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France : Société

Doctrine sociale de l’Eglise et libre marché

De Jean Rouvière dans Présent :

J"C’est une université d’Etat, celle d’Aix-Marseille, qui, à travers ses éditions, remet sous la lumière la Doctrine sociale de l’Eglise. Jean-Yves Naudet, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Aix-Marseille, directeur du Centre de recherches en éthique économique, est aussi président de l’AEC (Association des économistes catholiques) et vice-président de l’AIESC (Association internationale pour l’Enseignement social chrétien). En 1987, il avait publié L’Eglise et l’économie de marché face au collectivisme (aux éditions de l’UNI). […]

A juste titre, Jean-Yves Naudet commence son livre en faisant remarquer que la crise financière actuelle peut être analysée à partir de données strictement économiques (mécanismes monétaires, conséquences des déficits publics, etc.), mais qu’elle est « aussi, et sans doute avant tout, une crise morale » : « Il ne s’agit pas seulement de la corruption, des pratiques illégales, mais aussi et surtout d’un laxisme généralisé, conduisant ménages et Etats à vivre au-dessus de leurs moyens, à reporter les dépenses d’aujourd’hui, par l’endettement, sur les générations de demain (nous “volons” ainsi nos enfants et petits-enfants en leur faisant payer demain nos folles dépenses d’aujourd’hui), d’une focalisation maladive sur le court terme, sur le tout, tout de suite, à n’importe quel prix, et sur le primat de la technique sur l’éthique (la fin justifie les moyens pour beaucoup d’acteurs économiques ou politiques). » […]

Un des chapitres du livre de Jean-Yves Naudet est consacré aux économistes catholiques du XIXe siècle, bien oubliés aujourd’hui. Il rappelle notamment ce qu’on a appelé l’école d’Angers, autour de Mgr Freppel : « ils représentent une tendance très favorable au libre marché (on n’ose dire à l’époque, compte tenu du contexte, au libéralisme économique, tant le mot est alors chargé d’ambiguïtés et aurait fait frémir Mgr Freppel lui-même), tout en appartenant à l’aile la plus orthodoxe du catholicisme, en pointe dans tous les combats, dont la liberté de l’enseignement ». Ils refusent l’Etat banquier universel, assureur universel, réglementateur universel du travail  les droits et la liberté du patron sont aussi respectables que les droits et la liberté de l’ouvrier »). […]

Pour l’école d’Angers, comme pour la tradition de la Doctrine sociale de l’Eglise, la défense de la liberté (d’entreprendre, de travailler, de vendre, d’embaucher, etc.) ne suffit pas. Car le souci du bien commun et de pratiques économiques et sociales justes ne naît pas spontanément par autorégulation du marché. Benoît XVI, dans l’encyclique Caritas in veritate (2009), l’a exprimé fortement : le marché n’est pas forcément « le lieu de la domination du fort sur le faible », « la société ne doit pas se protéger du marché, comme si le développement de ce dernier comportait ipso facto l’extinction des relations authentiquement humaines » (§ 36). Mais aussi « le marché n’existe pas à l’état pur », il peut « être orienté de façon négative […] l’économie et la finance, en tant qu’instruments, peuvent être mal utilisés quand celui qui les gère n’a comme point de référence que des intérêts égoïstes »."

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3 commentaires

  1. Toute la difficulté est de trouver un équilibre dans la présentation de la Doctrine Sociale de l’Eglise. L’Encyclique Rerum Novarum de 1891 contient à la fois :
    Une défense de la liberté d’entreprendre et de commercer sans souffrir d’impôts trop lourds et du poids de l’Etat.
    et.
    L’idée que la droiture morale ne suffit pas pour rendre justice à ceux qui travaillent.
    L’Eglise ne fait pas confiance à l’Etat pour régler la question de la justice sociale.
    Elle fait appel à une négociation collective des corps intermédiaires concernés.
    Elle considère que ce sont ces syndicats d’employeurs et d’employés qui doivent protéger ceux qui travaillent.
    Ce sont des lois qui doivent aller vers un “juste salaire” suffisant pour faire vivre une famille et qui doivent laisser libre le temps du dimanche.

  2. Tant qu’on se contentera d’énoncer de pieuses et très générales vérités et qu’on refusera de s’en prendre à la concentration économique, le libéralisme pur et dur, même fustigé, continuera à vivre de beaux jours. Dénoncer la cause sans jamais pointer les conséquences, voire en les encourageant, n’est pas plus productif que l’inverse. Les corps intermédiaires ne pourront jouer leur rôle que s’ils existent. Or, ils sont laminés par le système.

  3. Peux t-on trouver les ouvrages de Mgr Freppel sur son libéralisme ?

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