Du père Danziec dans Valeurs Actuelles :
Chez l’un et chez l’autre, immanquablement il se trouve du génie. L’un virevolte avec un ballon, l’autre jongle avec les mots. Neymar, foule-t-il un court instant une pelouse, ravit les amoureux du football. Philippe de Villiers, dès qu’il s’agit de scénariser la plus anodine des histoires, saisit son auditoire. Le Brésilien semble être né avec des chaussures à crampons. Le Vendéen une plume à la main. A première vue, la réussite semble être leur point commun. Pourtant, c’est un monde qui les sépare. Faire le spectacle est affaire de talent, bien sûr. Parler à l’âme, question de convictions. On ne joue plus alors dans la même cour. Les passements de jambes de l’attaquant le plus cher de l’histoire du football ont beau en mettre plein les yeux, les spectacles du Puy du Fou, il faut bien l’avouer, vont bien au-delà. Les jeux de lumière, les acrobaties des comédiens, les improbables changements de décor, l’ordonnancement millimétré des scènes sont certes en mesure d’impressionner les plus blasés des spectateurs. Mais surtout, ils se proposent de réveiller des cœurs en mal de panache, de noblesse, de poésie et de beauté. Ils sont invitation à l’action.
A cet égard, il n’y avait qu’à voir le visage de mon neveu et filleul il y a quelques jours dans les allées du Grand Parc ou les travées de la Cinéscénie. Les vacances familiales d’un prêtre lui donnent en effet souvent l’occasion de jouer au bon oncle Jules de Pagnol auprès de ses neveux et nièces. Au milieu d’eux, les poches larges de sa soutane font facilement offices de caverne d’Ali Baba. Les enfants des frères et sœurs réalisent vite qu’ils peuvent y puiser des sucreries en tout genre, pourvu évidemment que le « s’il vous plaît oncle abbé » soit délivré en guise de sésame. Dans cet esprit, il était à la fois trop tentant et trop facile d’emmener mon filleul au Puy du Fou pour ne pas résister à la tentation.
Dans la file d’attente du spectacle nocturne, sur mon téléphone l’application L’Equipe m’avertissait des derniers rebondissements du devenir de Neymar au Paris-Saint-Germain. Les états d’âme du joueur contrastaient avec les bénévoles qui m’entouraient. Ainsi, à près de 30 reprises pendant l’été, ils sont plus de 4000 anonymes à donner de leur temps, gratuitement et fidèlement, pour offrir dans ce coin perdu de la Vendée une représentation grandiose devant plus de 14 000 spectateurs éblouis. Ici, on joue toujours à guichet fermé. Jamais une bronca ou des paroles hostiles ne descendent des tribunes. Au contraire, à chaque fin de représentation, les spectateurs se lèvent tous, comme un seul homme, pour applaudir ces bénévoles comédiens qui saluent une ultime fois leur public d’un soir. L’un d’entre eux justement, à la vue de ma soutane, n’a pas hésité à s’approcher et me demandait de prier pour un bénévole historique, puyfolais depuis le début de l’aventure du Puy du Fou. « Pour la première fois depuis 42 ans, me dit-il tout ému, mon collègue Jacques n’a pas jouer ce soir en raison d’une maladie qu’on lui a découverte récemment. » Je serre sa main et lui promets une prière. Moi aussi, le bénévolat est mon métier.
Sur la route du retour, je méditais pensif. Il y a deux ans Neymar était acheté 222 millions d’euros au club de Barcelone pour un salaire annuel de 36,8 millions d’euros. Dans le contrat était signifié son obligation de respecter « l’institution ». Devoir de retenue en cas de difficultés, invitation à mettre en valeur le club sur les réseaux sociaux en cas de victoires. En deux ans, le PSG aura donc dépensé davantage pour un seul joueur que la somme totale investie au Puy du Fou depuis son origine en 1977. Le constat invite à la réflexion. Entre les caprices d’un joueur doué et couvert d’or, j’avais goûté quant à moi le temps d’une Cinéscénie les délices d’acteurs inconnus et désintéressés. N’est pas magique qui veut : mercenaires et bénévoles ne mangent pas du même pain. Un homme, ce soir-là, ne pleurait pas d’être malade. Il pleurait de ne pas pouvoir se donner. L’enthousiasme est un trésor qui n’a pas de prix. Surtout, il ne s’achète pas.