Confronté aux demandes de suppression du rabais britannique, Tony Blair a répliqué en demandant de discuter du financement de la politique agricole commune : "Vous ne pouvez pas discuter de l’existence du rabais britannique à moins que vous ne discutiez de l’ensemble du financement de l’Union européenne, y compris du fait que 40 % va toujours à l’agriculture alors qu’elle n’emploie que 5 %" des actifs, a-t-il déclaré à l’issue d’une rencontre avec Vladimir Poutine. Puis, à l’issue de sa rencontre avec Jacques Chirac à l’Elysée, il a réitéré son propos, en le plaçant clairement dans la perspective d’une polémique franco-britannique : "Nous dépensons dans le domaine agricole dix fois ce que nous dépensons en recherche. Je comprends qu’un pays veuille subventionner son agriculture. Mais il y a un problème quand l’Union européenne décide d’engloutir 40 % de son budget dans un secteur qui représente 2 % des emplois."
Le raisonnement de Tony Blair paraît censé mais il est faux. Passons sur l’imprécision du 5 % qui, de Moscou à Paris, tombe en quelques heures à 2 %. Le fait est que 40 % du budget européen passe dans l’agriculture, qui représente aujourd’hui très peu d’emplois. Le fait est aussi que cette part était de 50 % il y a quelques années, qu’elle était de 80 % aux débuts de la CEE. Pourquoi ? Tout simplement parce que la politique agricole commune était la seule politique commune. Au fur et à mesure de la construction européenne, d’autres politiques communes sont apparues, qui ont fait automatiquement baisser la part de la politique agricole, qui demeurait néanmoins la principale d’entre elles. Dans les années à venir, elle tombera à 30 %.
On pourrait penser que Tony Blair a derrière lui la National Farmers Union, qui représente essentiellement de grands propriétaires terriens dont les problèmes ne sont pas ceux des petits paysans français. Mais ce n’est pas le cas. Carmen Suarez, chef économiste du syndicat, s’oppose, dans un entretien avec l’AFP, à une remise en cause de la PAC alors que "la dernière réforme n’est même pas encore entrée en vigueur". Elle met en lumière le lien qui existe, pour le gouvernement britannique, entre le rabais et la PAC : le rabais a cette "conséquence perverse" que les deux tiers des sommes investies dans le développement rural en sont déduites. Autrement dit, plus la Grande-Bretagne bénéficie de la PAC, moins elle profite de son rabais… D’où la position de Tony Blair, qui se garde bien, toutefois, d’expliquer pourquoi il lie les deux questions. Et surtout, souligne Carmen Suarez, "la PAC coûte moins de 0,5 % du PIB de chaque pays, alors que les agriculteurs gèrent près des trois quarts du territoire: c’est donc plutôt une bonne affaire".