Suite aux mesures annoncées par Najat Vallaud-Belkacem, Anne Coffinier, directeur général de la Fondation pour l’école, déclare à Famille chrétienne :
"La situation est grave et appelle à un certain nombre de ruptures dans la politique éducative. Elle nécessite quelques changements de cap décisifs. Hélas, au lieu de cela, le plan de la ministre de l’Éducation nationale s’inscrit dans la continuité de ce que son ministère prévoyait déjà de faire avant les attentats, si l’on met de côté les effets de communication et les effets d’habillage.
Seule différence, l’augmentation considérable des moyens (le plan coûterait 250 millions d’euros selon les chiffrages) et une prétention à obtenir la mobilisation totale du corps social dans le cadre d’une pédagogie générale de la laïcité républicaine très volontariste.
Prenons un exemple de cette décevante continuité : la lutte contre le décrochage scolaire. La mesure 7 ne fait ainsi qu’annoncer la poursuite de la mise en œuvre du plan de lutte conçu avant les attentats.
Le plan n’est donc pas à la hauteur de l’ampleur des problèmes. Foisonnant, peu hiérarchisé et appelant à une mobilisation permanente et totale de tous (cf. à cet égard la mesure 5 intitulée « Mobiliser toutes les ressources du territoire »), il manque indéniablement de réalisme et donc d’efficacité.
Le plan répond-il au malaise qui règne dans l’Éducation nationale, en particulier là où des incidents ont eu lieu pendant la minute de silence ?
L’État semble passer là à côté de l’occasion historique d’oser poser la question des raisons effectives du discrédit qui pèse sur l’institution de l’Éducation nationale dans les quartiers populaires et que reconnaît pourtant sans ambages la ministre.
Le plan ne lève aucune des ambiguïtés qui alimentent les malaises qui minent actuellement l’Éducation nationale. Prenons ici simplement l’exemple de la place des parents par rapport à l’école, qui est traitée en mesure 4. On comprend qu’il est question d’associer pleinement les parents d’élèves à l’action de l’école, mais on saisit vite qu’il s’agit surtout de les informer, de les convaincre dans le cadre de la pédagogie de la laïcité, et non pas de reconnaître leurs prérogatives ou de prendre en compte ce qu’ils ont à dire en tant que premiers éducateurs de leurs enfants. Et pour faire bonne mesure, selon la grande tradition française, la ministre crée un nouveau comité Théodule : un comité départemental d’éducation à la santé et à la citoyenneté.
Les concepts utilisés ne sont pas définis. On reste dans un flou de tensions, et d’incompréhensions. Que sont ces « valeurs de la République » ? Quid de la France là-dedans, mot absent de tout le plan ? Qu’est-ce que cette « laïcité » : une modalité juridique qui facilite la vie commune de personnes de convictions différentes dans une société pluraliste ou bien une nouvelle religion, comme l’affirmait le ministre Vincent Peillon, à laquelle il conviendrait de donner l’adhésion du cœur ? Que sont ces « préjuges » contre lesquels le plan invite à se battre, sans les définir ? La position de l’autre, dès lors qu’on ne la partage pas, ne risque-t-elle pas d’être qualifiée péjorativement de « préjugé » ? Peut-on mener un raisonnement rigoureux si on commence par traiter de « préjugé » la position de l’autre ? Dans ce contexte, le projet de faire un « enseignement laïque des religions » ne va pas sans inquiéter. […]"