Extrait d’une tribune de Jean-Pierre Maugendre, directeur général de Renaissance catholique, dans L’Homme Nouveau :
Répondant à la question d’un séminariste sur le problème que constitueraient les traditionalistes, Mgr de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France répondait le 2 décembre dernier :
« Le décret de Vatican II sur la liberté religieuse est très clair. Le Christ n’est pas venu bâtir des nations catholiques mais il est venu fonder l’Église. Ce n’est pas la même chose. À force de traîner la nostalgie d’un État catholique, on perd notre énergie pour l’évangélisation. »
Lointain écho d’une déclaration d’un de ses prédécesseurs à la tête de la CEF, le cardinal Etchegaray, archevêque de Marseille :
« Après l’État chrétien, dont la déclaration conciliaire sonne le glas, après l’État athée qui en est l’exacte et aussi intolérable antithèse, l’État laïc, neutre, passif et inengagé, a été certes un progrès. »
Comme le note Chantal Delsol :
« L’Église a honte de la chrétienté comme pouvoir et comme contrainte et elle aspire à d’autres formes d’existence. »
La fin de la chrétienté apparaît alors non seulement comme un fait, mais aussi comme un bienfait. Cet avis cependant n’est pas général. Il se heurte en particulier à deux objections majeures.
Tout d’abord une objection doctrinale. Dans son encyclique Quas Primas du 11 décembre 1925 sur la royauté sociale du Christ, le pape Pie XI invitait « les hommes et les sociétés » à « reconnaître en particulier et en public le pouvoir royal du Christ ». Il n’est pas là question d’État « neutre et inengagé », bien au contraire. Nous laissons les spécialistes se pencher sur la continuité entre la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse Dignitatis humanae et cette encyclique dont nous célébrerons le centenaire de la publication l’année prochaine…
Ensuite une objection pratique : c’est à la suite de leurs princes et gouvernants (Constantin, Clovis, Charlemagne, Vladimir, Étienne, etc.) que les peuples sont entrés, en masse, dans l’Église. Les faits sont peut-être cruels mais incontournables : il n’existe pas de conversion d’un peuple au christianisme sans soutien, ou a minima neutralité bienveillante, des pouvoirs publics. La situation du catholicisme en Asie est à cet égard très éclairante : le catholicisme est très présent dans les pays historique – ment et politiquement liés au christia – nisme (Philippines, Vietnam), mais marginal dans les pays où les pouvoirs publics se sont opposés à son développement (Chine, Japon).