Extrait d’un article de Nathaniel Peters, directeur du Morningside Institute, chercheur à l’Institute for Human Ecology de l’Université catholique d’Amérique, et contributeur et membre du comité de rédaction de Public Discourse, dans La Nef, dont le dossier est consacré aux intellectuels catholiques américains :
[…] Dans les semaines précédant l’élection, j’ai parlé avec un prêtre et un laïc travaillant dans des aumôneries d’universités d’élite aux ÉtatsUnis et au Canada. Ils m’ont tous deux parlé d’un intérêt croissant pour le catholicisme parmi les jeunes, en particulier parmi les jeunes hommes qui voient dans la foi l’antidote le plus efficace à la modernité. Ces jeunes hommes veulent un cadre de vie qui explique et combatte le courant progressiste dominant, un cadre qui leur dise comment vivre – même s’ils sont irrités par certaines de ses exigences. Ils veulent savoir comment être des hommes bons dans cette société méritocratique insatisfaisante, surtout s’ils sont enfants de divorcés ou s’ils ont perdu tout lien avec leur père. Ils font partie de ceux qui ont été profondément attirés par le postlibéralisme. Et ils ressemblent beaucoup à J.D. Vance, qui, en 2020, a publié l’histoire de sa conversion dans The Lamp, une revue de lettres fondée par de jeunes catholiques postlibéraux. […]
En 2024, les arguments du postlibéralisme n’ont plus l’éclat de la nouveauté ou de la controverse. Leur étoile a pâli parmi de nombreux catholiques – mais pas tous. Il y a plusieurs raisons à cela. De nombreux intellectuels catholiques ne sont toujours pas convaincus par les arguments postlibéraux, et surtout par leur façon de débattre en ligne. Certains anciens disciples ont l’impression que le postlibéralisme n’est en réalité qu’un progressisme pour conservateurs – un désir d’intervention gouvernementale forte, mais avec notre main sur le gouvernail. De récentes décisions de la Cour suprême ont réduit les pouvoirs des agences administratives que Adrian Vermeule désignait comme des moyens d’entrisme. Et certains auteurs postlibéraux sont passés à autre chose. […]
Mais même si le postlibéralisme catholique n’est plus l’avant-garde intellectuelle, le populisme est prêt à façonner les prochaines années de la politique américaine. Il se pourrait que l’héritage durable du moment postlibéral ne soit pas d’avoir resacralisé l’espace public, mais d’avoir édifié une base programmatique populiste cherchant à combattre les institutions élitistes, à protéger les travailleurs américains et à soutenir les familles américaines. En tant que vice-président, J.D. Vance aura une grande marge de manœuvre pour influencer la feuille de route de Trump. Dans la première administration Trump, Mike Pence l’a fait, jusqu’à un certain point. Mais comme Pence l’a appris, et comme nous le voyons dans les nominations de son cabinet, le président Trump privilégie avant tout la loyauté personnelle. L’égoïsme, le chaos et l’amertume peuvent facilement saboter un programme gouvernemental. […]