Tribune de l’IFRAP dans Les Echos :
La dernière étude Pisa, sur la performance des élèves à travers le monde, vient de confirmer la moindre performance des Français et l’effondrement de leurs capacités en compréhension et en mathématiques depuis vingt ans.
Le ministre de l’Education, Gabriel Attal, a annoncé des mesures d’urgence (redoublement, nouvelle épreuve de mathématiques en première pour le bac, obtention obligatoire du brevet pour passer au lycée) qui sont de bon sens. Mais elles ne répondent pas aux failles fondamentales de notre système scolaire.
Des directeurs impuissants
Selon l’OCDE, auteur du classement Pisa, la clé d’une meilleure performance des élèves est l’autonomie des établissements. Sur ce point, la France est très en retard. Toujours selon la dernière édition de Pisa, seuls 31 % de nos directeurs d’établissements estiment avoir la compétence pour s’assurer que les enseignants améliorent la performance des élèves (contre une moyenne de l’OCDE à 67 %). Seuls 36 % estiment être en mesure de soutenir et construire de nouvelles pratiques pédagogiques avec les enseignants.
Le constat, accablant, ne s’arrête pas là. Seul un directeur sur quatre estime pouvoir s’assurer que les enseignants continuent de se former au long que leurs carrières. Idem sur l’évaluation des enseignants : seul un quart des directeurs jugent avoir la compétence pour observer et faire des retours sur leur travail (la moyenne de l’OCDE est à 58 %).
La France est très en retard
Pisa place ainsi la France en dernière position en termes de « leadership des directeurs ». Dans le public, ils n’ont de fait aucune autorité hiérarchique, ni fonctionnelle (un décret d’août 2023 prévoit sa mise en place dans le primaire). Dans le privé, ils n’en ont que sur l’équipe non enseignante… Or, la capacité à manager l’équipe pédagogique est centrale pour déterminer l’autonomie d’un établissement scolaire. Mais en France, seuls 10 % des élèves sont inscrits dans un établissement où le directeur peut recruter les enseignants… contre 60 % dans l’OCDE !
Qui est le supérieur d’un enseignant ? C’est l’inspecteur de l’Education nationale… Sauf qu’avec environ 3.700 inspecteurs pour plus de 825.000 enseignants titulaires, et une année scolaire de 186 jours effectifs, chaque inspecteur a moins d’une journée par an à accorder à chacun des enseignants dont il a la charge. De plus, ces supérieurs ne sont pas les managers des enseignants, dont les carrières et les rémunérations sont gérées… par des agents du rectorat, avec qui ils ont peu de contact !
Refonder le statut d’enseignant
Il est urgent de donner de l’autonomie aux établissements, de refonder le statut des enseignants et de donner aux directeurs un rôle hiérarchique. Le moment est idéal pour mener ces réformes colossales car deux baisses des effectifs (d’élèves et des enseignants) se cumulent d’ici à 2030 et devront permettre d’alléger la pression sur le système scolaire. D’un côté la diminution de 500.000 élèves attendue d’ici à 2027 doit réduire les problématiques des classes surchargées et de la « pénurie » d’enseignants titulaires (en réalité, ces postes « non pourvus » sont affectés à des contractuels, preuve d’un changement déjà acté dans le mode de recrutement). De l’autre, quelque 328.000 enseignants devraient partir à la retraite d’ici à 2030.
S’il est sûrement déjà trop tard pour améliorer la performance de nos élèves pour Pisa 2025, en ouvrant dès maintenant la réforme de notre système scolaire et en implantant les enseignements de l’OCDE sur l’autonomie des établissements, nous pouvons espérer remonter la pente pour l’édition 2028. Les résultats territorialisés des enquêtes Pisa de la France permettraient notamment d’identifier les secteurs prioritaires… mais ils ne sont pas rendus publics. Dommage !