy Barrow, au poste de représentant permanent. Il fallait agir vite, car l’article 50 du Traité de l’UE, qui déclenche le processus de sortie, sera invoqué d’ici trois mois. Tim Barrow était l’ambassadeur de son pays à Moscou de 2011 à 2015 et il a également déjà occupé des postes importants pour son pays à Bruxelles."