Nous remercions l’association Una Voce de nous autoriser à publier des extraits des excellents commentaires des cinq pièces grégoriennes du dimanche ou de la fête à venir. Vous aurez la totalité des textes sur le site et nous ne pouvons que vous encourager à vous abonner à la newsletter hebdomadaire en cochant dans la case adéquate sur la page d’accueil.
Nous entrons ce dimanche dans le temps de la Passion, où nous sommes maintenant durant les deux dernières semaines du Carême qui nous séparent encore de la fête de Pâques. Dimanche dernier, le dimanche de Lætare, nous nous étions réjouis par avance à la pensée de la prochaine victoire de la Résurrection, mais nous avions vu que pour parvenir à cette joie il fallait d’abord passer par la croix. Nous allons donc pendant ces deux semaines nous unir profondément aux souffrances et à la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui seront l’unique objet de notre prière et de nos chants. Les chants de la messe de ce dimanche de la Passion sont tous placés dans la bouche du Christ. Ce sont ceux d’un homme persécuté et abandonné de tous. Certes Il est Dieu, et d’un mot Il pourrait réduire ses persécuteurs à néant, mais Il cache volontairement sa divinité. C’est pourquoi on voile les crucifix et toutes les autres statues durant ce temps de la Passion, tout au moins devrait-on le faire, et pour la même raison on supprime le chant du Gloria Patri à l’Introït.
Introït : Judica me
L’Introït de ce jour a un texte bien connu, puisque c’est le début du psaume 42 que le prêtre récite au bas de l’autel.
Judica me, Deus, et discerne causam meam de gente non sancta : ab homine iniquo et doloso eripe me : Quia Tu es Deus meus, et fortitudo mea.
Faites-moi justice, mon Dieu, séparez ma cause de celle d’un peuple impie, délivrez-moi de l’homme méchant et trompeur, car vous êtes mon Dieu et ma force.
Ce psaume, qui n’est d’ailleurs que la suite du psaume 41, est la prière d’un juif pieux exilé au milieu d’un peuple païen, et aspirant à retrouver la cité sainte de Jérusalem et le temple, maison de Dieu. Aujourd’hui cette prière doit être mise dans la bouche du Christ qui a quitté le ciel pour venir au milieu des hommes qui le persécutent et dont Il accepte volontairement de porter les péchés. Les deux premières phrases expriment sa souffrance en deux grandes montées qui culminent de façon douloureuse à la fin de la deuxième phrase sur les mots eripe me. Mais comme toujours le Christ exprime aussi sa confiance en son Père et son abandon total à sa volonté ; c’est la troisième phrase dont la mélodie est beaucoup plus douce. Cet Introït est accompagné du verset suivant du psaume :
Emitte lucem tuam et veritatem tuam : ipsa me deduxerunt, et adduxerunt in montem sanctum tum, et in tabernacula tua.
Envoyez votre lumière et votre vérité : ce sont elles qui me guideront et me conduiront vers votre sainte montagne dans votre temple.
Comme nous l’avons dit le Gloria Patri est supprimé et après ce verset du psaume on reprend aussitôt l’Introït.
Graduel : Eripe me
Comme l’Introït, le Graduel du dimanche de la Passion est encore une prière du Christ souffrant et en butte aux persécutions des pécheurs, mais confiant et soumis à la volonté de son Père. Curieusement, car c’est assez rare, les deux parties de ce Graduel sont empruntées à deux psaumes différents. La première est tirée du psaume 142, le dernier des sept psaumes de pénitence, prière du juste persécuté, et ce verset résume parfaitement les sentiments du Christ dans sa Passion.
Eripe me Domine, de inimicis meis : doce me facere voluntatem tuam.
Arrachez-moi Seigneur aux mains de mes ennemis, apprenez-moi à faire votre volonté.
La deuxième est extraite du psaume 17, qui est au contraire un chant d’action de grâces. Nous l’avons rencontré à l’Introït du dimanche de la Septuagésime où les tourments passés n’étaient évoqués que pour remercier le Seigneur de les avoir surmontés. Ici les versets ont été mis au futur, et le Christ y exprime la confiance en son Père qui le fera triompher de tous ses persécuteurs :
Liberator meus, Domine, de gentibus iracundis : ab insurgentibus in me exalatabis me : a viro iniquo eripies me
Vous me délivrerez Seigneur des peuples en colère, Vous m’élèverez au-dessus de ceux qui m’attaquent, Vous m’arracherez aux mains de l’homme pervers.
La mélodie donne à cet ensemble une grande homogénéité. Elle est tout à fait semblable à celle des Graduels de la Quinquagésime et du troisième dimanche de Carême. Nous retrouvons ses grandes vocalises pleines de mouvement, ses longues tenues et son ambiance de ferveur mystique.
Trait : Sæpe expugnaverunt mea
Dans le Trait du dimanche de la Passion nous retrouvons encore une fois une prière du Christ victime des méchants mais mettant sa confiance dans son Père. C’est le début du psaume 128, petit psaume des degrés qui s’applique littéralement au peuple d’Israël, mais il est messianique et contient une prophétie très précise de la passion et notamment du supplice de la flagellation :
Sæpe expugnaverunt me a juventute mea.
Dicat nunc Israel : sæpe expugnaverunt me a juventute mea.
Etenim non potuerunt mihi : supra dorsum meum fabricaverunt peccatores.
Prolongaverunt iniquitatem sibi : Dominus justus concidet cervices peccatorum.Ils m’ont souvent attaqué depuis ma jeunesse.
Mais qu’Israël le répète, ils m’ont souvent attaqué depuis ma jeunesse
Mais ils n’ont pas pu l’emporter contre moi. Les pécheurs se sont acharnés sur mon dos.
Ils ont fait durer leurs méchancetés, mais le Seigneur est juste, Il brise la tête des pécheurs.
La mélodie, comme celle de tous les Traits, est une psalmodie très ornée et l’on y retrouve un certain nombre de formules semblables à celles des Traits, des deux dimanches précédents. Cependant elle débute par une formule spéciale qui descend dans le grave.
Offertoire : Confitebor tibi
L’Offertoire du dimanche de la Passion est un chant de méditation, comme ceux des dimanches précédents, qui regroupe plusieurs versets du psaume 118, la longue contemplation de la loi de Dieu et de ses commandements que nous avons déjà rencontrés dans d’autres Offertoires. Ici la contemplation s’attache surtout à la parole de Dieu qui donne la vie, et elle se prolonge par une prière :
Confitebor tibi, Domine, in toto corde meo ; retribue servo tuo : vivam, et custodiam sermones tuos : vivifica me secundum verbum tuum, Domine.
Je vous louerai de tout mon cœur. Rendez justice à votre serviteur, je vivrai et je garderai vos paroles. Faites moi vivre selon votre parole Seigneur.
Cette prière évidemment peut être celle de toute âme chrétienne, mais en ce dimanche de la Passion nous la mettons spécialement dans la bouche du Christ exprimant la confiance en son Père qui lui redonnera la vie après la mort de la croix.
La mélodie est pleine de ferveur avec de grands élans suivis de descentes bien balancées qui lui donnent un caractère très équilibré et en font une prière très expressive.
Communion : Hoc corpus
Dans la Communion du dimanche de la Passion ce ne sont plus cette fois des versets de psaumes que nous plaçons dans la bouche du Christ, mais ce sont les paroles du Christ lui-même dans l’Évangile que nous répétons, et plus précisément les paroles par lesquelles il a institué la Sainte Eucharistie
Hoc corpus quod pro vobis tradetur: hic calix novi testamenti est in meo sanguine, dicit Dominus: hoc facite, quotiescumque sumitis, in meam commemoratonem.
Voici ce corps qui sera livré pour vous, voici le calice de la nouvelle alliance en mon sang dit le Seigneur ; chaque fois que vous le prendrez, faites cela en mémoire de Moi.
Remarquons que ce chant nous parle de l’Eucharistie en ce jour ou nous commémorons la Passion, montrant ainsi le lien étroit qui existe entre la messe et la croix. Nous retrouverons ce lien en sens inverse le Jeudi Saint, jour où l’on commémore l’institution de l’Eucharistie, et où l’Introït est un chant à la gloire de la Sainte Croix.
Ici le Christ n’exprime plus sa souffrance mais il offre son sacrifice en nous donnant le pouvoir de le renouveler tous les jours à la messe. La mélodie est d’abord grave et solennelle, puis elle s’élève en une montée très expressive qui culmine sur le mot quotiescumque avant de s’achever de manière calme et affirmative.
1) Vexilla Regis prodeunt, fulget Crucis mysterium,
Les étendards du Roi s’avancent, et la lumière de la Croix resplendit de son mystère,
Qua vita mortem pertulit, et morte vitam protulit.
Où la vie a subi la mort, produisant, par la mort, la vie.
2) Quæ vulnerata lanceæ, mucrone diro, criminum
De Son Coeur transpercé par la pointe cruelle de la lance, Il laisse
Ut nos lavaret sordibus manavit unda et sanguine.
Ruisseler l’eau et le sang afin de nous laver de notre crime.
3) Impleta sunt quæ concinit David fideli carmine
Voici qu’est accompli ce que chantait David dans son psaume plein de foi,
Dicendo nationibus regnavit a ligno Deus.
Proclamant : « Sur les nations, c’est par le bois que règne Dieu. »
4) Arbor decora et fulgida ornata Regis purpura,
Arbre splendide de lumière orné de la pourpre royale,
Electa digno stipite tam sancta membra tangere.
Tronc choisi qui fut jugé digne de toucher des membres si saints.
5) Beata, cuius brachiis pretium pependit sæculi :
Arbre bienheureux dont les branches supportent pendu le salut de ce siècle :
Statera facta corporis tulique prædam tartari.
En échange de ce Corps, l’Enfer a été dépouillé.
Pour les deux dernières strophes, les fidèles se mettent à genoux
6) O Crux ave, spes unica hoc Passionis tempore ! (14 septembre = in hac triumphi gloria !)
Salut ô Croix, unique espérance dans les temps de ta Passion (14 septembre = dans la gloire de ton triomphe !)
Piis adauge gratiam reisque dele crimina.
Offre la grâce aux hommes pieux, et lave les péchés des coupables.
7) Te, fons salutis Trinitas collaudet omnis spiritus :
C’est Toi, Trinité Suprême, source de notre salut, que loue tout esprit :
Quibus Crucis victoriam largiris adde præmium. Amen.
Par la Croix vous nous fîtes vaincre, donnez-nous aussi la couronne. Ainsi soit-il.