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Environnement

Est-on sûr que la transition énergétique sera si écologique ?

Le journaliste Guillaume Pitron vient de publier une enquête sur le marché des métaux rares. Il a été interrogé sur Batiactu. Extraits :

51EKGHWK2vL._SX327_BO1 204 203 200_"Que reprochez-vous au modèle de la transition énergétique tel qu'il nous est présenté ?

Cette transition a été pensée de manière hors-sol. Avant même d'envisager les dimensions politique, économique et technologique de cette transition, il faut penser à ce qu'il y a au départ : de la matière. Où est-ce qu'on va la chercher ? A partir du moment où vous cherchez la réponse à cette question, toutes les constructions intellectuelles de la transition énergétique s'effondrent. Car toute matière procède d'une mine, nous l'avons complètement oublié. Les métaux rares, matière première indispensable à la transition énergétique, viennent de mines dont la grande majorité sont situées en Chine. Or, l'industrie minière est l'un des secteurs les plus polluants au monde, et le coût écologique de l'acheminement de ces métaux est immense. Ainsi, parler de transition énergétique est, au mieux, très naïf. Nous avons perdu la culture de la matière, nous considérons que nous ne dépendons plus d'elle. C'est ce que j'appelle l'effet Monoprix : vous avez l'illusion de croire que vous disposez de tout, à volonté. Nous sommes passés, en deux générations, d'une ère de privation à une ère d'abondance. Ce que je propose de faire, c'est de nous reconnecter aux enjeux bruts, et de retourner les cartes de cette transition écologique.

Dans votre ouvrage, vous dites : "En nous engageant dans la transition énergétique, nous nous sommes tous jetés dans la gueule du dragon chinois. L'empire du Milieu détient en effet aujourd'hui le monopole d'une kyrielle de métaux rares indispensables aux énergies bas carbone et au numérique." Que voulez-vous dire ?

L'occident a réalisé le fabuleux potentiel des métaux rares durant les années 80. Mais au même moment, nous avons renforcé nos réglementations environnementales et nos standards sociaux. Nous voulions des métaux, mais nous ne voulions plus les extraire chez nous. Nous ne voulions plus de mines. La Chine, elle, était prête à récupérer ces activités, même au prix d'un désastre environnemental et humain. Les Chinois nous ont donc inondés de métaux rares à prix cassés, et nous en avons profité pour fabriquer des technologies en-dessous de leur prix de revient réel. C'est ce que je qualifie de plus fantastique opération de greenwashing de l'histoire. Aujourd'hui, la Chine a la maîtrise sur une majorité de ces métaux rares ! Et elle ne nous fournit plus ces matières à satiété, comme elle le faisait. Elle dit à ses clients : "J'ai besoin de ces métaux pour mon propre développement. Je ne vous en fournirais donc qu'une petite part. Donc soit vous tournez au ralenti, soit vous venez vous installer en Chine, avec vos ingénieurs et vos laboratoires de recherche." […]

Un récent rapport de la Banque mondiale a pointé cette problématique [lire notre article ici]. Cela tend-il à prouver qu'une prise de conscience a lieu ?

Ce rapport est une véritable bombe, et devrait être sur la table de chevet de tous les chefs d'État, ce qui est loin d'être le cas. Je cite également un rapport d'Olivier Vidal, chercheur au CNRS, qui dit qu'à capacité de production électrique équivalente, "les infrastructures éoliennes nécessitent jusqu'à quinze fois davantage de béton, quatre-vingt dix fois plus d'aluminium et cinquante fois plus de fer, de cuivre et de verre" que les installations utilisant des combustibles traditionnels. A-t-on vraiment établi l'analyse du cycle de vie de ces nouvelles solutions technologiques ? Est-on sûr que la transition énergétique sera si écologique ? Pour vous en faire une idée, je vous rappelle par exemple que la purification de chaque tonne de terres rares [un groupe de métaux rares parmi les plus convoités, NDLR] requiert l'utilisation d'au moins 200 mètres cube d'une eau qui, au passage, va se charger d'acides et de métaux lourds. Que faire de tous les déchets suscités par l'excavation de ces matières premières ? Il faut imaginer que pour chaque écoquartier qui est ouvert, vous avez l'équivalent d'une petite montagne de déchets pollués à gérer. […]

Dans le secteur du bâtiment, en France, des réflexions sont menées par rapport à l'analyse du cycle de vie des bâtiments. Vont-elles assez loin ?

Je me demande si elles prennent vraiment en compte l'extraction et les transports des matières premières. Vous vous dites qu'un écoquartier est propre parce qu'au moment où vous l'utilisez, vous consommez moins. Mais avez-vous pensé aux milliers de kilomètres parcourus par les métaux rares pour finir dans la technologie embarquée de votre quartier connecté ou de votre voiture électrique ? Les réseaux intelligents, les maisons connectées, les compteurs de type Gazpar ou Linky, cela veut aller dans le sens d'une plus grande sobriété énergétique. Mais le bilan global écologique n'est pas forcément positif. Les objets connectés génèrent de la donnée, et cette donnée doit être traitée informatiquement. Tout cela a aussi un coût écologique. Pour rappel, l'Ademe a chiffré que les dix milliards d'e-mails envoyés chaque heure à travers le monde représentaient l'équivalent de la production électrique de quinze centrales nucléaires sur la même durée. […]"

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8 commentaires

  1. L’auteur passe à côté du principal sujet d’inquietude.
    L’extension des appareils connectés à l’ensemble des objets de la vie courante enleve au citoyen la maitrise de son cadre de vie au profit d’institutions sans visage de nature orwellienne.
    J’avais noté que la derniere generation de smartphone m’interdisait l’utilisation de fonctions de base telles que la photo ou le magnetophone si on ne donnait pas l’autorisation à l’appareil d’acceder aux autre fonctions relatives à la vie privée, chose qui n’existait pas dans la precedente generation.
    Nous savons de même que la generalisation des ordinateurs de bord dans les automobiles associée à la connexion internet peut à tout moment enlever le contrôle au conducteur.
    Depuis peu les banques peuvent interdire à un deposant de retirer son argent puisque le retrait se fait presque exclusivement par l’intermediaire d’un DAB.
    Plus recemment l’adoption des nouveaux compteurs EDF expose l’abonné à être privé de son alimentation à tout moment.
    Il resulte de tous ces constats que le citoyen aujourd’hui a perdu le contrôle de tout ce qui constitue une vie normale et peut se retrouver du jour au lendemain privé de liberté plus sûrement que par une condamnation devant un tribunal.
    Staline et Hitler en ont rêvé, nous l’avons fait.

  2. L’écologie c’est évidemment très important, et d’autant plus important que l’on parle de “l’écologie humaine” telle que nous l’enseigne le Pape.
    Au plan de la transition énergétique, qui est/sera certainement nécessaire, et pour ne parler que de l’aspect écologique, il est en effet important de s’interroger sur la qualité écologique des énergies dites nouvelles. Pour certaines sources d’énergie prétendues propres, tient-on vraiment compte de tout : des processus de fabrication depuis le départ, des produits utilisés (depuis leur extraction dans le cas des minerais), de leur entretien, etc., et jusqu’à leur destruction. Par exemple pour les éoliennes, ou pour les batteries de voitures, etc., je n’ai personnellement pas fait de recherches et je n’ai rien ni pour ni contre, mais qu’en est-il exactement ? Nos politiques, etc., qui s’extasient sur cela et cherchent à imposer telle ou telle solution, ont-ils fait ou ont-ils fait faire de véritables recherches complètes, ou n’est-ce là encore que des postures de leur part ?
    Il ne s’agit pas pour ma part d’être contre des changements, mais il faudrait que les personnes qui en parlent, à commencer par les politiques et beaucoup de soi-disant “écologistes”, soient informés/formés et honnêtes . Or ce sont les mêmes qui, par exemple, ne sont pas troublés par les graves méfaits pour les femmes, les hommes, et la nature (même pour les poissons semble-t-il !), des pilules —là on est un peu loin des questions énergétiques…, mais c’est pour illustrer avec cet exemple l’hypocrisie ou l’ignorance de notamment le Parti Écologiste actuel, ce qui fait que l’on ne peut être malheureusement que méfiants vis-à-vis d’eux—.

  3. quelles conséquences sur les humains?
    vivront-ils mieux grâce ces avancées?
    on nous enfume, tout va trop vite!!!!

  4. L’écologie n’est pas la préoccupation première des politiciens mondialistes. Autrement ils n’encourageraient pas les travailleurs détachés (500 000 en France !) La Ministre du travail a juste fait semblant de lutter contre (voir à 44 mn55) :
    https://www.youtube.com/watch?v=_Q4WUftkpYo
    Et que penser de la nourriture venant de l’autre bout du monde alors que 10 gros porte-containers polluent plus que toutes les voitures diesels de la planète !

  5. Pour la sobriété du Linky, faudra repasser : échanger des millions de compteurs électriques qui fonctionnent bien, faits pour durer, contre des compteurs modernes, pas plus solides que ma machine à café, qui utilisent deux sortes de fréquences (une pour le 50 Hz, une pour le CPL), il faudra quand même payer les deux. Donc pas écolo, vente forcée….Il aurait été si simple d’envoyer un tuto aux gens : “comment faire une soustraction”.

  6. A Lila
    Libre à vous d’accepter le compteur Linky ! Personnellement je l’ai refusé.

  7. Moi aussi ! Pas de linky chez moi…
    Au nom du principe de précaution, inscrit dans la constitution.
    Ils ne pourront l’installer à mon domicile que muni d’un titre exécutoire signé par un juge !!!

  8. j’ai appris il n’y a pas si longtemps que le palais de Windsor n’utilisait de puis des lustres que l’électricité fournie par deux hydroliennes presque invisibles sous les eaux de la Tamise!

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