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Culture de mort : Avortement / Démographie

Dénatalité et atteintes à la vie

Dénatalité et atteintes à la vie

Cet article est tiré du numéro 301 de la revue Action Familiale et Scolaire

Au XVIIIe siècle, la France était le pays le plus peuplé d’Europe. Aujourd’hui les signaux d’alerte se multiplient en raison de l’accélération de la dénatalité ; les médias s’en font l’écho : « Un désastre national : suicide par dénatalité »« Pente démographique », « Urgence nationale », « La France face au défi de sa démographie » … à tel point que le président Macron, et, à ce titre, chef suprême des armées, a lancé l’offensive (verbale) d’un nécessaire « réarmement démographique », dans un discours du 16 janvier 2024, à ce jour resté sans effet pratique. La situation doit être gravissime pour que soit évoqué au sommet de l’État, en termes guerriers, un sujet sur lequel, depuis des décennies, démographes, sociologues et historiens ont attiré l’attention des pouvoirs publics. Et se référer aux données chiffrées de l’INED et de la DREES[1] le confirme : il y a urgence !

Le fait est révélateur de divers maux qui ont progressivement atteint le corps social dans le plus profond de son être. Il en est un qui est très peu et très prudemment évoqué, comme s’il s’agissait d’un tabou, dont la caractéristique est d’engendrer silence et respect par crainte de représailles. Il est en effet paradoxal de constater que, mis à part certains médias dits « alternatifs » et donc pourchassés car non conformes à la « vérité » qui a cours, peu se risquent à établir un rapprochement entre une démographie agonisante et les plus de dix millions d’enfants[2] non nés officiellement du seul fait de l’application de la loi Veil-Chirac-Giscard. Certes, il serait réducteur et inexact de n’attribuer l’effondrement démographique qu’aux 50 ans de la légalisation de l’avortement. Mais chacun sait qu’au cours du temps, le légal tend à créer une « nouvelle moralité », dont les effets ne se limitent pas à l’objet de la loi, mais à l’ensemble des composantes structurant les fondements de la vie sociale : vie morale et intellectuelle, perspectives et espérances, raisons de vivre et de mourir.

1. « Choc de deux mondes »

Simone Veil

La loi Veil a pris force juridique le 17 janvier 1975, sous l’euphémisme conçu par ses promoteurs d’ »interruption volontaire de grossesse » (IVG)au premier abord moins connoté du point de vue moral que le terme « avortement », chargé alors d’opprobre et de honte. Tout changement profond ne peut se faire qu’en douceur.

1.1. Rappel historique

La préparation de cette loi avait donné lieu depuis des années [3] à une mise en scène bien conçue : des défis publics du type « manifeste des 343″(1971) ou du procès de Bobigny (1972) et à un matraquage éhonté sur le nombre supposé des avortements clandestins : utilisant un coefficient de l’ordre de six pour en multiplier le nombre, les tenants de l’avortement brandissaient quelque 800 000 avortements en 1973 et 1974 pour en dénoncer l’insalubrité et l’horreur [4]. En 1976, soit un an après la dépénalisation, l’INED estimait à 246 000 le nombre d’avortements légaux.

Il faut aussi se référer aux propos du Dr Pierre Simon, co-concepteur, promoteur et artisan d’une conception particulière de la médecine. Son livre au titre dérisoire et trompeur, De la vie avant toute chose[5] permet de comprendre le mécanisme­­ subversif élaboré et mis en œuvre par l’idéologie maçonnique dans les loges pour changer l’état des esprits à l’égard de la vie :

Pierre Simon

« La polémique autour de la loi Veil (…) c’est le choc de deux mondes »
(p. 211)

Il est également instructif de remarquer comment ce qu’il est convenu d’appeler les libéraux, politiciens et intellectuels, se sont abstenus d’affirmer leurs convictions, voire n’ont pu trouver une quelconque argumentation dans leur libéralisme qui n’est précisément qu’un vide doctrinal.

Il est enfin scandaleux de constater le mutisme de la hiérarchie de l’Église catholique en France dont les chefs n’ont pas cru bon de rappeler les réalités exigeantes de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel. Pierre Simon évoque la collaboration de religieux jésuites qui voyaient certainement dans la campagne pour l’avortement un signe indubitable de modernité (p. 204). Il est vrai qu’au moment même où se déroulaient des débats houleux à l’Assemblée Nationale et dans les médias, des négociations se tenaient entre le ministère de la santé et les instances épiscopales en vue de … l’intégration des prêtres, religieux et religieuses au système français de Sécurité sociale. Peut-être s’agissait-il de ne pas compromettre l’avenir ? Simone Veil le mentionne, non sans ironie, dans ses mémoires[6].

En février 1983, à l’initiative de Yvette Roudy ministre des « Droits de la femme » du premier gouvernement Mitterrand, les députés décidaient, à la quasi-unanimité, du remboursement à 80 % de l’avortement par le système de protection sociale : la négation pratique de l’ordre naturel, et donc de Dieu qui en est l’auteur, transcende largement les courants politiques ! Par la loi du 17.12.2012, la prise en charge passa à 100 % au titre de la maladie, la grossesse étant ainsi déclarée un mal qu’il fallait absolument éradiquer.

Yvette Roudy

Par ailleurs, un délit d’entrave à l’avortement fut instauré (loi du 27 janvier 1993) et depuis, la loi du 20 mars 2017, élargissant l’infraction, punit le fait…

« … d’empêcher les femmes d’accéder à l’IVG par quelque moyen que ce soit ou de s’informer sur une IVG, y compris en ligne (internet), notamment par la diffusion ou la transmission d’informations erronées de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une IVG[7]. »

Les deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende à la clef sont à même de dissuader toute expression manifestant une opposition au dogme de la libération de la femme par l’avortement.

1.2. Les effets de la loi

Dès les premières données statistiques, des experts attiraient l’attention sur les conséquences démographiques en réponse aux allégations du président Giscard d’Estaing qui niait le lien entre avortement et chute de la natalité[8].

Berceau bébé

Jean Legrand, démographe[9], apportait les preuves irréfutables du contraire :

« La baisse de la fécondité date de 1964 en FranceMais cette baisse fut relativement lente de 1964 à 1973 (…). Elle s’est accélérée à partir de 1973. Cette date est significative, puisque le verdict de Bobigny, qui a libéralisé de fait l’avortement bien avant la loi, est intervenu en novembre 1972. Donc, de 1964 au milieu de 1973, soit en neuf ans, la fécondité passe de 2,90 à 2,35 marquant une baisse de 0,55. Mais, du milieu de 1973 à la fin de 1975, la fécondité passe de 2,35 à 1,83, soit une baisse équivalente (0,52), mais en deux ans et deux mois seulement. Le bilan démographique de l’avortement est donc plus sévère qu’on ne le dit, d’autant plus que les mesures d’aide à la famille n’ont jamais été promulguées. » (Le Point, 07.05.1979)

Pierre Chaunu, historien, analysant les données chiffrées et leur chronologie, livrait une synthèse sans langue de bois, montrant les prolongements et fruits empoisonnés de la loi :

« Le printemps et l’été 1973 sont à l’apogée de la formidable campagne pour l’avortement (…). La baisse rapide de la natalité commence en septembre 1973 (…). La seconde rupture est due à la mise en application de la loi (…) du 17 janvier 1975 (qui) était applicable aux conceptions postérieures au 09 novembre 1974, concernant des accouchements postérieurs, donc au mois d’août 1975 (…). L’encouragement au meurtre est reçu. Juillet 1975 est à 4,9 % en dessous de juillet 1974. En août et septembre 1975, l’incidence prévue toujours observée (en Allemagne de l’est, en Angleterre, partout) se trouve fidèle au rendez-vous. 67 548 naissances en août 1974, 60 598 en août 1975 (-10,3 %). L’écart est maximal en sept. et oct. 1975 (-13,5 %). En septembre 1974, 65 449 naissances, en septembre 1975, 56 642[10]. »  

Le Professeur JH. Soutoul, gynécologue-obstétricien n’hésitait pas à établir un lien direct entre les deux :

« À quel degré place-t-on le niveau d’intelligence du Français moyen pour oser lui assurer que des centaines de milliers d’embryons et de fœtus jetés dans les incinérateurs des hôpitaux ou des cliniques ne peuvent manquer dans le maintien du taux de natalité ? L’argument qui consiste à dire : « l’avortement libéralisé influence peu une courbe décroissante de naissances constatée en Occident ou en Europe depuis quelques années » correspond à peu près à l’argument que soutiendrait un protecteur de la nature ou des éléphants : leur nombre décroît naturellement[11]

Cinquante ans après ces propos, on peut apprécier l’effondrement du « niveau d’intelligence du Français moyen » qui, sous l’effet de la propagande ininterrompue, du relâchement moral, du confort matériel, de la paresse intellectuelle est dans l’incapacité d’ouvrir les yeux sur la situation du pays réel et du proche avenir matériel – entre autres – qu’il se prépare et réserve aux siens.

2. Un nouveau monde

La France détient aujourd’hui le record des avortements en Europe. Première sur la planète, elle a indiqué la voie de la déchéance en inscrivant ce droit à une nouvelle liberté[12] dans le marbre (friable !) de sa Constitution.

2.1. État des lieux

L’INED et la DREES annoncent 243 623 avortements pour 2023.  C’est dire qu’officiellement, en termes démographiques et administratifs, près de 670 citoyens potentiels sont quotidiennement privés d’état-civil, sans tenir compte de ceux qui par l’effet de la « pilule du lendemain » sont avortés en toute quiétude et discrétion.

Pour l’ensemble du pays, y compris l’outre-mer, le taux officiel est de 17 avortements pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans en 2023. L’importante augmentation touche les tranches d’âges pour lesquelles la fécondité est à son maximum ; en effet, le recours à l’avortement se produit essentiellement entre 20 et 34 ans : 30 femmes pour 1000 entre 25 et 29 ans. Enfin, il est à remarquer que la loi du 02.03.2022, qui a prolongé le délai légal de 12 à 14 semaines de grossesse, a encouragé l’avortement tardifqui représente 2,5 % des IVG en établissements hospitaliers.

Malgré les dénégations, le lien entre dénatalité et avortement apparaît nettement quand les médias de grand chemin osent laisser passer quelques informations provenant de l’étranger, où ont été prises des décisions restrictives à la pratique l’avortement :

« Au Texas, la législation stricte sur l’avortement aurait entraîné 10 000 naissances supplémentaires sur les neuf derniers mois de 2022, d’après une étude publiée par la revue médicale américaine JAMA[13].

Une étude estime que le nombre de naissances a augmenté de 2,3 % en moyenne dans les États américains où l’avortement a été interdit. Les femmes âgées de 20 à 24 ans et les Hispaniques sont les plus concernées. Ce sont les premiers effets de l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême des États-Unis qui a abrogé en juin 2022 le droit constitutionnel à l’avortement. Depuis, environ 32.000 bébés de plus naissent chaque année aux États-Unis, selon une nouvelle étude[14].«

Quant à l’hebdomadaire Le Point, il se risque à dévoiler…

«  ce qui se cache vraiment derrière la baisse des naissances en France. Les politiques familiales [???] peinent à enrayer la chute des naissances, et sont contredites par celles sur l’avortement, la contraception et le divorce. Une incohérence coûteuse qui interroge sur l’action de l’État[15]«

Bien entendu, ce ne sont pas des considérations morales ou religieuses qui conduisent ces médias à mentionner l’avortement et oser enfreindre du bout des lèvres le tabou, mais le simple réalisme économique, qui veut que le vieillissement d’une population fait encourir de hauts risques à la société :

« Outre celui de l’émergence d’une gérontocratie, ce phénomène peut engendrer des difficultés financières et économiques majeures, avec un nombre croissant d’inactifs pesant sur les actifs, gonflant ainsi les dépenses de santé et de retraite.« (Le Point)

2.2. L’esprit de la loi

Pour adoucir la rudesse des chiffres, et rendre plus aimable le profil de ses géniteurs, il est répété à l’envi, même chez les catholiques, que l’esprit de la loi Veil-Chirac-Giscard, a été dénaturé. C’est faux.

Que S. Veil n’ait pas voulu les conséquences actuelles, c’est possible ; nous ne pouvons juger des intentions. Mais, ministre de la Santé, elle avait la responsabilité et les pouvoirs afférents à sa fonction. Or les orientations qui guidaient les acteurs du projet lui étaient connues et particulièrement celles du Dr Simon[16], alors en plein exercice de ses deux mandats de Grand Maître de la GLDF (1969-71 et 1973-75). Sollicité par S. Veil, il rejoignit le ministère de la Santé de 1974 à 1979 en tant que conseiller technique. Il put ainsi assister en bonne place au couronnement de la pensée élaborée par les « frères » depuis 30 ans et déjà solidement entrée dans les mœurs depuis 1967. En effet, si la société est comparée à un chêne, cette loi ne fut que le coin enfoncé dans l’entaille du tronc déjà bien entamé par la légalisation de la contraception ; l’éclatement en résulta qui transforma la société au sujet de laquelle P. Simon écrivait :

« Les solutions que nous fournit la morale traditionnelle ne peuvent plus nous contenter. Elles reposent sur une sacralisation du principe de vie dont l’essence est superstitieuse et la démarche fétichiste ». (p. 233)

La loi de 1967 avait ouvert la plaie. Il est patent que la loi de 1975 n’a été que le symptôme et l’accélérateur d’un bouleversement profond voulu et préparé depuis des décennies, la « révolution » de 1968 en ayant été un signe avant-coureur.

Jacques Héliot

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