Le nouveau livre de William Cavanaugh, Migrations du sacré, qui vient de paraître aux Éditions de L’Homme Nouveau. Extraits de l'introduction :
"Il se pourrait néanmoins que nous ayons de bonnes raisons d’hésiter à considérer l’État comme un sauveur. Dans le cas de la crise actuelle, les renflouements gouvernementaux ne sont pas tant apparus comme la solution aux problèmes plus profonds qui se cachent derrière la crise économique que comme un renvoi des conséquences de certains d’entre eux à plus tard. Les gouvernements ont secouru les acteurs les plus imprudents du marché des échanges financiers en recourant à des emprunts et après avoir fermement refusé de le réglementer. Le monde à hauts risques de la finance d’entreprise s’avère ne pas être en définitive aussi risqué qu’il en a l’air puisque l’État est là pour ramasser les morceaux lorsque les banques, qui sont «trop grandes pour échouer», causent des ravages. L’État n’est pas tant un sauveur qu’un catalyseur des pires risques qui puissent être pris. Même si certaines interventions de l’État sont en mesure d’atténuer la catastrophe, nous devons penser à deux fois avant d’attendre de sa part qu’il nous sauve. […]
Aujourd’hui, nous n’attendons pas seulement de l’État qu’il apporte des solutions techniques aux déséquilibres du marché. Nous voulons, dans un sens plus profond, que l’État absorbe le risque lié au fait de vivre une vie humaine mortelle. Nous voulons que l’État renvoie les conséquences de nos actions dans un avenir indéfini. Nous voulons, en d’autres termes, que l’État nous aide à tricher avec la mort. […]
L’idée que le christianisme appartienne à un domaine particulier et non-empirique appelé «religion» – un domaine qui serait tenu à l’écart d’un autre domaine de l’action humaine, essentiellement distinct, appelé «politique» – est une invention qui date des débuts de l’ère moderne. Cette invention a facilité l’expansion du pouvoir civil au détriment du pouvoir ecclésiastique. La séparation de la religion et de la politique contribue à promouvoir la séparation de la loyauté de l’individu envers l’Église de celle qui est la sienne envers l’État-nation, et c’est ainsi que s’opère […] la migration du sacré, de l’Église à l’État. […]
Un chrétien devrait se sentir, au niveau politique, comme un sans-abri, dans le contexte actuel, et il ne devrait pas considérer le choix des plus moroses qu’il a, entre les démocrates et les républicains, entre la gauche et la droite, comme étant le résultat incontournable de notre vie politique. Dans ce livre, j’attire l’attention sur les pratiques de l’Église qui résistent à la colonisation de l’imagination chrétienne par un État-nation qui veut se subordonner tous les attachements qui lui sont étrangers. Pour que ces pratiques réussissent, il est nécessaire d’accroître la complexité de l’espace politique, et de créer des formes de communautés locales qui, entre elles également, disperseront et résisteront aux pouvoirs de l’État et de l’entreprise."
raphael charles
Il semblerait que cette réflexion soit parfaitement convergente avec un article paru ailleurs ce jour !
Dette sociale : Nos enfants paieront !
Ou le vrai scandale de la Démocratie qui est, non seulement un régime de consommation du capital déjà constitué, comme cela a été le cas avec la Révolution Française, mais en outre vient d’inventer avec la V ème République la consommation d’un capital virtuel, par la création d’une dette sociale qui devra être payée *** par les enfants qui auront survécu aux lois sur l’avortement qui ont jeté 6 à 7 millions de foetus dans les fours crématoires des hôpitaux ou les éprouvettes des laboratoires pharmaceutiques ! …
Jacques
C’est très ressemblant à ce que disait le Saint Père dans son homélie du 18 juillet 2010 : bien plus que la richesse ou l’argent, “mammon” = sécurité économique.
Un manifestation de cette sécurité économique et financière : la “Sécurité-Sociale-que-le-monde-nous-envie” est finalement devenue une n-ème manifestation de “mammon”.
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http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2010/07/18/8e-dimanche-apres-la-pentecote.html
18 juillet 2010
8e dimanche après la Pentecôte
L’évangile est celui de l’intendant malhonnête, et Jésus conclut : « Faites-vous des amis avec le mammon d’iniquité. »
Le mot « mammon » est souvent traduit par « richesses » ou « argent ». Mais on ne doit pas le traduire. On doit le garder tel qu’il est dans les textes grec latin. Car sa signification dépasse de loin ce que l’on entend par « richesses ».
Dans son homélie de Velletri, le 23 septembre 2007, Benoît XVI a remarquablement cerné le sens du mot : « Mammon est un terme d’origine phénicienne qui évoque la sécurité économique et le succès dans les affaires ; nous pourrions dire que dans la richesse est indiquée l’idole à laquelle on sacrifie toute chose pour atteindre sa propre réussite matérielle et ainsi cette réussite économique devient le vrai dieu d’une personne. »
C’est pourquoi, dans l’évangile de saint Matthieu, Jésus dit qu’il faut « choisir entre Dieu et Mammon ».
Sixtine
Bravo, Mr William Cavanaugh ! ça c’est de la super-réflexion politique.
Problème : comment décline-t-on cela en France ? Personne ne l’a jamais fait, personne n’en est capable à mon avis.
Ce genre de réflexions, sûrement appropriées et brillantes dans le cadre d’un modèle anglo-saxon, me paraissent totalement inadaptées au contexte social, politique et économique de notre pays. Pour tout dire, ces réflexions brillantes relèvent, en France, de la pure utopie. Contraire au principe de réalité qui s’impose à tout catholique.
J’ai conscience de déplaire à la rédaction et aux lecteurs du Salon beige, mais il faut bien qu’on dise ces choses-là… aussi
Jean-Paul Viaud
Très intéressant. Ce phénomène s’accentue également lorsque, de plus en plus, se développe une tendance à repousser dans la sphère privée l’opinion religieuse sur la chose publique. C’est pourquoi il faut prendre conscience que cette tendance aboutira à une privatisation de la chose et de la sphère publique par des personnes hostiles au discours et à l’opinion religieuse.
N’ayons donc aucune gêne à nous exprimer dans l’espace public sur tout ce qui touche la chose publique! Réfutons cette fausse prétention de groupes “laïciste” à nous interdire de participer en tant que chrétien au débat politique.
D’ailleurs le Saint-Père nous le souligne cette semaine, il faut que les chrétiens prennent leur place en politique à tous les niveaux.
raphael charles
Et si , pour une fois le mieux n’était pas l’ennemi du bien, on en profitait pour désacraliser la Démocratie, la République Une et Invisible, les Droits de l’Homme et tout le “saint-frusquin ” qui va avec, dont il n’est fait nulle part mention dans l’Evangile ? …
En raccourci :
NON à l’Etat-Nation qui définit le Bien et le Mal !
OUI à l’ETAT-ROYAL au service du Bien Commun de la Fille Aînée de l’Eglise !
” Royauté, Capillarité, et Subsidiarité”
Au nom du paradigme catholique et capétien (12)
http://www.cril17.info/
Laguérie
” La séparation de la religion et de la politique contribue à promouvoir la séparation de la loyauté de l’individu envers l’Église de celle qui est la sienne envers l’État-nation, et c’est ainsi que s’opère […] la migration du sacré, de l’Église à l’État. […] ” Fort bien. Sauf que William Cavanaugh semble ne pas s’apercevoir que l’Etat-nation – du fait même de la séparation de la religion et de la politique – se dilue dans le magma de l’Etat-mondial. Que si le processus n’est pas encore terminé, il est déjà très avancé. Et que c’est cet Etat-mondial et non l’Etat-nation qui se trouve dans le point de mire de la migration du sacré.