A l’Accor-Arena de Paris Bercy, des milliers de catholiques se réunissent ce week-end à l’occasion du Congrès Mission. Ce grand rassemblement donne l’occasion au père Danziec de s’arrêter, dans Valeurs Actuelles, sur ce qui anime l’évangélisation chrétienne : un élan d’amour communicatif, tout opposé à l’idée de contrainte.
Comme elle semble loin l’époque où, en 1986, le film Mission recevait la palme d’or à Cannes. Accompagnés par la musique enchanteresse d’Ennio Morricone, Jeremy Irons, Robert De Niro et Liam Neeson campaient des jésuites tout offerts à la plus noble des responsabilités : transmettre la foi – c’est-à-dire l’amour du Christ – aux tribus Guaranis vivant dans la jungle tropicale amazonienne. À cette évangélisation délicate, et profondément respectueuse, se trouve liée une élévation civilisationnelle saisissante par la musique, l’architecture, par l’organisation des récoltes et celle de la culture de la terre et tant d’autres sujets encore.
Aujourd’hui, les apôtres cathodiques sont mus par une nouvelle cause, celle d’un “vivre-ensemble” dénué de culte, dépourvu de notion de bien commun et sans référencement moral clair. Dans ce marasme existentiel où l’athéisme est devenu majoritaire (une enquête publiée en juin 2025 et réalisée par l’IFOP pour l’Observatoire français du catholicisme indiquait que seuls 41% des Français déclaraient croire en Dieu), le véritable évangélisateur se sent inévitablement de plus en plus seul. « Tout se vaut », « L’essentiel est de faire ce que l’on a envie » : autant d’assertions philosophiquement vides et rationnellement dangereuses. Ce contexte d’une société reniant ses racines chrétiennes conduit à ce que tout ce qui ressemble à une annonce audacieuse de la foi se trouve désormais suspecte et aussitôt requalifié en prosélytisme déplacé. Non sans ironie, l’on peut néanmoins constater combien les missionnaires du relativisme actuel ont la lapidation facile…
La religion catholique, tout sauf une soumission
Devant ce spectacle, les missionnaires à l’ancienne qui se sont fait occire sur tous les continents pour porter Jésus aux Indiens, aux Pygmées, aux Chinois ou aux Papous doivent se retourner dans leur tombe… Et il y a de quoi ! Tout le zèle des disciples du Christ trouve son fondement dans les Écritures, dont deux citations éloquentes attestent le bien-fondé : « Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », finale bien connue de l’Evangile selon saint Matthieu, et « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ! », tirade de saint Paul adressée aux Corinthiens. La grande peur du religieusement correct bouleverse les perspectives et interroge le présent : qui portera l’Évangile aux nations si les baptisés d’aujourd’hui restent les bras croisés et la bouche close, tétanisés à l’idée de témoigner ? Comment le chrétien peut-il porter la lumière s’il a peur de son ombre ?
Les papes, et l’Eglise dans son enseignement constant, n’ont eu pourtant de cesse de rappeler que l’élan missionnaire provient d’un débordement du cœur, d’une charité qui se désolera toujours de ne pas pouvoir aimer et donner davantage. Le zèle apostolique a le désir de la communication, l’appétit de la diffusion. Mais non la soif de la soumission. Saint Justin, martyr au IIe siècle, affirmait déjà : « Rien n’est plus contraire à la religion que la contrainte » (Apologie I, 2). Benoît XVI, dans son éblouissante leçon de Ratisbonne du 12 septembre 2006, opposait la raison et la liberté de l’acte de foi chrétien à toute violence religieuse, épinglant sans agressivité le processus religieux de l’islam.
Ni manipulation des masses, ni conversion d’infidèles à coups de goupillon
Fort heureusement, les lignes bougent, parfois à la surprise des responsables ecclésiastiques eux-mêmes. De plus en plus de baptisés assument la responsabilité d’une première annonce de la Foi, concentrée sur l’essentiel. En effet, de nombreuses initiatives missionnaires en reviennent à des fondements aussi simples que précieux : Dieu aime les hommes et veut leur bien, Jésus a donné sa vie pour chacun d’eux, la mort est notre point commun à tous et des comptes seront à rendre, le Ciel se mérite et il ne suffit donc pas “de s’inscrire” pour aller au Paradis. Vivre la charité dans la vérité et prêcher la vérité dans la charité, telle est l’exigence de l’élan missionnaire chrétien.
A chacun, en son âme et conscience de ne pas se laisser intimider par des comparaisons culpabilisantes. Il n’y a pas de “djihad” au sens propre du terme dans la doctrine catholique. Évangéliser, dans la pensée catholique, ce n’est pas manipuler les masses innocentes, convertir l’infidèle à coups de goupillon, mais se faire l’humble serviteur de l’Évangile en témoignant de l’amour de Dieu, en annonçant le salut et en portant le Christ à ceux qui ne le connaissent pas encore, avec tout ce que cela suppose de patience, de délicatesse, d’humilité, de simplicité, et aussi d’assurance dans la Foi. « Si, de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur ; si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité ; alors, tu seras sauvé car c’est en croyant de cœur que l’on parvient à la justice, et c’est en confessant de bouche qu’on parvient au Salut ! » peut-on lire dans la lettre aux Romains. (Rm 10, 9-10).
Mère Teresa, qui s’y connaissait en matière de misère humaine, aimait pourtant répéter que « La plus grande des pauvretés, c’est l’ignorance du Christ ». La vive compassion envers les pauvres des temps postmodernes : la voilà cette réalité où prend racine l’authentique zèle missionnaire d’aujourd’hui. Connaître l’enseignement de l’Eglise pour mieux communiquer la chaleur de l’évangile. Transmettre ce qui a été reçu. Partager un trésor. Finalement, cet ordre de mission n’a rien de sophistiqué. Il est même simple comme le Bon Dieu est bon.
