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Valeurs chrétiennes : Education

Face à la tentation de l’utilitarisme moderne, l’amour de la vérité contemplée pour elle-même semble essentiel

Les Dominicaines du Saint-Esprit ont cinq établissements scolaires en France. La Prieure générale, Mère Marie Pia, a été interrogée dans La Nef. Extraits :

Couverture301"Dominicaines du Saint-Esprit, nous avons une histoire récente et originale, puisque nées au sein du Tiers-Ordre de saint Dominique, nous sommes actuellement Société de vie apostolique tout en reprenant le mode antique de vie dominicaine de sainte Catherine de Sienne. Notre Institut vit le jour grâce à l’abbé V.A. Berto (+ 17 décembre 1968), prêtre du diocèse de Vannes, lui-même tertiaire dominicain, zélé serviteur de l’Église. Le vocable du Saint-Esprit a été choisi pour honorer la Troisième Personne divine que Jésus appelle l’Esprit de Vérité. Toute l’œuvre des Dominicaines du Saint-Esprit est confiée à la protection de Notre-Dame de Joie.

L’Institut vit ses débuts en 1936, à La Bousselaie, dans le Morbihan, où quelques jeunes filles s’occupaient d’un groupe d’enfants orphelins confiés à l’abbé Berto. En 1939, à Fescal, elles se regroupèrent autour d’une petite règle de vie dans le projet d’une consécration virginale. Elles furent reconnues en 1943 par Mgr Tréhiou, évêque de Vannes, et érigées en Fraternité séculière du Tiers-Ordre de saint Dominique par le R.P. provincial de Lyon. Puis un décret du 19 novembre 1964 érigeait celle-ci en « Sodalité propre à l’Ordre de Saint-Dominique ». Enfin, le 22 février 1990, le Saint-Siège conférait à l’Institut sa forme canonique actuelle de Société de vie apostolique de droit pontifical et, le 24 mai suivant, le Père Maître Général confirmait son agrégation à l’Ordre. Aujourd’hui, l’Institut compte une centaine de sœurs réparties entre la Maison-mère, à Pontcalec, et cinq écoles en France. […]

Les méthodes pédagogiques ne cessent de changer avec, en toile de fond, une mise à l’écart de ce que l’on appelait jadis les « humanités » : que pensez-vous de la situation actuelle sur ces questions et quelle est votre position dans vos écoles ?

Il nous semble important d’apprécier ce beau nom d’Humanités, pour qualifier ce qu’on pourrait réduire aux matières dites « littéraires ». On parle d’Humanités parce qu’elles rendent l’homme plus humain, lui donnant de connaître et d’aimer sa culture. Il s’agit de former l’intégralité de la personne, par la transmission d’un savoir universel, plutôt que par une spécialisation regrettable qui ferme tôt aux élèves l’accès aux trésors de notre culture, en particulier philosophique. Nous avons donc choisi de privilégier les disciplines dites « littéraires » dans nos écoles, non par mépris des sciences, mais au contraire pour encourager à élargir au maximum sa culture et sa formation humaine intégrale avant de se spécialiser en études supérieures dans des domaines variés, y compris plus scientifiques, ce que font régulièrement nombre de nos élèves. Ce choix pédagogique oriente toute la formation dispensée depuis les classes primaires, car la structure et l’ouverture intellectuelles de l’enfant s’acquièrent bien avant le collège. Face à la tentation de l’utilitarisme moderne, l’amour de la vérité contemplée pour elle-même nous semble essentiel, et pour parer au déracinement des jeunes, la transmission de notre riche culture. Sans parler du transhumanisme qui trouve un remède dans un sain humanisme, c’est-à-dire précisément dans la redécouverte des humanités.

Avec l’expérience que vous donnent vos élèves, quels sont les problèmes les plus graves que vous rencontrez aujourd’hui ?

Nos élèves sont forcément marquées par la postmodernité : la crise qui frappe l’intelligence, la morale, l’autorité, ne peut les laisser indemnes. Nous recueillons les conséquences de trois générations déconstruites par Mai 68 : perte de repères et de la confiance envers l’adulte, familles éclatées, sensibilité émoussée par la violence de l’audiovisuel (la pornographie est à la portée de tous), modification des comportements par l’invasion d’internet, addictions de plus en plus précoces… Nous avons à apprendre à nos élèves comment et pourquoi résister au relativisme, à la mentalité hédoniste, à la culture de mort qui s’infiltre partout. Cela exige une formation en profondeur, du temps et des efforts.

Or cette génération ne manque pas d’atouts : elle a soif de lumière, de vérité et d’exigences. Plus conscientes de leurs manques que les générations précédentes, nos élèves sont plus simples pour s’ouvrir de leurs difficultés. Leur foi est aussi plus personnelle, elles se laissent aisément éduquer à l’intériorité. Tel est sans doute l’avantage de la postmodernité : la tiédeur et la médiocrité ne sont plus possibles. C’est « verso l’alto » que la jeunesse aspire à être menée, quel que soit son point de départ. Adapter notre œuvre d’éducation à cette jeunesse est pour nous une gageure de chaque jour. Mais plus que tout, nous constatons que là où les maux abondent, la grâce surabonde. […]

Face à la crise manifeste de l’Éducation nationale, il se crée de plus en plus d’écoles libres hors contrat, le plus souvent par des parents : que pensez-vous de ce mouvement ? Y voyez-vous une chance, un aiguillon pour l’école catholique, ou un « risque » par manque de professionnalisation de l’encadrement ?

Le monopole de l’Éducation nationale en France est un fait historique que l’on doit prendre en compte et dont les résultats parlent d’eux-mêmes. L’éducation des enfants relève du devoir propre des parents qui, premiers éducateurs, doivent pouvoir choisir leur école. L’échec de l’enseignement d’État ne peut qu’inciter les parents à trouver des solutions pour assurer à leurs enfants une formation solide et étayée sur une éducation réaliste. Ainsi auront-ils les moyens nécessaires à une vie honnête, indépendante et libre, avec la capacité de prendre part à la vie sociale, économique et politique de leur pays, selon la doctrine sociale de l’Église. Le mouvement de création d’écoles vraiment libres s’explique donc très bien et peut en effet constituer un stimulant pour l’école catholique en général, sous le regard bienveillant des évêques. Parmi les écoles hors contrat, si certaines ont encore la fragilité de la jeunesse et souvent peu de moyens, d’autres sont déjà de magnifiques réussites. Des institutions nouvelles telles que la Fondation pour l’école par exemple, sont de véritables soutiens pour conseiller ces écoles et leur permettre d’accéder à plus de professionnalisme. […]

Comment voyez-vous l’avenir de l’enseignement catholique en France, quels sont ses principaux défis ?

Si l’on en croit Péguy, les crises de l’enseignement sont des crises de vie. L’enseignement en France ne pourra retrouver son élan et son rayonnement que si l’on sort du nivellement par le bas. Pour qu’une société puisse vivre il lui faut une élite formée et cultivée. Les principaux défis sont donc :

D’annoncer notre identité d’école catholique et former des maîtres et des professeurs qui croient à l’intelligence, fassent confiance aux capacités des enfants pourvu que l’on revienne à une vie saine, réaliste et exigeante et qui répondent à ce portrait dressé par le pape François : « L’éducateur, dans les écoles catholiques, doit se montrer avant tout très compétent, qualifié, tout en étant riche d’humanité, capable d’être au milieu des jeunes avec un style pédagogique, pour favoriser leur croissance humaine et spirituelle ».

D’enseigner aux enfants les fondamentaux d’une façon qui prenne en compte leur capacité de compréhension et de mémorisation, leur apprenant à lire, écrire et compter avec des instruments adaptés aux étapes de l’apprentissage.

De développer leur sens de l’observation et leur capacité d’admiration, en un mot, comme le demandait Gustave Thibon, de faire un Retour au réel.

Une solution ne serait-elle pas d’établir des partenariats avec les entreprises et les grandes écoles qui accepteraient la référence de nos propres examens. […]"

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