Voici le sermon du père Alain Hocquemiller, prieur de la Saint Croix de Riaumont, prononcé hier à l'Assomption en la chapelle au Village de Riaumont :
"En cette fête de l’Assomption de Notre-Dame nous avons un exemple remarquable, à la fois admirable et douloureux, de la leçon de l’Évangile des dix lépreux purifiés par Jésus que nous avons entendue hier. L’Évangile nous disait hier que l’un d’entre eux, un seul, revint à Jésus pour rendre grâces à Dieu. Le vœu de Louis XIII, qui établit l’Assomption de Notre-Dame comme fête nationale de notre patrie, est un exemple admirable de cette gratitude que célèbre Évangile d’ hier : Rendre grâce, remercier Dieu. Exemple admirable … exemple douloureux aussi ; parce que tous les successeurs de Louis XIII ne l’ont pas tous imité, loin s’en faut. La gratitude : c’est le sens profond de ce magnifique texte du vœu de Louis XIII que nous lirons tout à l’heure au cours de la procession. J’y pensais récemment en voyant tous nos anciens présidents de la république, dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ils assistaient poliment, mais sans dévotion particulière, à la messe célébrée aux intentions des victimes des attentats ; qui sont – on a bien le droit de le penser- les victimes de leur politique. Trois ou quatre présidents de la république réunis debout devant le magnifique autel de Louis XIII, regardant sans comprendre, sans vouloir comprendre la leçon ; regardant sans comprendre le Grand autel de la cathédrale de Paris : « avec une image de la vierge qui tient dans ses bras celle de son précieux fils descendu de la croix » – ce sont les termes mêmes du vœu de Louis XIII – et où Louis XIII lui-même est représenté agenouillé « au pied du fils et de la mère comme leur offrant sa couronne et son sceptre ». Les présidents sont debout. Le roi Louis XIII est à genoux.
Louis XIII, roi de France, est dans la position de ce lépreux, de ce lépreux samaritain qui vient remercier Dieu des grâces qu’il a reçues de lui. Louis XIII, glorieusement régnant sur le pays le plus prospère du monde à l’époque, Louis XIII a choisi, il veut être ce lépreux. Il est, à l’époque, l’homme le plus riche et le plus puissant de l’univers et il pourrait plastronner, profiter orgueilleusement de cette puissance, de cette richesse. Non, au contraire, il veut imiter le lépreux qui revient pour rendre grâce à Dieu : Il dépose les insignes de son pouvoir, de sa puissance, de sa prospérité et il les offre au Christ et à sa mère ou plutôt : il les leur rend, parce qu’il reconnaît que toute prospérité, toute puissance, tout pouvoir viennent de Dieu. Les présidents, debout. Le roi Louis XIII à genoux. Les présidents d’une république qui ne subventionne et ne reconnait aucun culte. Le roi Louis XIII, favorisant, développant, mais surtout pratiquant, donnant le premier l’exemple de la pratique du culte. Les présidents, très fiers d’exercer un pouvoir « reçu du peuple ». Le roi reconnaissant humblement qu’il n’aurait « aucun pouvoir s’il ne lui avait été donné d’en haut ». Le roi, donnant l’ordre de faire la procession pour remercier Dieu de garantir en France la paix et la concorde publique. Le président, réduit cette année à interdire les processions, par crainte de troubles à l’ordre public…
Rassurez-vous mes frères, ma méditation de ce jour ne veut pas vous égarer sur les chemins controversés de la politique. Il ne s’agit pas pour moi d’utiliser mon sacerdoce à faux pour enseigner que le régime monarchique serait supérieur au régime républicain, ce qui n’est pas écrit dans l’Evangile… ni dans l’histoire. Il y a eu dans notre histoire des monarques orgueilleux qui n’ont pas sincèrement offert leur couronne ni leur sceptre au fils de Dieu. Et il pourrait y avoir un jour des présidents … Il y a actuellement de par le monde des républiques qui reconnaissent les droits de Dieu, qui prient Dieu dans le besoin et lui rendent grâces dans la prospérité. On a tout-à-fait tort en France, au nom de la laïcité la plus sectaire du monde, de croire qu’une république est forcément fondée sur la froide négation des droits de Dieu. L’Évangile n’est pas le coran : il ne nous soumet pas sur la terre à un régime politique plutôt qu’à un autre. L’Évangile exige de nous une soumission loyale à César, fût-il païen ; au régime politique légitime, fût-il républicain. Mais l’Évangile rappelle que : au-dessus de César il y a Dieu ; au-dessus de la puissance des hommes, légitime, nécessaire mais toujours limitée et faillible, au-dessus de tout régime politique il y a la toute-puissance de Dieu ; au-dessus de la terre il y a le ciel ; et la fête de l’Assomption, est précisément l’annonce splendide que tout être humain, après avoir vécu sur la terre, le plus souvent dans les douleurs, dans l’humilité et l’anonymat, trop souvent victime des abus du pouvoir humain … Comme le Fils de Dieu lui-même ! Comme sa sainte mère !
Tout être humain baptisé est appelé à une vie éternelle dans la gloire du ciel. Pourquoi le pape Pie XII, en 1950, -c’est-à-dire hier- pourquoi le pape Pie XII a-t-il voulu engager son infaillibilité pontificale, et faire de l’Assomption de Marie un dogme catholique ? Pourquoi fallait-il, en 1950, à l’heure de la bombe atomique, établir comme une vérité de foi un enseignement qui, aux yeux des hommes « modernes », ressemble fortement à une pieuse légende du Moyen Âge ? Pourquoi ressasser cette image poétique de la Femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, à l’heure où par sa technique triomphante, l’homme mesurait la température du soleil et allait bientôt parvenir à marcher sur la lune ? Pourquoi est-ce si important d’affirmer aux hommes du monde moderne que :
la mère de Jésus à la fin de sa vie terrestre, a été préservée de la corruption et emmenée dans la gloire du ciel ?
Tout ce qui concerne la vierge Marie concerne directement le cœur de notre foi en Dieu. Il n’y a pas de plus profonde erreur de perspective que celle qui prétend que la dévotion à Marie nous distrait, nous écarte de l’adoration due à Dieu. Le cœur de notre relation à Dieu, le centre de notre religion, c’est que Dieu a tant aimé le monde qu’il s’est fait homme en la personne de son fils éternel. Jésus-Christ est Dieu, né de Dieu, Lumière née de la lumière, Il s’est fait homme pour nous les hommes et pour notre salut. Notre salut est dans le ciel ! Jésus-Christ est descendu du ciel et il a pris chair de la vierge Marie. Et les premières générations chrétiennes, éblouies par ce mystère de l’amour de Dieu, immédiatement, ont rendu un culte d’affection, d’admiration, de vénération à celle en qui le verbe de Dieu s’est fait chair. Car on ne peut rien comprendre à Jésus si on ne regarde pas Marie. On ne peut comprendre que Jésus est à la fois vrai homme sur la terre et vrai Dieu dans le ciel; si on ne comprend pas que Marie est vraiment la mère de Dieu ; si on ne comprend pas que Dieu a voulu avoir une mère sur la terre. S’incarner, c’est cela d’abord : être chair faible, fragile et dépendante, avoir besoin d’une mère. Mystère de la crèche. Le mystère de Jésus, c’est qu’il s’est fait en tout semblable à nous, à l’exception du péché. Donc, le mystère de Jésus, Dieu fait homme, c’est le mystère de l’amour de Dieu pour les hommes, c’est pour nous les hommes et pour notre salut, que Dieu s’est incarné en Marie, préservée du péché. Et l’affirmation de la foi, l’affirmation du dogme de l’Assomption, c’est que Marie a été la première à profiter de cet amour rédempteur du fils de Dieu.
En prévision des mérites de son fils Marie est préservée de la tache du péché originel :c’est le dogme de l’Immaculée Conception. En conséquence des mérites de son fils Marie, la première, fait l’expérience de la résurrection de la chair ; « je crois à la résurrection de la chair » : C’est un des articles de la foi des premiers temps de l’église. La mort, la corruption du tombeau qui défigure la chair humaine, est la punition du péché. Alors la chair de Marie est préservée de la corruption qui est la punition d’un péché qu’elle n’a pas commis. C’est le dogme de l’Assomption. Alors, non, l’Assomption n’est pas un dogme tardif ou plutôt, distinguons entre le dogme qui est récent :1950, c’était hier ! et la foi en l’Assomption, qui a toujours été crue dans l’église, et dont la célébration en la date du 15 août est attestée depuis le troisième siècle ! Elle est une conséquence nécessaire et indubitable de la foi en la résurrection de la chair. Tout chrétien, animé de la foi, espère que son propre corps, châtié de ses péchés par la corruption du tombeau, ressuscitera intégralement pour profiter de la gloire du ciel dans l’éternité. Tout chrétien, animé de la foi, sait que Marie, conçue sans péché, mère admirable de Jésus Sauveur, fidèle en tout à son fils jusqu’à son dernier souffle, a vécu cette entrée dans la gloire du ciel dès la fin de sa vie terrestre. Alors, non, cette vérité n’est pas une légende médiévale, un dogme tardif, une excroissance, un rajout aventureux à la foi chrétienne ; c’est le cœur même de notre foi et de notre espérance, mis en danger par l’orgueil des temps modernes, et c’est l’honneur du pape Pie XII que d’avoir consacré son autorité pontificale à préserver du doute le cœur de la foi chrétienne.
« Pierre, j’ai prié pour toi, afin que ta foi défaille pas »
« Pierre, tu es Pierre et sur celle de Pierre je bâtirai mon église. »
« Pierre, m’aimes-tu ? »
« Donne à manger à mes brebis, donne à manger à mon troupeau, affermis tes frères »
La tentation du XXe et du XXIe siècle contre laquelle s’élève le dogme de l’Assomption, c’est la tentation orgueilleuse des hommes qui ont cru conquérir l’univers, étendre leur pouvoir sur toute la terre, sans référence aucune envers le Créateur. Un pouvoir fou, qui va jusqu’à menacer de détruire cette terre. Un pouvoir fou , qui va jusqu’à oublier que les hommes sont faits pour le ciel. Un pouvoir fou , qui va jusqu’à prétendre faire régner la paix sur la terre et dans la société sans rendre gloire à Dieu, au plus haut des cieux, d’un culte à la fois personnel et social.
Alors, dans notre petit royaume libre de Riaumont dans ce village d’enfants ou le Christ est roi, où l’interdiction de faire des processions ne s’applique pas, chantons de tout notre cœur les louanges de la mère de Dieu ! Oui, le Christ est mort pour nous sur la croix pour nous et pour notre salut pour nous mériter d’entrer un jour corps et âme dans la gloire du ciel à la suite de sa très Sainte mère. Comme le Roi Louis XIII jadis, consacra le Royaume de France, la terre de France à la Reine des cieux, Consacrons à notre tour à Marie qui règne aux cieux ces petits royaumes de la terre que sont nos familles, nos cités, nos entreprises, nos écoles, tout ce sur quoi s’exerce notre activité d’artisans de l’Evangile.