Extrait de la lettre de bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon :
"1984, le chef-d’œuvre de George Orwell qui met en scène une cité totalitaire terrifiante dominée par un Big Brother omniscient et tout-puissant. L’intuition cardinale d’Orwell est que la mainmise du pouvoir politique sur l’homme doit passer par une mainmise sur le langage. Dans ce monde cauchemardesque est promu en effet le novlangue, dont le but essentiel est de diminuer toujours plus le domaine de la pensée en appauvrissant les concepts et en manipulant les idées. Un des ressorts principaux des totalitarismes est en effet la destruction de la langue comme un des meilleurs moyens de destruction de l’humanité de l’homme.
Sur le terrain du respect de la vie humaine, nos sociétés occidentales sécularisées postmodernes ont elles aussi recours à l’imposition d’une discipline de langage que l’on peut appeler l’éthiquement correct. (…)
Nous parlons ainsi d’interruption volontaire de grossesse, d’IVG au lieu d’avortement (…) mourir dans la dignité pour désigner l’euthanasie (les Hollandais préférant celle d’interruption volontaire de la vie). La pilule du lendemain masque un avortement chimique, le préembryon ou amas cellulaire préimplantatoire qualifie le jeune être humain avant sa nidation utérine, les diagnostics prénatal et préimplantatoire occultent des pratiques eugénistes massives et le transfert nucléaire n’est que l’autre nom du clonage. La réduction embryonnaire n’est ni plus ni moins que l’élimination d’un jumeau dans le sein de sa mère suite à une procréation artificielle et la santé reproductive est le cheval de bataille des agences internationales onusiennes pour diffuser l’avortement au cœur des pays en voie de développement jugés trop féconds.
(…) Dans la langue de l’éthiquement correct, le mot n’est plus un instrument pour désigner mais pour interdire à certaines idées d’accéder à la conscience. (…) Caesar dominus et supra grammaticam, le pouvoir de César s’étend même sur la grammaire, dit l’adage. Parce que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », selon le mot célèbre de Camus, l’Eglise nous invite – c’est tout l’objet du Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques qu’elle a fait publier – à ne pas nous soumettre à cette discipline de parole et à proclamer avec courage la vérité."