Partager cet article

France : Société / Valeurs chrétiennes : Culture

“Disparition du latin : rien n’est plus utile que les matières qu’on dit inutiles”

Un excellent réquisitoire, plein d'humour (ce qui ne gâche rien), d'Anne-Sophie Letac, ancienne élève de l'École Normale supérieure, agrégée d'histoire, professeur en classes préparatoires au Lycée Lavoisier et à Intégrale, en faveur du latin que ces intellos de gauche qui nous gouvernent veulent faire disparaître, dans une logique utilitaire aux antipodes de l'intelligence :

[…] "À considérer la nouvelle réforme du collège qui devrait entrer en vigueur en 2016, force est de constater, mutatis mutandis bien sûr, qu'il existe dans notre pays pourtant démocratique un «collège de l'inutile».

La ministre a fermement remanié le contenu du chaudron de l'éducation de masse, parcouru de bulles de contradiction explosives. Elle filtre les ingrédients d'une potion scolaire censée pacifier les mœurs relâchées, gommer la honte du classement Pisa, et amenuiser le taux de chômage des jeunes.

Dans un but de démocratisation, les «contenus plus réalistes» interdiront les classes européennes et bilingues trop élitistes, et les langues anciennes seront intégrées dans les cours de français, autant dire supprimées au profit d'une seconde langue vivante en cinquième. Utilitarisme, volontarisme sont les mots d'ordre de la réforme, leitmotiv épuisant depuis trente ans. La sentence des Shadoks «En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc: plus ça rate, et plus on a de chances que ça marche» est aussi appropriée à l'Education nationale qu'à une usine de boulons gérée par le Gosplan. On serait tenté avec malice de voir dans les 20 % d'autonomie d'emploi du temps laissés aux collèges un avatar de la décentralisation décrétée en URSS par Khrouchtchev.[…]

On est loin de Julien Gracq qui rappelait en 2000 que «outre leur langue maternelle, les collégiens apprenaient jadis une seule langue, le latin. Moins une langue morte que le stimulus artistique incomparable d'une langue entièrement filtrée par une littérature». Loin aussi d'Antonio Gramsci, qui écrivait en 1932: «On n'apprenait pas le latin et le grec pour les parler, ou pour devenir domestique ou correspondant commercial. On les apprenait pour connaître directement la civilisation des deux peuples, qui constitue le présupposé nécessaire de la civilisation moderne, on les apprenait autrement dit pour être soi-même et se connaître soi-même consciemment» (textes compilés par Nuccio Ordine dans son Manifeste sur l'utilité de l'inutile).

[…]Reste une question: est-il bien raisonnable de tuer une langue déjà morte, et qui plus est, optionnelle? N'est-ce pas céder à «cette manie du rabaissement… profondément française, pays de l'égalité et de l'anti-liberté» évoquée par ce pessimiste de Flaubert dans une lettre à Louise Colet en… 1852 ? En termes d'utilité, les économies faites sur les professeurs de langues anciennes privés de raison d'être sont minimes au regard de celles qu'engendrerait une gestion de qualité de l'informatique des établissements et l'abandon des logiciels achetés au rabais dans un esprit d'économie à courte vue. Bien inutiles aussi les «initiations au numérique», nouveau sésame de la connaissance, pratiquées sur un public plus averti que le professeur.

Méfions-nous enfin de l'inutilité des choses: Alan Turing a inventé l'informatique à Cambridge dans un univers peuplé de sciences et de langues anciennes. John Ronald Tolkien, passionné de philologie comparée, professeur de vieil anglais à Oxford, a engendré un tourbillon marchand de milliards de dollars en laissant imprudemment après lui Le Seigneur des anneaux, œuvre qu'il ne reconnaîtrait d'ailleurs probablement plus en cas de retour sur terre. Et, contrairement à une illusion collective, les mathématiques pures ne «servent» absolument à rien. Du moins pas plus que le latin, discipline de construction logique brillante, excellente pour le cerveau, dont on découvrira un jour qu'elle est à la maladie d'Alzheimer ce que le brocoli est au cancer du colon, qu'elle vaut tous les jeux de logique, toutes les gymnastiques de mémoire vendues sur Amazon. Il y a d'ailleurs fort à parier que tels les légumes oubliés, panais, topinambours et potimarrons, les langues anciennes ressortiront sur le marché, labellisées bio et très chèrement payées par des parents avisés." […]

Partager cet article

9 commentaires

  1. Le diable n’aime pas le latin (il l’a souvent révélé à plusieurs mystiques). Cet acharnement ne m’étonne donc guère…N’oublions pas que ses suppôts sont partout. La franc-maçonnerie est à l’œuvre: présente dans toutes les sphères de l’Etat, elle peut facilement manœuvrer…

  2. On touchait le fond, maintenant on creuse encore, on attaque la falaise.
    L’Education nationale (et nos enfants) n’a pas fini d’agoniser.
    Quand on considère le niveau culturel des zélites, proche du vide sidéral, on mesure encore mieux l’abrutissement des populations.
    Et ce n’est pas le soi disant ministre actuel de l’éducation nationale qui prouvera le contraire tant son niveau culturel est faible.
    La jatte à vau l’eau bonne qu’à ça.

  3. J’ai fait du latin jusqu’en terminale.. Sans avoir été très assidue ni très motivée à l’époque – il faut bien le reconnaître-, je regrette bien souvent de ne pas en avoir fait davantage… et constate tous les jours combien c’est utile d’en avoir fait et combien j’eusse gagné à l’étudier davantage et plus longtemps… !

  4. Les futures générations doivent penser en lignes de code informatique. Les plans transhumanistes de fusion entre le corps biologique et des structures synthétiques ou informatiques ne laissent aucun doute quant à la transformation du cerveau qui est à l’oeuvre dans les écoles. Il faut désapprendre à penser pour mieux suivre les instructions envoyées en langage binaire qui seront la base du langage employé par le cerveau du futur qui se confondra avec l’ordinateur. Les entreprises n’ont absolument pas besoin de gens qui savent penser, lire et réfléchir mais seulement de personnel obéissant aux directives venues d’en haut. Les structures d’organisation entrepreneuriale laissent de moins en moins de place à l’initiative humaine jugée peu sûre parce que trop subjective. Il faut laisser la place aux logiciels informatiques qui imposent la meilleure solution à chaque scénario rencontré qui a été pré-configuré dans le logiciel expert. Ainsi l’intelligence artificielle prend le pouvoir avant que le cerveau humain ne disparaisse complètement dans la machine, une fois arrivé au stade de la fusion bionique. Les médecins et les avocats voient déjà appliquer dans leur domaine ce genre d’outil d’aide à la prise de décision qui deviennent progressivement obligatoires, à mesure que s’impose le corset réglementaire toujours plus étroitement serré. Les exigences de la “compliance” au nom de la sécurité du consommateur agissent comme un puissant levier pour neutraliser la pensée individuelle qui est remplacée par les meilleures solutions définies par les experts informatiques. Les programmeurs n’entendent pas suivre les règles de l’éloquence et du bons sens, mais seulement répondre de la façon la plus efficace possible à un problème donné en fonction des spécifications définies par le régulateur.

  5. Cet article défendant le latin déborde de raison et de vérité mais l’hostilité au latin dure depuis bien plus de trente ans.
    On opposait déjà les “classiques” aux “modernes” dans mon lycée il y a plus d’un demi-siècle, en se moquant naturellement des latinistes désignés comme ringards.
    L’argument principal contre le latin était, bien sûr, “l’inutilité” pratique de la matière.
    En réalité, les “gauchos” combattaient déjà l’élitisme.
    Il fallait construire des robots matheux se dispensant de réfléchir et, croyait-on, ainsi favoriser l’ascension sociale de ceux dont les parents n’avaient pas de bibliothèque.
    Ajoutez à cela le fait que le latin était vu comme la langue de l’Eglise…

  6. Langue morte le latin? Il y a quelques années la Finlande alors présidente de l’UE en juillet 1999 avait un portail écrit en Latin.
    “Finnis Unioni Europaeae praesidentibus in morem venit”
    “Accedit, quod usus linguae Latinae cultui humano Europaeo honorem habet et de radicibus societatis Europaeae usque ad antiquitatem classicam pertinentibus omnes commonefacit”.

  7. Parents, on abrutit vos enfants avec l’anglais, langue artificiellement mondialisante, or faire du latin et du grec est chose possible même pour ceux qui n’en ont jamais fait.
    Un petit truc tout simple :
    Commencez par exemple par .. télé.. qui veut dire au loin, vous citez alors des mots comme téléPhone, téléGraphe, téléScope = Phone=voix ,graphe = écrire, scope = observer.
    Un autre mot ? Péri = autour (périmètre, périphérie)
    Faites ce jeu à table, en mangeant en rajoutant chaque semaine deux ou trois mots et vos enfants comprendront mieux le Français, montrez leur la différence entre Poli et poly, ainsi une polyclinique indique qu’elle pratique plusieurs spécialités médicales, et qu’une policlinique signifie qu’elle appartient à une ville, et peut donc aussi être en même temps une polyclinique.
    Idem avec le Latin.
    Vous serez surpris de la richesses de vocabulaire de vos enfants, plus de mots qui semblent compliqués, vous comparerez avec d’autres enfants maintenus dans l’ignorance.

  8. Quand j’ai entendu que Madame le ministre de la de-éducation nationale voulait introduire une langue étrangère en 5ième je m’étais bêtement dit que ça existait déjà vu que j’ai commencé à apprendre le latin à ce moment-là. Et quelle bonne idée j’ai eu. Le Latin vous fait comprendre l’histoire de votre pays, la France. Cette langue vous forme à comprendre et à apprendre les nuances du français, sur sa grammaire, sur la concordance des temps sur l’étymologie des mots et que sais-je encore. Vous êtes moins rebuté à comprendre le dialecte scientifique (pas le technique, celui-là est gavé d’anglais) et juridique. Bref le Latin c’était le sésame pour comprendre le monde. Mon seul regret et de ne pas avoir fait de Grec.

  9. En fait, il n’est pas étonnant que le gouvernement actuel essaie d’ écarter la connaissance du latin. Si l’on fait un retours sur l’histoire romaine, il est clair qu’au point de vue technologique Rome n’avait pas connu le développement actuel. Par contre au point de vue des idées, de la philosophie,de l’administration de la religion et surtout de la politique toutes les grandes questions contemporaines étaient déjà contenues dans le passé romain. Pour ne parler que de la politique les orateurs romains avaient développés un art du discours, de la rhétorique, susceptible de convaincre des assemblées, de dénoncer l’argumentation des contradicteurs et de remuer les foules. La technique de construction d’un discours depuis l’exorde jusqu’à la péroraison est d’origine romaine (ou grecque). Lorsque l’on observe Valls à l’assemblée nationale supporter avec une irritation croissante, l’exposé de tout avis ou de toute opinion contraire à la sienne on ne peut être surpris lorsque son gouvernement souhaite priver les élèves des armes et du bagage intellectuel susceptibles de leur permettre de se faire leur propre opinion, de le dire clairement et un jour de prendre le pouvoir à la caste politique actuelle.

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services