Jean-Frédéric Poisson a été interrogé dans Le Point :
Avez-vous formellement décidé de retirer votre candidature, et de soutenir Éric Zemmour ?
Il faut d’abord qu’il soit candidat, et j’ai émis deux souhaits sur lesquels nous devons nous entendre de manière formelle : la prise en compte des fragilités, et la constitution de cette formation politique que nous appelons de nos vœux. Nous devons nous voir en début de semaine. Je ne doute pas que ces deux points seront satisfaits.
Les candidatures antérieures, adoptant une ligne conservatrice similaire, ont rassemblé dans le passé très peu d’électeurs. Qu’est-ce qui vous fait penser que ce sera différent cette fois ?
Il n’est pourtant pas le seul à porter ces sujets, qui sont au cœur des discours des candidats à la primaire de la droite, et de Marine Le Pen…
Mais quelle crédibilité ont des candidats qui ont porté toute leur vie l’idée que l’Europe est formidable et que la France ne connaîtra jamais d’autre horizon ? Le discours de LR s’adapte aux circonstances. Valérie Pécresse et Michel Barnier se sont récemment convertis à une maîtrise des flux migratoires et une fermeture des frontières, mais aucun d’entre eux ne remet en cause les accords de Schengen, aucun ne remet en cause des quotas de la Commission européenne. Comment feront-ils ? Cela pose un problème de cohérence. À l’inverse, Éric Zemmour donne l’impression, sinon l’assurance, qu’il n’oubliera pas de traiter les sujets une fois qu’il sera arrivé aux affaires.
Quant à Marine Le Pen, elle a abandonné certains de ses points forts. Elle ne veut plus que la France sorte de la Cour européenne des droits de l’homme, ni de l’euro, ni de Schengen… Je ne vois pas comment elle pourrait appliquer son programme sans remettre tout cela en cause.
Marine Le Pen veut inscrire dans la Constitution la supériorité du droit français sur le droit international. Éric Zemmour, qui n’entend pas non plus sortir de l’euro, dit exactement la même chose…
Ça me paraît moins clair… Il me semble que la réflexion sur une monnaie commune est indispensable. On ne peut pas faire autrement que d’imaginer l’existence de deux devises, des économistes très sérieux y travaillent. Reste que je comprends que ce sujet paraisse aujourd’hui secondaire. Éric Zemmour accorde la priorité aux enjeux de civilisation, qui sont LA question posée à la France aujourd’hui. Les Français ont le sentiment d’être dépossédés, et redoutent de voir disparaître ce qu’ils ont aimé. Cela ne peut pas être ignoré, et ce n’est pas avec des mesures de gestion qu’on réglera ce problème ! Même si, je tiens à le souligner, fermer les frontières et mieux contrôler les flux migratoires ne suffira pas à rendre les gens plus heureux. Car ça ne règle pas les conditions de travail qui fabriquent des burn-out en série ; ça ne règle pas la non-prise en compte des personnes handicapées ou autistes là où elles ont besoin d’aide ; ça ne règle pas la confortation des familles comme socle de la vie sociale, quelles qu’elles soient ; ça ne règle pas la question de l’absence des parents du phénomène scolaire ; ça ne règle pas la question de la répartition des richesses… Rien de tout cela n’est lié au phénomène de l’immigration. Or ce sont aussi des questions de civilisation.
Eric Zemmour a très peu développé ces thèmes. Pensez-vous qu’il pourra les porter ?
Je pense qu’il est prêt à le faire, même si ces sujets ne font pas forcément partie de sa vision spontanée de la France, et de ce qu’il faut en faire. Il confie d’ailleurs assez honnêtement avoir besoin d’aide pour réfléchir et comprendre le monde du travail, par exemple. Nous partageons, Éric et moi, des origines modestes, et le fait d’avoir connu la précarité. Nous savons ce que c’est. Le temps viendra où cela devra s’incarner dans des visions et des mesures concrètes.
Lorsque vous concouriez à la primaire de la droite en 2016, vous promettiez la fin du mariage pour tous et la division par deux du nombre d’avortements, des positions très minoritaires dans la société française. Attendez-vous d’Éric Zemmour qu’il les soutienne ?
Non, il y a d’autres priorités pour la France aujourd’hui, et cela ne me paraît pas susceptible de mobiliser. Mes convictions n’ont pas changé, mais d’autres voies peuvent être explorées : revoir les aides financières accordées aux familles, soutenir les parents dans le cadre de leur responsabilité d’éducateurs, repenser l’organisation sociale et économique à travers le prisme de la vie quotidienne des familles, en termes de transport, d’organisation du travail…
En 2017, vous aviez tenté, avec Nicolas Dupont-Aignan et Emmanuelle Ménard, de construire cette « union des droites » qu’Éric Zemmour espère réaliser. Cela s’est soldé par un échec cuisant. Aujourd’hui, Nicolas Dupont-Aignan refuse cette alliance. Qui allez-vous rassembler ?
Si les partis politiques hésitent, il y a des millions de Français qui le veulent ! Notre électorat attend cela depuis longtemps. Personne ne peut forcer le président de Debout La France, mais je constate que ses cadres nous rejoignent. Aujourd’hui, le terme « union des droites » ne me semble d’ailleurs plus approprié. Est-ce que les Gilets jaunes étaient un mouvement de gauche ou de droite ? Les syndicalistes aujourd’hui, que sont-ils ? Ce qui m’intéresse, c’est de rassembler les personnes qui ont la volonté de redresser le pays. […]