Joël Hautebert, Secrétaire général de l’association Objection, revient sur ce pharmacien dénoncé par le Planning familial pour avoir refusé de vendre des contraceptifs :
"[…] Les faits sont les suivants : A la suite d’une plainte, monsieur Bruno Pichon a été condamné par le conseil régional de l’ordre des pharmaciens d’Aquitaine à fermer sa pharmacie pendant une semaine, à la suite d’un refus de vente de stérilet. Comme les effets abortifs en sont pourtant bien connus, il est en droit d’invoquer sa clause de conscience, en conformité avec la jurisprudence française et européenne. La décision du Conseil de l’ordre est susceptible d’appel par ce courageux pharmacien devant la chambre de discipline du conseil national de l’ordre.
Dans le même temps, c’est-à-dire alors que la procédure légale devant le conseil de l’ordre était en cours, ce pharmacien a subi un testing organisé par le planning familial. Deux militantes se sont rendues à la pharmacie munies d’une ordonnance fournie par un médecin afin de provoquer le pharmacien au refus de vente. Le planning familial a ensuite envoyé un courrier dénonçant le pharmacien à diverses autorités, dont le préfet.
La manière dont les faits sont relatés par la plupart des journalistes démontre une extraordinaire absence de discernement et de prudence.
Un seul exemple, franchement cocasse si l’affaire n’était pas sérieuse, donne le ton de l’ensemble : l’article de Sud Ouest fait état d’une ancienne affaire datant de 1994 (jugement en 1995), Bruno Pichon ayant « à l’époque » 38 ans. Sur de nombreux sites de journaux (voir par exemple ici et ici) , on apprend que ce pharmacien est aujourd’hui âgé de 38 ans et qu’il a déjà connu des mésaventures judiciaires en 1995 pour des motifs proches. Si nous admettons que le calcul n’est pas soumis à l’arbitraire individuel, le résultat est le suivant : 2016-1994 (début de l’affaire) = 22 ans, disons 21 si l’on tient compte du fait que nous sommes encore dans le premier quart de l’année 2016. Ce qui veut dire que Bruno Pichon était déjà pharmacien titulaire à 17 ans ! Trop fort !
Franchement, quelle crédibilité pouvons-nous accorder à ces gens ? Aucune.
Il est par ailleurs expliqué que Bruno Pichon a dirigé la journaliste de Sud Ouest vers son avocate. Ladite journaliste n’a pourtant pas pris la peine de la contacter avant la rédaction du papier. Cela n’empêche pas de nombreux journalistes d’écrire que le pharmacien fonde son refus de vente sur ses convictions religieuses (voir ici et ici). Le journal La Dépêche ose titrer : « Le pharmacien intégriste refuse de vendre des contraceptifs ». Question : comment sont-ils en mesure de connaître les motivations du pharmacien alors que ce dernier n’a pas souhaité s’exprimer et que son avocate n’a pas été contacté dans un premier temps, et n’a pas ensuite été interrogée sur ce sujet ? En fait, ils n’en savent rien.
Nous suggérons aux journalistes honnêtes de se renseigner et d’explorer un tant soit peu les motivations d’un professionnel, qui agit en cette qualité.
Le rappel systématique des condamnations antérieures jette le flou le plus complet sur l’objet même du contentieux actuel. Et que dire de l’inexactitude avec laquelle le refus lui-même est rapporté. De quel produit exact s’agit-il ? Et quels sont ses effets en particulier abortifs ?
Voilà de vrais interrogations qu’il va bien falloir poser pour comprendre la légitimité de la clause de conscience des médecins. Tout récemment, Heiner Bielefeldt, Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction (pas nécessairement religieuse), s’est exprimé en faveur du droit du personnel médical, y compris des pharmaciens, de refuser de participer et donc de collaborer à un avortement.
Enfin, pour couronner le tout, les procédés employés par le planning familial ne suscitent aucune espèce de réserve. Quelle est la valeur probatoire du testing ? Est-il légitime de provoquer quelqu’un à commettre un acte que l’on considère comme une infraction ?
Et pourtant, il a suffi d’un article de journal faisant état de l’investissement du planning familial pour que des informations militantes, partielles ou mensongères soient répercutées en quelques heures, sans contrôle ni relecture. Les choses se passent ainsi au pays de la liberté."