De Cyril Farret d’Astiès pour Le Salon beige :
Deux bien mauvaises nouvelles ont éclaté jeudi 2 juin.
Tout d’abord la suspension des ordinations du diocèse de Toulon. Voilà un des diocèses les plus dynamiques de France, dont l’évêque accomplit depuis des années un travail admirable dans la continuité de son prédécesseur, dont les fruits sont profus, beaux, savoureux, qui démontre jour après jour que dans notre monde déprimé et déprimant qui prétend vivre sans Dieu et contre Lui, le catholicisme a encore toute sa place et que sa vitalité demeure aujourd’hui comme hier. Est-ce ce succès paisible qui pose problème ?
En fin d’après-midi c’est de Toulouse que parvenait une nouvelle moins funeste mais très révélatrice de la crise actuelle. Monseigneur de Kérimel interdit par un courrier lunaire à ses séminaristes le port de la soutane. Est-ce cette jeunesse qui pose problème ?
Profitons-en pour dire deux mots du vêtement ecclésiastique. La soutane est un sacramental ; dans la liturgie traditionnelle elle est remise par l’Église au cours d’une cérémonie. Contrairement au clergyman ou à la croix du veston, elle est bien plus qu’un signe d’identité ; elle est déjà une consécration. Le cardinal Siri disait en 1972 que :
« la défense de la soutane, c’est la défense de la vocation et des vocations. Mon devoir de pasteur m’oblige à regarder au loin. Je dois constater que l’introduction du clergyman est une cause, probablement première, de la grave décadence de la discipline ecclésiastique. »
Quant à Dom Delatte, il prévenait déjà à la fin du XIXe siècle :
« L’ennemi des âmes sait bien ce qu’il fait lorsqu’il s’efforce de proscrire l’habit ecclésiastique religieux. Je ne sais si l’habit fait le moine, mais il le garde et c’est un premier pas vers l’esprit séculier que d’être séculier par l’habit. »
Deux bien mauvaises nouvelles donc, de nature et de portée très différentes mais emblématiques de l’état calamiteux de notre Mère l’Église, sans péché mais pas sans pécheurs.
Nous avons ressenti tout d’abord de la colère qui a très vite laissé place à une très grande tristesse. Mais après quelques heures, un espoir prend le dessus : que la violence, l’outrance, la méchanceté et la mesquinerie de ces décisions ecclésiastiques qui semblent poursuivre d’une effroyable haine tout ce qui reste de catholicisme dans notre pauvre Église aboutisse demain par la réunion des forces vives du catholicisme authentique à un sursaut, à une prise de conscience et à une véritable et profonde réforme liturgique, morale, spirituelle, doctrinale.
Alors que débute dans quelques heures le pèlerinage de Chartres de Pentecôte, prions avec ferveur pour le pape, les cardinaux, les évêques et le clergé. Supplions le Saint Esprit :
Venez, Esprit-Saint, en nos cœurs, et envoyez du haut du ciel un rayon de votre lumière.
Venez en nous, père des pauvres, venez, dispensateur des dons, venez, lumière de nos cœurs.
Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les larmes, le réconfort.
O lumière bienheureuse, remplissez jusqu’à l’intime le cœur de tous vos fidèles.
Sans votre puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti.
Lavez ce qui est souillé ; arrosez ce qui est aride ; guérissez ce qui est blessé.
Assouplissez ce qui est raide ; réchauffez ce qui est froid ; rendez droit ce qui est faussé.
Donnez à vos fidèles qui se confient en Vous, vos sept Dons sacrés.
Donnez mérite et vertu ; donnez le salut final ; donnez la joie éternelle.
Ainsi soit-il.
Addendum de Michel Janva :
Canoniquement, selon le nouveau Code de droit canonique, la cléricature n’est aujourd’hui acquise qu’avec le diaconat. Et donc Mgr de Kérimel est dans le vrai. Ou presque puisqu’il interdit le port de la soutane aux diacres également.
Mais historiquement, spirituellement et selon la tradition de l’Eglise, les séminaristes sont considérés comme devant se dévouer totalement au service de Dieu dès les premiers moments de leur formation de séminariste. La cléricature était d’ailleurs donnée par l’Eglise au cours de la cérémonie de la tonsure, qui se pratique encore avec l’autorisation de Rome.
Ce dévouement et la séparation du monde qu’il implique, est spécialement marquée par l’habit clérical, qui est la soutane depuis plusieurs siècles. Elle marque également le détachement de toutes choses et la consécration à Dieu, tout comme l’habit religieux et la tonsure monacale.
Mais dans le contexte actuel, et comme précisé par l’archevêque de Toulouse qui craint visiblement ce qui serait “trop clérical”, le futur prêtre doit surtout bien comprendre que l’autorité liée au sacerdoce est du cléricalisme, c’est-à-dire un abus, et doit chercher à s’en préserver comme d’une peste.
Addendum 2 – un prêtre nous écrit que Mgr de Kerimel n’est pas dans le vrai :
1. En effet, la cléricature est reçue au diaconat; 2. Mgr confond “clerc” (à partir du diaconat) et “ecclésiastique”
Trophyme
Le SB vient de publier une excellente réaction sur la note de Mgr de Kérimel. Quiconque souhaite aborder ce sujet pertinemment serait bien inspiré de la lire :
https://lesalonbeige.fr/remarques-sur-le-port-de-la-soutane/
L’affaire de Toulon est indéniablement violente. Mais on ne peut s’empêcher de penser à ce qui arrive dans certaines familles ou groupes, lorsque une série d’avertissements discrets n’ayant pas été entendus par le responsable (occupé à trop d’autres choses ou se fichant de ce qu’on lui dit), l’autorité décide alors, pour se faire enfin entendre, d’imposer une mesure excessive, violente et injuste. C’est la version cléricale de la “politique de la canonnière”, efficace avec certains “sourds” volontaires. Politique immorale peut-être, mais qui scandalise moins quand on sait l’arrière-fond…
Michel Janva
C’est quoi l’arrière-fond ?
Trophyme
Si vous êtes abonné au Figaro, lisez les articles de Guénois, avec certaines indications discrètes, par ex. : “la cohésion de l’ensemble et sa gestion posent de sérieuses questions. Avec parfois de graves sorties de route par manque de discernement. Il y en eut plusieurs, encore récemment, toutes documentées et indéfendables.”
Je ne pense pas que ce soit le motif réel de la décision romaine, mais peut-être est-ce la goutte qui aura fait déborder le vase ? L’anglais le dit très bien : “the straw that broke the camel’s back” : la paille de trop, celle qui a brisé le dos du chameau…
Cosaque
Les accusations de “mauvaise gestion” dans l’Eglise plus que lassantes deviennent de plus en plus ridicules… Qui peut jusqu’à François, peut se prévaloir de ne jamais froisser personne ? Invoquer la forme par peur d’aborder le fond ou prétexte à toutes les dérives autocrates ?
Cosaque
Bref, ce genre de prétextes fallacieux me semblent d’un pharisianisme sans nom…
Trophyme
On ne peut que s’incliner devant votre connaissance détaillée et précise de l’ensemble des considérants de cette affaire … Quel soulagement de se laisser convaincre par la puissance de votre argumentation !
Giacomo
Par contre, la bénédiction de couples homosexuels par des évêques allemands, ce n’est pas du tout une “sortie de route”.
J’ai lu que parmi les fidèles du diocèse de Toulon il y aurait près de 10% de personnes d’origine musulmane et que Mgr Rey aurait même ordonné prêtres deux convertis antérieurement musulmans.
C’est peut-être cela la vraie “sortie de route” sachant que nore Pape déclare que “la diversité des religions est voulue par Dieu”. Donc convertir un musulman c’est aller à l’encontre de la volonté divine…
A.F
Ces “gens” qui nous “gouvernent” sont nos ennemis.
Moi
C’est justement le problème du comportement de Rome. Ces mesures brutales et inexpliquées laissent imaginer les pires crimes.
Gaudete
ah oui et quand on voit ce qui se passe à Rome, il y a de quoi se poser bcp de questions, il suffit de lire le dernier article de Mgr Vigano aujourd’hui sur MPI. Si je comprends bien,à ce que nous dit Depras) il y aurait des abus sexuels, spirituels et des suicides de religieux à Toulon? Et si cela était vrai, peut-être faudrait-il revenir aux causes de tout cela, mais je dis bien si cela était vrai. Ces derniers temps quelques années on assiste à trop de mensonges, de prédations etc de la part de certains prince de notre pauvre Eglise qu’on est en droit de poser de questions (quand on a subi la destruction systématique d’un diocèse par deux évêques successifs, on ne fait guère plus confiance à ce genre de personnages et on a un peu tendance à penser que presque tous sont du même acabit) Quant à Mr de Kérimel on en rirait si ce n’était pathétique, il doit préférer les curés en jean, col roulé avec une minette assise sur le siège de la moto au dit curé, on a déjà vu ça ici dans notre pauvre diocèse
Classico
Que sur Toulon il y ait des problèmes de discernement je veux bien, mais qu’on le dise non ?
Idem à Toulouse : la raison donnée, le cléricalisme, est stupide. Si la raison est d’éviter que le séminariste attende avant de meriter un tel habit, elle est tout à fait valable.
hugues
Voici un extrait de la biographie de l’abbé Henri Jausions, mon oncle (1908-1999), qui a été le chancelier de l’évêché de Clermont-Ferrand de 1956 à 1983 : “Le Concile a été quelque chose difficile à expliquer et à utiliser. Il y a aussi toutes les erreurs du concile, qui s’effacent petit à petit mais qui laissent des marques. La question de la soutane, je peux peut-être en parler, parce que je suis à peu près le seul à la porter? C’est une bêtise faramineuse que l’on a faite dans l’ordre uniquement matériel…Mon frère (qui travaillait chez Conchon-Quinette) me téléphone “Qu’est-ce que vous avez les curés, vous êtes fous ? Ce matin il y a dix curés qui sont venus acheter des vêtements anthracite, mais nous n’en avons pas” Finalement chacun s’est habillé comme il a voulu. Moi j’ai gardé la soutane”
Ermort
Les soutanes? La belle affaire… L’évêque demande aux séminaristes (et pas aux prêtres) de ne pas en porter… Pourquoi ne pas lui faire confiance a priori? Un séminariste est encore laïc, il n’y a pas de raison qu’il fasse croire aux gens – et à lui-même – qu’il est prêtre alors qu’il ne l’est pas encore (et ne le sera peut-être jamais).
Toulon? La nouvelle est attristante… mais quels éléments avons-nous pour juger?
Voici quelques éléments de bon sens pour y mieux réfléchir… et prier.
https://www.youtube.com/watch?v=LJD5G0-Hlb0
La critique systématique de ce que vit l’Eglise est vraiment pénible… et sans doute un péché.
Faliocha
Tant qu’il y aura des gens pour réagir comme vous, l’Eglise ira droit dans le mur.
Giacomo
Encore un nouveau péché…
Après les péchés contre l’écologie…
Et aussi celui de chercher à convertir un orthodoxe au catholicisme.
Péchés véniels ou mortels ? Les avis divergent…
L’infaillibilté pontificale se limite aux questions de foi et de morale. En dehors de ces deux domaines, la critique d’un pape est libre pour autant qu’elle soit bienveillante et constructive.
remigousseau
C’est d’autant plus ridicule que dans de nombreux pays la soutane est remise aux séminaristes lors de l’entrée en théologie. La Pologne par exemple qui suit à la lettre les recommandations de Rome. Même si aujourd’hui on ne sait plus très bien la nature des recommandations romaines. Le fameux “en même temps” qui est commun au gouvernants modernes, dans la Sainte Eglise y compris.
namaste
Du Cardinal Siri: « la défense de la soutane, c’est la défense de la vocation et des vocations. Mon devoir de pasteur m’oblige à regarder au loin. Je dois constater que l’introduction du clergyman est une cause, probablement première, de la grave décadence de la discipline ecclésiastique. »
Michel Janva, merci, Vous venez de citer le Cardinal Siri trop proche du Saint Pape Pie XII pour que nous ayons pu le connaître au moment des conclaves post Pie XII. Oui il était « papabile ». Mais 2 papes ont été élus pour lancer et achever le Concile Vatican II. Le Père Malachi Martin très proche du Cardinal Béa nous a bien démontré comment à cette époque charnière des 2 conclaves la « Maison était battue par les vents ». ( Novel: The windswept House – 1996). Fort heureusement les 2 Pontificats suivants ont sérieusement redressé la barre. Mais de nouveau les vents et les orages sont de retour…….en ce jour de Pentecôte prions l’Esprit Saint