De Guillaume de Thieulloy dans Les 4 Vérités :
Emmanuel Macron a déclaré, le 19 novembre dernier, à « La Voix du Nord » qu’il souhaitait une labellisation des médias.
Il reprenait ainsi une idée qui lui est chère : les réseaux sociaux colportent des « fake news », régulons les réseaux sociaux et la vérité triomphera.
Le problème, c’est que cette idée est à la fois simpliste, fumeuse et dangereuse.
Simpliste car le problème de la désinformation n’est pas uniquement lié aux réseaux sociaux. La presse « mainstream » et le gouvernement désinforment eux aussi abondamment.
On a l’impression que M. Macron exige un monopole de la désinformation et s’indigne que d’autres lui fassent concurrence en ce domaine !
Plus sérieusement, personne n’envisage de supprimer la BBC, malgré l’évident manquement déontologique dénoncé par Donald Trump, qui a entraîné la démission de la plupart des dirigeants du groupe public. Mais, si l’on prétend empêcher la désinformation en supprimant les désinformateurs, il va falloir supprimer tous les médias car nul n’est jamais neutre – et donc tout le monde peut être accusé de désinformation.
Fumeuse car on ne sait pas trop qui donnerait ces labels et ce que cela entraînerait.
Devant le tollé, « Jupiter » a affirmé qu’il n’avait jamais été question que le label soit conféré par le gouvernement. Ce n’était pas très clair. Bruno Retailleau aurait-il dénoncé ce « ministère de la Vérité » si cela avait été évident ?
Mais, surtout, si l’on suppose que les médias dominants seront chargés de distribuer ce label – ce qui semble être la version actuelle du projet –, qu’est-ce que cela entraînera ?
Je vois deux réponses possibles. Soit les informations non labellisées seront interdites, auquel cas je ne vois pas ce qui restera de la liberté d’expression : au nom de la lutte contre les « fake news », le gouvernement aura bel et bien interdit la diffusion d’opinions dissidentes.
Soit il y aura une prime dans les algorithmes des réseaux sociaux aux informations labellisées, mais cela n’empêchera nullement que de nombreux Français préfèrent s’informer ailleurs. Je lis régulièrement « Libération » ou « Le Monde » mais sans illusion sur leur neutralité : ce sont des journaux de gauche et une labellisation de ces journaux reviendrait à m’indiquer que ce que je vais lire est estampillé à gauche – et non à me convaincre que c’est vrai.
Dangereuse enfin car, que la labellisation incombe au gouvernement ou aux médias dominants, cela reviendra toujours à donner aux puissants le pouvoir de décider ce qui est vrai. Or, la force ne fait pas toujours bon ménage avec la vérité – et fait même souvent très mauvais ménage avec elle !
On en revient au vieux fantasme totalitaire visant à imposer à tous les citoyens une « religion civique » – c’est-à-dire visant, en dernière analyse, à contrôler leur âme et leur esprit. Mais cela ne fonctionne qu’au prix d’une effroyable violence d’État.
Et la distinction proposée par Emmanuel Macron entre « les sites qui font de l’argent avec de la pub personnalisée et les réseaux et les sites d’information » n’a rien de rassurant : l’écrasante majorité des sites font les deux à la fois. Devra-t-on considérer que le site du « Monde » fait principalement de l’information, tandis que celui de CNews fait principalement de l’argent ? Ce serait évidemment aussi idiot qu’arbitraire. La réalité, c’est que l’avènement du numérique a ruiné le monopole de l’information. Que M. Macron le regrette est évidemment son droit. Mais il aura quelques difficultés à imposer au monde entier un retour à l’ORTF !
