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Valeurs chrétiennes : Education

“Du point de vue affectif, je vivais ailleurs que dans le réel. Ce qui a retardé ma maturité sentimentale.”

“Du point de vue affectif, je vivais ailleurs que dans le réel. Ce qui a retardé ma maturité sentimentale.”

Pendant son adolescence, Éric s’est laissé prendre au piège de la pornographie, sans mesurer l’impact de cette addiction sur son psychisme. Aujourd’hui marié et père de deux enfants, il témoigne auprès de l’Accueil Louis et Zélie :

Comment en êtes-vous venu à visionner du porno ? 

A dire vrai, je ne me souviens plus bien de la première fois. Ça remonte ! J’ai 48 ans et je devais en avoir 14 ou 15. Ce qui est sûr, c’est que c’était à la maison : je ne saurais plus dire quelle image précise a attrapé mon œil, en revanche je me souviens de l’émotion qu’elle a engendrée. Après, ça va très vite, tu cherches à revivre cette émotion, tu fais défiler d’autres images, puis tu visionnes des films. Une spirale t’entraîne.

Iriez-vous jusqu’à parler d’addiction ?

Oui, même si je mesure, depuis que je témoigne en cercle fermé (églises, retraites…), que d’autres sont encore plus enchaînés que je ne l’étais ! Je n’allais pas jusqu’à me relever la nuit, par exemple, mais d’une fois par semaine, je suis passé à deux puis à trois… Petit à petit, pour retrouver l’émotion, tu vas vers du plus trash. Tu te sens dépendant, sensation très désagréable.

L’environnement dans lequel vous évoluiez a-t-il joué une part dans cette addiction ?

J’avoue que je n’ai pas creusé la question. Mes parents ne s’entendaient pas très bien et il y a de lourds dossiers dans la famille, c’est vrai… Aurais-je été préservé dans un contexte plus stable ? Je n’en sais rien. J’étais un garçon doux, d’une vive sensibilité, peu enclin à mettre des mots sur ses émotions.

Ce qui est sûr, c’est que dans l’univers bourgeois dans lequel j’ai grandi, on parlait à peine de sexualité. Mon père ne m’en a jamais touché mot. Ma mère s’est contentée de laisser traîner quelques bouquins par-ci par-là, que je ne suis pas sûr d’avoir ouvert… Avec du recul, je pense que mes parents auraient dû être plus vigilants par rapport à ce que je visionnais sur mon ordi.

Avez-vous pu vous confier à quelqu’un ?

Non, j’ai tout gardé pour moi. Le propre de l’addiction, c’est que tu te mens à toi-même. Tu agis le soir, porte fermée, quand tu ne risques pas d’être démasqué. Personne ne sait rien, ça n’existe pas pour ceux que tu fréquentes, tu cloisonnes tes univers. Le Diable a horreur de la lumière… Du point de vue affectif, je vivais ailleurs que dans le réel. Ce qui a retardé ma maturité sentimentale.

C’est-à-dire ?

Mon imaginaire avait pris le dessus. Je m’étais fabriqué une image de la femme parfaite, entendez à la plastique affriolante etc. De ce fait, quand j’ai commencé à me frotter au réel, à côtoyer des filles « pour de vrai », et non plus à fantasmer sur elles par écran interposé, mon attirance pour elles n’était que sexuelle. J’étais pollué, je n’avais qu’un désir : coucher avec elles ! J’enrobais ça dans un peu de sentimentalisme et je finissais par arriver à mes fins… Immanquablement, j’ai été déçu par ces relations sexuelles qui réduisent l’autre à un objet. J’ignorais qu’aimer, c’est un cœur-à-cœur avant d’être un corps-à-corps.

Comment l’avez-vous compris ?

Par un retour progressif à la foi. J’ai été élevé dans une famille catholique, j’ai fait du scoutisme, j’ai toujours cru en Dieu, mais j’ai lâché la pratique vers 17 ou 18 ans pour toute la durée de ma vie étudiante. J’y suis revenu progressivement : une phrase de ma mère m’a marqué, un matin où j’avais la gueule de bois après une soirée festive trop arrosée : « Quel sens veux-tu donner à ta vie ? » J’ai été trouver une vieille tante religieuse qui m’a percé à jour, une de ces âmes de prière et de sagesse qui vous éclaire…

Puis, j’ai rejoint des groupes de prière, me suis inscrit à un cycle de conférences donné par les Frères de Saint-Jean pour nourrir mon intelligence… En revenant à Dieu, tout s’est délié dans ma vie, tout s’est redressé, simplifié.

Vous avez tourné le dos à la pornographie ?

Je sais que pour certains ça peut être un vrai combat qui s’inscrit dans le temps. En ce qui me concerne, ça a été relativement simple. C’est par le sacrement de réconciliation que je m’en suis sorti. En revenant dans le giron de l’Eglise, j’ai vite compris que j’avais un fardeau à déposer…Je revois cette confession à l’église Saint-Léon, à Paris la honte ressentie et la libération apportée par l’absolution du prêtre… Il y a eu quelques rechutes après, rares.

Vingt-cinq ans plus tard, pouvez-vous mesurer l’impact de ces images pornos sur vous ?

Ça a été dur de l’avouer à ma femme, que j’ai rencontrée en 2004 et épousée en 2006. Je m’en suis ouvert à elle lors de notre préparation au mariage. Elle a fait preuve d’une vraie écoute et de bienveillance. Longtemps, j’ai minimisé la gravité de cette plongée dans l’univers brutal et déshumanisant de la pornographie.

Aujourd’hui, je sais combien ça a abîmé mon âme : mon regard sur les femmes n’est pas toujours ajusté, je reste vigilant. Je détourne la tête devant une affiche, au cours d’un film… C’est pour ça que je témoigne, même si ça n’est pas facile. Je le fais anonymement dans les media par rapport à mes enfants mais à visage découvert dans certains cercles. C’est un chemin de pauvreté et d’humilité, qui me rapproche de Dieu.

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