Sohrab Ahmari, directeur des pages d’opinion du New York Post et chroniqueur au Catholic Herald, passé de la bourgeoisie libérale de Téhéran à l’Église catholique, en passant par le marxisme, a été interrogé dans La Nef. Extrait :
Un nouveau mandat du président Trump serait-il une bonne nouvelle pour les catholiques américains ?
Donald Trump a principalement été un bélier utile pour détruire de vieilles orthodoxies libérales qui s’étaient fossilisées dans le mouvement conservateur (idéologie libertarienne, ligne néo-conservatrice de George W. Bush). Il nous a fourni de l’espace. Il revient maintenant aux catholiques d’investir cet espace avec un projet politique et une vision du bien commun.
Arnaud Fabre analyse dans ce même numéro :
[…] Depuis la fin de l’ère Reagan, la tactique dominante des conservateurs religieux consiste à se ménager un espace de liberté pour exprimer librement leur foi, grâce aux garanties offertes par l’État de droit libéral. Le paradigme libéral, qui est à la racine du système politique américain, est pleinement assumé. La société est vue comme un espace neutre où tous, conservateurs religieux comme militants de la libération sexuelle, sont libres de s’exprimer, pourvu que les règles soient les mêmes pour les uns et les autres. L’émergence d’une gauche de plus en plus radicale, portée par les revendications LGBT, a changé la donne. Cette frange très agressive – notamment dans le monde universitaire – considère la religion traditionnelle comme un ennemi à abattre, et n’entend pas la laisser en paix. Cette opposition explique en partie le vote massif des conservateurs religieux en faveur de Trump. Le trublion aux manières de cow-boy semble plus apte à contrer ces nouveaux révolutionnaires que l’establishment républicain, trop policé. […]
Malgré ses faillites personnelles, Trump a, selon Ahmari, bien mieux saisi la réalité de la situation, qui est celle d’une guerre culturelle sans merci, dans laquelle les aménités de la droite « frenchienne » sont un aveu d’impuissance ou, pire, de naïveté. L’appel d’Ahmari à une attitude plus combative et à une rupture radicale avec la vision libérale résonne de plus en plus parmi les conservateurs. […]
Interrogé également, Rod Dreher explique :
La meilleure chose qu’ait faite Trump, c’est de nommer de nombreux juges conservateurs dans les tribunaux fédéraux, dont deux à la Cour suprême. Il s’agit de nominations à vie. Avec le temps, comme les électeurs américains deviendront plus progressistes et moins religieux, les juges seront la dernière ligne de défense pour les conservateurs sur les questions sociétales et religieuses. Si Trump se fait réélire, il aura presque certainement l’occasion de nommer un, voire deux juges supplémentaires à la Cour suprême, et beaucoup de juges fédéraux aux échelons inférieurs. C’est pourquoi voter pour Trump est important. […]
si les Démocrates n’étaient pas si hostiles aux enfants à naître et aux conservateurs religieux, je songerais vraiment à voter pour eux. Mais ce sont des fondamentalistes radicaux sur l’avortement et les revendications LGBT – ce qui veut dire qu’ils considèrent les chrétiens dans mon genre comme leurs pires ennemis. La liberté religieuse est un problème de taille aux États-Unis, et cela ne va pas s’arranger. Que se passera-t-il si les revendications LGBT se heur- tent aux libertés religieuses? Qui prévaudra? Ces problématiques feront l’objet d’une bataille judiciaire pendant les vingt prochaines années. […]
Le journaliste français Nicolas Senèze, correspondant à Rome du journal La Croix, suggère l’existence d’un complot de la part de catholiques américains pour renverser le pape François. Ce soupçon est-il fondé?
C’est une théorie du complot fréquente au sein de l’aile gauche de l’Église qui soutient le pape François. Elle est idiote. Il est vrai qu’il existe de riches hommes d’affaires catholiques qui s’inquiètent de la direction progressiste que prend l’Église sous François, et ne veulent pas rester les bras croisés. Je ne les blâme pas du tout. Mais la situation est bien plus complexe que ne veulent l’admettre les partisans de François qui crient au complot. La plupart des personnes dont ils parlent ont soutenu la Papal Foundation, une organisation caritative fondée par l’ex-cardinal McCarrick pour lever des fonds au profit des ini- tiatives caritatives du Saint-Père.
On s’aperçoit maintenant que McCarrick utilisait les dons de ces riches laïcs catholiques pour acheter de l’influence à Rome. Le FBI enquête actuellement sur la potentielle utilisation illégale de dons reçus par la Papal Foundation. Après l’affaire McCarrick, quelques-uns de ces hommes d’affaires ont réalisé que les cardinaux américains – qui sont tous administrateurs de la fondation – abusaient de leur fidélité pour les voler. Ils veulent à raison user de leur poids pour réformer l’Église, sur le plan théologique et sur d’autres plans. Ils sont las de tout remettre aux clercs. Ils ont vu des générations d’évêques et de cardinaux conduire l’Église au bord du gouffre – et ils sont résolus à en changer la trajectoire. Pourquoi auraient-ils tort?
Marcos
C’est quoi la “droite frenchienne” ? Tout cela est un peu confus. Je n’ai pas trop envie d’acheter “La Nef”. Une bonne synthèse d’un bon connaisseur des Etats-Unis ne serait pas inutile. Les grands prédateurs ecclésiastiques de type Mc Carrick ou Maciel, avec leurs brassées de dollars ont joué un rôle important dans l’abaissement du rôle géopolitique de l’Eglise. Les officines de délation yankees feraient bien de ne pas se disperser dans leurs enquêtes et ne pas tirer sur des leurres en les prenant pour de vraies cibles. Mc Carrick : ok. Tel séminariste à l’esprit dérangé dans la corn belt : à conserver pour des faits divers.
Haffner
Je sais que Mr Trump n’est pas un “ange” , d’ailleurs il vaut mieux qu’il n’en soit pas un… par contre, il redonne aux croyants l’espace prévu par la constitution américaine, et au respect de la vie, et à la famille. J’aimerais beaucoup avoir ce genre de président à la tête de la France, on pourrait respirer ! parce que chez nous, chez la fille aînée de l’Eglise, on ne peut plus parler de “liberté de culte”, prévue aussi dans notre constitution, ni d’égalité, ni même de fraternité. tous les derniers évènements le démontrent. ce que nous voyons aussi, et c’est bien triste, c’est la division entre chrétiens. Madame Simone Weil écrit dans ses mémoires, entre autres choses intéressantes, que si l’Eglise et la Synagogue s’étaient levées ensemble pour protester contre ce qui a été appelé abusivement “loi Weil” alors, qu’en fait c’était la “loi Giscard d’Estaing” qui poussait derrière, et qui a été votée par des députés à majorité masculins…si nous nous étions levés “ensemble”. Nous avons tout perdu en perdant le respect de la vie, et nous sommes malheureusement incapables de le comprendre…mais Monsieur Trump semble avoir compris ce que nos évêques ne semblent toujours pas comprendre, et la majorité des croyants non plus :” un pays qui tue ses enfants n’a pas de futur”. L’Amérique continuera à se relever parce que la majorité compris cela, et la Russie aussi, parce que, plus discrètement, Mr Poutine a compris la même chose. Pendant ce temps, l’Europe apostasie. Prions !!! Claire