Nous pouvons lire dans la presse que "Le Vatican embrasse la théologie de la libération". Sic. Et ceci en raison de la parution dimanche prochain de l’édition
italienne d’un livre consacré à la théologie de la libération, co-écrit par Mgr Gerhard
Ludwig Müller, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, et
le théologien péruvien Gustavo Gutiérrez.
Sandro Magister commente :
"Le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi et le
fondateur de la théologie de la libération essaient de mettre un terme à
vingt ans de polémiques. Mais l'un de ceux qui ont critiqué le plus
sévèrement ce courant théologique a justement été le pape actuel".Jorge Mario Bergoglio lui-même n’a jamais caché son désaccord avec des aspects essentiels de cette théologie. Ses
théologiens de référence n’ont jamais été ni Gutiérrez, ni Leonardo
Boff, ni Jon Sobrino, mais l'Argentin Juan Carlos Scannone, qui avait
élaboré une théologie non pas de la libération mais "du peuple", centrée
sur la culture et la religiosité des gens ordinaires, en premier lieu
les pauvres, avec leur spiritualité traditionnelle et leur sensibilité à
la justice. En 2005 – c’est-à-dire à un moment où l’ouvrage
écrit par Müller et Gutiérrez avait déjà été publié en Allemagne – celui
qui était alors l’archevêque de Buenos Aires écrivait :"Après
l’effondrement de l'empire totalitaire du 'socialisme réel' ces courants
de pensée se sont enfoncés dans la confusion. Incapables aussi bien
d’une reformulation radicale que d’une nouvelle créativité, ils ont
survécu par inertie, même si, aujourd’hui encore, il ne manque pas de
gens pour vouloir les proposer à nouveau, de manière anachronique".D’après
le frère de Leonardo Boff, Clodovis, l'événement qui a marqué la
rupture de l’Église catholique latino-américaine avec ce qu’il restait
de la théologie de la libération a été la conférence continentale
d’Aparecida, en 2007, inaugurée par Benoît XVI en personne et dans
laquelle le cardinal Bergoglio a joué un rôle de premier plan. C’est
précisément à cette époque-là que Clodovis Boff a effectué sa
"conversion". Lui qui était un représentant de pointe de la théologie de
la libération, il est devenu l’un de ceux qui la critiquent le plus
sévèrement. En 2008 la polémique entre les deux frères avait fait
du bruit. D’après Clodovis, l'erreur "fatale" dans laquelle tombe la
théologie de la libération est de considérer le pauvre comme le "premier
principe opérationnel de la théologie", en le mettant à la place de
Dieu et de Jésus-Christ. Avec la conséquence suivante :"La
'pastorale de la libération' devient une branche de la lutte politique
parmi tant d’autres. L’Église se rend semblable à une ONG et, ce
faisant, elle se vide aussi physiquement : elle perd des opérateurs, des
militants et des fidèles. Les gens 'de l’extérieur' n’éprouvent guère
d’intérêt pour une 'Église de la libération' parce que, pour ce qui est
du militantisme, ils disposent déjà des ONG, tandis que, pour ce qui est
de l’expérience religieuse, ils ont besoin de beaucoup plus que d’une
simple libération sociale"."
Et le pape François a critiqué à plusieurs reprises depuis son élection les tentatives voulant faire de l'Eglise une simple ONG.
Sur certains aspects de cette théologie, le cardinal Ratzinger avait publié une instruction en 1984, toujours disponible ici.