L'économiste Jacques Sapir estime, dans Le Monde, qu'"il est urgent de dissoudre la zone euro" :
"La crise de la zone euro a atteint un point critique. Quelles que soient les solutions envisagées, qu'il s'agisse de la mutualisation de la dette ou des mesures dites "non conventionnelles" que la Banque centrale européenne pourraient prendre, elles ne peuvent apporter de solution durable. A cela une bonne raison : cette crise n'est pas une crise de la dette souveraine mais une crise de compétitivité aggravée par l'effet pervers de l'euro sur la croissance.
Les différentes mesures prises depuis le début de 2010 ont été globalement inopérantes. […] Alors que le chômage recommence à fortement monter en France, il est temps de changer de politique, sinon nous nous imposerons l'équivalent d'une grande dépression par notre propre stupidité. […]Cette crise de la dette n'est que la conséquence directe de la crise de compétitivité interne et externe structurellement issue de l'existence de l'euro.
Les écarts de compétitivité n'ont cessé de s'accroître ces dernières années. Aujourd'hui, ils imposeraient des baisses instantanées des coûts salariaux de l'ordre de 20 % en France, et nettement plus en Espagne et en Italie, sans même parle de la Grèce et du Portugal. En l'absence d'une telle baisse, les pays concernés sont condamnés à voir se creuser leur déficit commercial et à perdre massivement des pans entiers de leurs activités industrielles. Ils tentent d'y répondre par des subventions aux entreprises qui grèvent lourdement leur budget, et qui dans le cas de la France dépassent les 3 % du PIB.
Cette crise de compétitivité induit aussi des destructions d'emplois importantes.
En France, ce sont au minimum 300 000 emplois industriels qui sont menacés d'ici à décembre, à la fois dans les grandes entreprises et les PME-PMI. […] Il ne faut pas chercher plus loin la cause du déficit public et de l'accroissement de la dette.
Ceci est aggravé par l'anémie des pays de la zone euro depuis l'introduction de la monnaie unique. Le décalage de croissance est net avec les autres pays développés non membres de la zone euro. […]Reste une troisième solution, une dévaluation. Cette dernière pourrait se faire dans un cadre envisagé par un nombre de plus en plus important d'économistes dont le dernier en date est l'ancien ministre des finances du Brésil, Carlos Bresser-Pereira : une dissolution concertée de la zone euro. Les pays de la zone euro s'accorderaient pour suspendre le fonctionnement de l'euro et pour décider d'un retour aux monnaies nationales. Ceci rendrait possible une dévaluation, qui est en réalité la méthode la plus simple, la plus rapide et la moins douloureuse de faire baisser le coût du travail sur le territoire français.
Une décision concertée de suspension de la monnaie unique est donc la meilleure solution. […] L'euro est en train de tuer l'Europe. […]"
Jean Theis
Horresco referrens : M. Sapir parle comme Marine Le Pen. Et dans Le Monde. Cela ne se peut.
Papon
Nous sommes en democratie, donc les politiciens ne feront rien, ils attendront le dernier moment, quand il sera trop tard…
Bernard Mitjavile
Pas tout à fait d’accord. La dette française est une dette structurelle remontant à une trentaine d’années (bien avant l’Euro) venant du fait que l’Etat et les régimes sociaux dépensent plus qu’ils ne récoltent (une retraite sur dix payée par la dette). Il y a d’énormes gaspillages dans ce pays pointés en particulier par Jacques Marseille avant son décès. Dire qu’une dévaluation est moins douloureuse qu’une baisse des salaires ne va pas au fond des choses car les deux auraient des effets assez semblables dans l’économie actuelle. Avec une dévaluation suite à l’effondrement de l’Euro, les importations énergétiques augmenteraient spectaculairement ainsi que tous les produits high-tech (ordinateurs, portables etc..) ce qui fait qu’in fine, cela reviendrait à une baisse de pouvoir d’achat semblable. Ceci dit, Sapir a des bons arguments, l’erreur serait de faire de la dissolution de l’Euro une panacée pour l’économie française.
DAM
ce discours prouve que MLP a les qualités de Chef d’Etat car seule contre tous et au risque des perdre des voix elle est sur cette même ligne depuis de nombreux mois , il faudra s’en souvenir…..
lamarf
Incroyable que le Monde publie ça. L’étape suivante c’est “action!”
Nicolas Jaisson
Comment prétendre vouloir dévaluer à nouveau alors que le passage à l’euro a déjà été une dévaluation déguisée de 700% sur douze ans, si l’on tient compte du fait que les prix en euros ont rattrapé les prix en Franc ? Sapir ne dit rien de l’extraordinaire expansion des déficits publics qui a été permise par la constitution d’un marché de la dette et de ses dérivés, sans lequel les banques n’auraient jamais pu répondre à l’expansion des besoins de financement public de cette dernière décennie à la fois au niveau national, mais aussi au niveau des régions et des communes qui n’ont pas été en reste lorsqu’il s’agissait de puiser dans la manne bancaire européenne? Il ne donne aucune alternative à ce mode de financement de l’économie par l’offre monétaire en monnaie dette, si ce n’est le retour à la situation d’origine d’avant l’euro, c’est-à-dire un marché de la dette circonscrit à la zone Franc pour financer une dette publique et privée dépassant les 100% du PIB. La banque de France sera hors d’Etat de répondre à une telle demande d’argent public, sans commune mesure avec sa capacité de faire fonctionner la planche à billet, sauf à provoquer une hyperinflation et la sanction monétaire immédiate des marchés (voir le précédent de 1981). Aborder la question de l’euro, comme le fait Sapir, hors de celle la mondialisation des échanges et donc de la répartition des actifs industriels tributaire de la financiarisation des actifs et donc du financement bancaire des entreprises comme des Etats par les banques, n’est pas sérieux. Il est bien évident qu’un retour aux monnaies nationales doit s’accompagner d’une nouvelle organisation des échanges au niveau européen, comme au niveau mondial. A ce sujet il faudrait tout de même rappeler que les Etats signataires des traités de commerce internationaux (OMC, GATT, etc) ne décident pas librement du développement de telle ou telle activité économique sur leurs territoires. Les décisions concernant la spécialisation des différents pays, en fonction de leurs avantages comparatifs, sont prises au niveau de structures supranationales et en fonction de théories économiques propres au système monétaire fondé sur l’émission de monnaie dette et de l’émission de moyens de financement par les banques, qui elles-mêmes sont tributaires de leurs contraintes en ce qui concerne la gestion de leurs portefeuille d’actifs. En cas de retour aux monnaies nationales, il faudra donc remettre à plat notre système économique et social, du fait des bouleversements induits en matière de financement des entreprises et de l’Etat d’une part, et des exigences de création de richesse au niveau national qui viendrait supporter une monnaie redevenue nationale d’autre part, alors que l’euro permettait de mutualiser la dette au niveau européen, c’est-à-dire de mette en face de la dette émise en euro des actifs économiques globalisés et financiarisés (cf. l’extraordinaire développement des marchés actions, obligations, devises, et dérivés ces vingt dernières années grâce à la libéralisation des flux de capitaux), dont le rendement financier fournit aux banques les ressources nécessaires à l’achat de titres de dette publique ou privée. Le retour aux monnaies nationales devra nécessairement s’accompagner du rapatriement des actifs industriels sur le territoire national ainsi que d’une réduction massive des déficits publics, comme base économique viable des nouvelles monnaies. C’est le véritable défi derrière le démantèlement de la zone euro. Sapir n’aborde pas ces enjeux fondamentaux, sans lesquels il est vain de vouloir justifier la disparition de l’euro, faute de solution viable de rechange, sauf à précipiter la France dans un chaos économique et social, dont on voit mal comment elle pourrait sortir sans l’aide de ses voisins européens, ce qui nous replacerait dans un scénario de recréation d’une zone économique commune devant déboucher mécaniquement sur une monnaie commune pour des questions d’intégration et de rationalisation des échanges. Sapir devrait savoir que l’Histoire ne repasse jamais deux fois les mêmes plats et que la fin de l’euro signifierait la fin du projet européen actuel, que l’on imagine pas renaître de ses cendres comme le phoenix. A moins que Sapir ne sente arriver un tournant économique majeur, à l’occasion duquel les peuples européens se rallieraient à une nouvelle conception de la politique et de l’économie. On aimerait savoir dans ce cas à quoi ressemblerait cette nouvelle Europe reconstituée qu’il appelle visiblement de ses vœux.
Coco
L’euro et l’Europe sont la cause de tous nos problèmes économiques, on sera bien mieux sans!!!
bécassine
Je ne suis pas du tout économiste mais ce que je sens, c’est qu’on ne peut plus continuer avec cet euro qui nous coûte de + en + cher; çà va craquer et après il faudra bien progresser sur de nouvelles bases, même si l’on peut garder certaines bases de l’Europe.
Antoine
Si l’euro a bien favorisé l’excès de dette publique, comme B. Mijavile le note le déficit est bien antérieur à l’euro et s’observe dans d’autres régions y compris les Etats-Unis. La boulimie de dette publique est lié à la démocratie d’opinion: pas moyen d’être élu ou réélu sans dépenser davantage. Or depuis l’abandon de l’étalon-or plus aucun frein ne s’oppose à la surenchère des politiques qui souhaitent conquérir et conserver le pouvoir compte tenu du comportement des électeurs.
Remarquons cependant qu’aujourd’hui, paradoxalement, l’euro joue un rôle inverse sur les déficits : il est devenu le plus puissant frein à l’expansion des dépenses publiques.
Qui peut croire que sans la contrainte de l’euro sur le gouvernement, le corps électoral actuel, bercé à l’Etat providence, éduqué par la télé et accro de consommation choisirait une autre politique que celle du laxisme le plus effreiné ?
Sans la contrainte de l’euro que ferait Hollande ? Recruter des fonctionnaires par centaines de milliers comme à la grande époque et donner mille avantages sociaux à ses électeurs – jusqu’à la ruine complète.