Compte-rendu de l’audience en référé au Conseil d’Etat :
Ce mardi 03 mai 2022, les associations, les familles et leurs avocats étaient en audience devant le juge des référés du conseil d’État pour démontrer l’urgence à suspendre ces décrets dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
C’est d’un énième revers de la main que le ministère a balayé l’intérêt supérieur de l’enfant déclenchant de fortes réactions de la part des associations, comme du juge, décidé à comprendre comment les décrets entendent défendre ce principe.
Les décrets et leur application révèlent la volonté, plus ou moins dissimulée, du ministère d’étouffer le 4e motif qui ne faisait pas partie de son projet initial, introduit après que le Conseil d’État ait retoqué le premier projet en l’état.
Or, si le Conseil d’État et le législateur ont reconnu la nécessité de ne pas oublier ce panel d’enfants susceptibles d’avoir recours à l’IEF, les associations n’apprécient pas le jeu du ministère de court-circuiter le processus législatif pour arriver à ses fins.
En résumé,
- Le ministère donne une interprétation de la loi contraire au premier avis du Conseil d’État sur le projet de loi.
- L’intérêt supérieur de l’enfant (ISE) : le juge s’est concentré sur ce principe et a scrupuleusement été attentif à ce que tous les arguments soient posés sous cet angle-là. Chose que les avocats ont très bien mis en avant, contrairement au ministère qui éprouvait plus de difficulté, réalisant parfois un grand écart entre l’ISE et l’intérêt de l’administration.
- Concernant la fenêtre de dépôt des demandes d’autorisation : le juge a tenu à recentrer le débat sur l’ISE et la pertinence de l’existence d’une fenêtre de dépôt. Il s’est longuement attardé sur les différentes situations pouvant amener à une déscolarisation.
- Concernant le Baccalauréat, le débat attendu pour savoir si oui ou non, ce critère est discriminatoire et donc non conforme à la stricte réserve émise par le Conseil constitutionnel. Les avocats ont posé la question de la discrimination que porte cette exigence entre les enfants, dont les parents ont ou pas le Bac, et les représentants d’associations ont communiqué des chiffres et des études démontrant notamment que les familles sans bac ont des taux de réussite aussi élevés que les autres (+ de 98%) et que ce diplôme n’est pas une preuve de capacité à instruire.
Concernant les incertitudes des textes :
- Phobie scolaire : le juge, bien conscient des enjeux a ainsi interpellé le ministère sur ce sujet, pour s’assurer de la prise en compte de ces situations de phobie scolaire, bien réelles. Le représentant semblait lui-même ne pas savoir, faisant un pas en avant, deux pas en arrière.
- Les familles non contrôlées fin mai : à l’interpellation des associations à ce sujet, le ministère a répondu de façon laconique, que le texte avait prévu une demande d’autorisation de plein droit pour les familles contrôlées, laissant entendre que les autres ne pourraient pas bénéficier de la dérogation prévue par la loi. Position qu’il a justifiée au regard du pourcentage de familles contrôlées fin mai donné sous forme d’auto-satisfecit.
- La situation des familles dont les aînés auront droit à une dérogation et le dernier, entrant en âge scolaire à la rentrée sera, lui, soumis à la demande d’autorisation, a retenu l’attention du juge qui a tenu à avoir une réponse claire du ministère sur la question de savoir s’il y aurait une différence de traitement entre les enfants d’une même fratrie. Ce à quoi le représentant a répondu par l’affirmative.
- Concernant le respect des choix pédagogiques et de la partialité de l’administration. Le juge ne s’est pas prononcé sur la pertinence de ces questions à ce stade, renvoyant l’administration à ses responsabilités et la possibilité aux familles de saisir la justice en cas de manquement manifeste.
- Concernant le CNED, la confusion lors des débats révèle l’imbroglio entre le ministère et le CNED qui n’avaient visiblement pas anticipé la question semant l’incompréhension chez les familles qui sont confrontées à des informations contradictoires de la part des deux parties. L’un dit A, l’autre B et ce n’est pas le ministère qui a clarifié la situation mardi !
- Concernant la commission de recours, le juge a relevé l’absence des représentants des familles en son sein et les différents délais de la procédure, il s’est également arrêté sur la question du médecin scolaire.
Les avocats de LED’A maîtres Spinosi et Sureau et les autres avocats présents ont ainsi eu à cœur de mettre en évidence tant chacun des différents points litigieux et discriminants des décrets au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, que le faisceau de ces différents éléments tendant globalement à compromettre celui-ci.
Le juge a clôturé l’instruction à l’issue d’une audience qui a duré plus de 2H30. Il rendra sa décision mardi ou mercredi prochain.