De Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique :
Ils ont tout juste 20 ans. Certains d’entre eux estiment qu’ils sont des survivants. Ils ont marché, nombreux, joyeux et déterminés le 16 janvier dernier « Pour la vie ». Dans l’iconoclasme de leur jeunesse ils ont même osé s’en prendre à une des icônes de la modernité, ancienne présidente du Parlement européen, figure emblématique du « droit des femmes à disposer de leur corps » : Simone Veil. Alors que les personnalités politiques les plus attachées à la défense de la vie humaine innocente, dans un sursaut d’héroïsme qui les surprend elles-mêmes, demandent d’en revenir, contre toutes les libéralisations postérieures, à l’application stricte de la loi Veil, cette jeunesse, transgressive et libre, demande, benoîtement, que la loi Veil elle-même soit abrogée.
Un épiscopat à la remorque du monde
Elle ne partage pas l’avis de Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes, qui dans un texte du 14 janvier 2022, deux jours avant la Marche pour la Vie, publié sur le site de la Conférence des Evêques de France et donc ayant reçu l’aval de son noyau dirigeant affirmait :
« Penser à l’avortement c’est considérer deux êtres humains : la femme et celui qu’elle porte. Tel était l’équilibre de la loi Veil en 1975. Sans oublier la vie en gestation, cette loi veillait à la santé des femmes que la manière d’avorter mettait en péril ».
Est-il irrespectueux envers Mgr de Rennes que de lui rappeler que la loi Veil prévoit la possibilité d’une Interruption Médicale de Grossesse jusqu’à la date de l’accouchement. Ce qui signifie, concrètement, qu’un enfant trisomique peut être avorté, et donc tué, jusqu’à la veille de sa naissance, avec la bénédiction du primat de Bretagne. Nous savions depuis la publication de l’autobiographie de Simone Veil, en 2007, « Une vie » que l’épiscopat français ne s’était pas opposé à la dépénalisation de l’avortement :
« Je me suis entretenue avec le prélat en charge de ce problème au sein de la hiérarchie catholique. Il n’a pas tenté de me dissuader. Il exprimait le vœu que la liberté de conscience soit assurée, et que nul ne puisse obliger un médecin à pratiquer une IVG. (…) J’ai souvenir d’une rencontre avec des responsables du clergé régulier, destinée à examiner le problème de leur protection sociale. La réunion s’est fort bien déroulée, dans une ambiance courtoise et positive. J’en ai tiré le sentiment que les communautés religieuses étaient peut-être plus concernées par leur régime de Sécurité Sociale que par l’IVG. » (p 162-164)
Aujourd’hui la loi Veil fait figure de loi réactionnaire aux yeux des nouveaux déconstructeurs. La député Albane Gaillot veut faire passer de 12 à 14 semaines le délai légal d’avortement, en supprimant également la clause de conscience qui permet aux médecins de ne pas accomplir d’IVG. Rappelons que pour effectuer un avortement à 14 semaines il faut commencer par briser la tête de l’embryon qui s’est alors ossifiée. L’ensemble de la profession médicale est vent debout contre cette proposition de loi. Comme elle l’était en 1975, avec les résultats que l’on sait.
Promouvoir partout l’avortement
Dans son discours devant le Parlement européen le 18 janvier Emmanuel Macron a clairement affirmé sa volonté que le droit à l’avortement soit intégré à la charte des droits fondamentaux de l’Union. Ce qui augure de belles empoignades avec la Hongrie, la Pologne, etc. Nous sommes à une heure où, selon l’expression très explicite d’Hannah Arendt, semble triompher « la banalité du mal ». Une partie de la bourgeoisie catholique vote sans état d’âmes pour des partisans déclarés de la culture de mort, les seules valeurs lui paraissant dignes d’intérêt étant celles de son porte feuille d’actions et de son logement. Le reste…
Il est bien sûr possible, et en partie légitime d’ailleurs, de se désoler des avancées continuelles de la « culture de mort », les quelques lueurs étant bien lointaines : aux USA, en Europe de l’est, etc. Il est non moins vrai que voir perdurer une opposition structurée, argumentée et militante à la loi qui a ouvert la porte de Pandore tient du miracle. A l’issue des manifestations autour de la loi sur le mariage homosexuel, finalement votée, Camille Pascal, une des plumes de Nicolas Sarkozy avait eu cette formule : « S’y opposer était un droit, s’y soumettre est un devoir ». C’était donner à Créon tous les pouvoirs et refuser à Antigone le droit d’en appeler aux « lois non écrites et immuables des dieux ». Au-delà de l’aspect moral, qui n’est pas anodin, cette promotion forcenée de l’avortement est également un non-sens politique si du moins on admet que la politique est le service du bien commun, le premier de ces biens étant la survie et la pérennité de la société. Alors que l’Europe est frappée de plein fouet par une crise démographique qui crée un puissant appel d’air en particulier pour les populations déshéritées d’Afrique est-il vraiment nécessaire d’encore accroître cette crise par des mesures mortifères ?
Enfin, cette jeunesse qui défile « Pour la vie » exprime mieux que de longs discours « la revanche des berceaux ». Elle est, dans le temps, la revanche des familles qui dans l’indifférence ou l’hostilité générale – les « lapins » brocardés par le pape François – ont transmis la vie et accepté les sacrifices inhérents à cette fonction. L’avenir lui appartient car elle est la jeunesse de Dieu !