L’Œuvre d’Orient a envoyé début décembre un courrier à ses donateurs afin de se démarquer de « SOS chrétiens d’Orient ». Un article paru dans La Croix du 4 janvier indique que le président de l’Œuvre d’Orient, Mgr Pascal Gollnisch, met en garde contre la récupération de la cause des chrétiens d'Orient « à des fins de politique intérieure française », et évoque Charles de Meyer, ancien assistant du député Jacques Bompard, et Benjamin Blanchard, ancien collaborateur de l’eurodéputé FN Marie-Christine Arnautu.
Pour en savoir plus, Le Salon Beige a interrogé le président de SOS Chrétiens d'Orient.
Charles de Meyer, SOS Chrétiens d'Orient est-elle une association ayant des objectifs politiques ?
Trois évêques nous ont fait officiellement confiance, nous travaillons au quotidien avec plusieurs patriarches et des dizaines d’évêques orientaux. En France, la co-présidente du groupe d’étude sur les chrétiens d’Orient, le président du groupe d’étude France-Syrie, le vice-président de la commission des lois, des parlementaires, des journalistes prestigieux, des écrivains, nous ont fait confiance. Permettez-moi de citer deux personnes s’exprimant sur notre action.
Le premier est l’ancien ministre Thierry Mariani, député des Français de l’étranger et président de la Commission des migrants et réfugiés politiques au Conseil de l’Europe : « Les jeunes de SOS Chrétiens d’Orient accomplissent un travail remarquable pour secourir des populations en grand danger » ; le second est André Bercoff, ancien reporter au Liban et président du Press-club de France, éditorialiste et écrivain bien connu, qui écrivait récemment dans Valeurs actuelles, à son retour d’un reportage en Syrie : « Les volontaires de SOS Chrétiens d’Orient incarnent sur place le visage de la générosité française » !
Le consul de France à Erbil a prononcé un discours élogieux sur notre association lors de l’inauguration de notre école Saints-Benham-et-Sarah. A moins d’un complot extrêmement bien organisé, je ne pense pas que notre jeune structure ait pu tromper toutes ces personnes.
J’ai rencontré plusieurs fois Mgr Gollnisch pour qui j’ai le plus grand respect. Je me suis expliqué avec lui de notre conception de l’aide aux chrétiens d’Orient et j’ai eu des échanges passionnants sur sa connaissance des communautés chrétiennes orientales. Je n’ai pas eu l’impression qu’il me considérait comme un sous-chrétien parce que je travaille à l’Assemblée nationale. Je ne peux pas imaginer que les propos de la lettre de l’Œuvre d’Orient visent à nuire à plus de 400 jeunes catholiques français partis secourir leurs frères aînés dans la foi. Si des formulations malheureuses se trouvent effectivement dans cette lettre, j’imagine qu’elles sont le fait d’informations erronées, voire de calomnies, que certains cherchent à répandre à notre endroit.
Je suis un simple catholique, qui essaye de vivre sa foi au XXI ème siècle, et qui s’engage dans la Cité. Dans quelques jours, je serai le dernier des cinq dirigeants de SOS Chrétiens d’Orient à avoir un travail lié à la politique : c’est beaucoup moins que d’autres associations soutenues par l’Œuvre d’Orient ou par l’Eglise.
J’ai reçu des dizaines de messages de personnes indignées par cette lettre et je veux dire clairement que si, indéniablement, les propos tenus dans la communication de l’Œuvre d’Orient peuvent être blessants, cette œuvre d’Eglise fournit un travail fascinant et que pas un village chrétien du Proche-Orient n’a oublié par leur aide. Continuez à les aider !
Pour être tout à fait sincère, j’espère que La Croix s’intéressera à l’avenir à nos cinq écoles irakiennes, à nos centres médicaux, à nos activités auprès des familles isolées, ou simplement aux témoignage des clercs qui œuvrent avec nous au Proche-Orient. Je ne peux pas imaginer qu’un grand quotidien chrétien n’ait cherché là qu’à abîmer une association et deux de ses dirigeants.
Voici pour cette histoire de lettre. Un mot simplement sur des actions qui sont, elles, notoirement malveillantes.
J’appelle à la raison certains des commentateurs, pour le coup politiques, français. Nous agissons à Amman, à Kerbala, à Baghdad, à Bassorah, à Alep, dans le Nord du Liban. Ces zones sont tendues et la capacité d’intervention en sécurité dans de tels lieux nous demande un fin travail de réseau, de relations, d’appréhension du territoire. Que leur méconnaissance, voire leur haine, de notre action les aveugle est une chose. Qu’ils insultent, au mépris de la courtoisie et de la charité la plus élémentaire les dirigeants de SOS Chrétiens d’Orient, nous l’acceptons comme une fatalité devant leurs intérêts partisans. Qu’ils insinuent ou nous prêtent des propos ou des convictions QUI NE SONT PAS LES NOTRES, nous met gravement en danger quand nous intervenons dans ces lieux. J’accomplis mon travail de président en prévenant les risques et en m’assurant de la connaissance pointue de ces territoires par nos chefs de mission – connaissance qui intéresse d’ailleurs des experts autrement plus qualifiés que certains commentateurs. Aussi, il viendra un jour où l’inconscience de certains ignorants ne sera plus supportable et conduira à des réponses judiciaires regrettables mais nécessaires.
Mgr Gollnisch évoque aussi des donateurs qui s’étonnent de recevoir sans cesse de la "publicité agressive". Le nom de votre association a-t-il été choisi pour tenter de récupérer les donateurs de l'Œuvre d'Orient ?
Le nom de notre association a été choisi pour décrire notre action : aider, sur tous les plans, les communautés chrétiennes orientales qui souffrent de discriminations ou de persécutions au Proche-Orient. Je ne comprends pas la notion de « publicité agressive » et nous n’avons jamais fait d’envoi sur les fichiers de l’Œuvre d’orient. Il est vrai que nos donateurs reçoivent une information constante, afin qu’ils sachent parfaitement comment leurs dons sont utilisés, et quelle est l’action menée par nos volontaires. C’est bien le moins que nous puissions faire pour les 40 000 foyers qui nous font confiance !
D’un point de vue technique : plus de 20 000 personnes suivent notre page Facebook, 40 000 personnes nous font confiance pour le financement, nous sommes reçus dans des dizaines de paroisses, d’établissements. Notre action a été commentée à plusieurs reprises au 20h de TF1, dans le Parisien, Valeurs Actuelles nous a consacré de nombreux reportages. Je pense que chacun fait bien la distinction entre nos deux associations.
Je pense que les lecteurs du Salon Beige peuvent nous aider simplement en priant : la division est une blessure, l’unité une grâce, et la cause des chrétiens d’Orient mérite largement que nous dépassions tout cela.
Mgr Gollnisch vous reproche aussi d'avoir caricaturé les propos du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius en lui prêtant la phrase : « Le Front Al-Nosra fait du bon boulot », détournant celle-ci de son contexte. Que reprochez-vous exactement au ministre ?
Notre manière de considérer la politique française au Proche-Orient a le mérite de la clarté : est-ce que, oui ou non, elle sert les intérêts des communautés chrétiennes ? En Syrie, la réponse est communément admise et de nombreux chercheurs ont dénoncé notre politique absurde de soutien unilatéral à certaines factions de la rébellion. Nous avions d’ailleurs tellement raison que, peu à peu, la France change d’attitude et de politique. Et nous nous en réjouissons !
Les propos du ministre des affaires étrangères sur le Front Al-Nosra, tenus dans le Monde du 13 décembre 2012, sont insupportables. A Maaloula, ville chrétienne syrienne dont nous participons activement à la reconstruction, le Front Al-Nosra s’est comporté d’une manière infâme. C’est notre rôle que d’affirmer publiquement que de tels propos étaient indignes. Et c’est également notre rôle de saluer l’action de la France quand elle est excellente, je pense ici au Kurdistan irakien.
Il ne s’agit donc pas de caricature, mais d’une citation que certains voudraient oublier et qui est une tâche indéniable, voire un révélateur, sur certains errements de notre politique orientale. Vous imaginez facilement que ces errements ont de graves répercussions sur les communautés chrétiennes locales.
J’ajoute que nous prenons le parti de témoigner de ce que les chrétiens d’Orient nous disent, sans « décorer » leurs propos à la mode occidentale. Je ne vous cache pas que je n’ai pas rencontré beaucoup de chrétiens syriens particulièrement élogieux à l’endroit de Laurent Fabius.
Enfin, il me semble que vous avez passé Noël en Irak. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la situation sur place ?
Pour la troisième année consécutive, j’étais auprès des chrétiens d’Orient pour Noël (la première fois en Syrie, ensuite au Liban, et en Irak donc pour 2015), c’est toujours avec la même admiration que je rencontre des familles qui subsistent dans les pires difficultés et restent indéfectiblement attachées à leur foi.
Nous étions à Qaraqosh une semaine avant que les barbares de l’Etat islamique ne s’emparent de la plus grande ville chrétienne de la plaine de Ninive. Juste après sa chute, SOS Chrétiens d’orient, et notamment son secrétaire général, Arthur du Tertre, intervenaient en urgence. Nous avons passé le mois d’août à travailler au quotidien auprès des réfugiés dans la plus extrême urgence. Evidemment, quand je retourne à Erbil, je note des améliorations sur l’organisation des camps, la fourniture de nourritures et de produits de première nécessité, la reprise de l’école. Mais le problème fondamental reste le même.
C’est la question du sens, beaucoup nous disent : après un siècle de persécutions, de déplacements, de tensions, pourquoi rester en Irak ? Il faut continuer à les aider, à les entendre, à comprendre leur environnement, pour tout faire pour que la chrétienté ne disparaisse pas de la terre d’Abraham. Voilà un sujet grave et important !