La revue Conflits a interrogé François Nicolas, directeur et fondateur d’Amaclio, entreprise à l’origine du spectacle La nuit aux Invalides, de représentations au Mont Saint-Michel, à Carcassonne et à Moulins.
Vos spectacles tendent à faire aimer l’Histoire et le patrimoine de la France et de l’Europe. Cet été sera la 8e édition de vos représentations ; comment est née cette « vocation » de représenter notre Histoire par la magie du spectacle ?
L’Histoire en France, ou devrais-je dire, l’enseignement de l’Histoire, est particulièrement polémiste pour ne pas dire idéologique. Cela a toujours été, les vainqueurs écrivent l’histoire après la bataille. Le problème n’est en réalité pas là. Nous avons voulu surtout avec la création d’Amaclio (de ama, aimer en Latin et Clio, la muse de l’histoire), la faire aimer. Il n’y a pas pire punition ou destin que l’indifférence. Et c’est bien le constat que nous pouvons faire, trop de Français n’apprennent plus leur histoire et s’en désintéressent.
L’idée était donc de trouver un moyen, non didactique, mais pédagogique tout de même, pour attirer les Français vers une approche « nouvelle » de leur histoire à travers les grands monuments nationaux qui sont autant de vigiles de pierres de la grande Histoire, ou de la grande geste française.
Nous avons commencé par la Nuit aux Invalides en 2012, au cœur de Paris, monument imposant et majestueux, condensé incroyable de l’histoire de France dont nous fêtons cette année les 350 ans. Par le son et l’image, nous essayons de toucher les sens. Il faut que cela soit spectaculaire. Par l’histoire racontée, nous tentons d’éveiller les cœurs et l’émotion, pour arriver par le récit à accéder aux intelligences de nos spectateurs. C’est un ordre à respecter pour être efficace. C’est ce qui fait la réussite d’un spectacle « total » ou « magique » diront certains.
Les thèmes sont variés, et pourtant il faut faire des choix, car l’Histoire est vaste et profonde. Comment sélectionnez-vous les passages historiques que vous représentez ?
En premier lieu de manière chronologique. Le thème, ou l’approche historique est choisi en fonction de l’histoire du lieu et de ce qu’il représente symboliquement. Au Palais des Papes, nous parlons des Papes et donc de l’histoire française de la chrétienté. Au Mont-Saint-Michel, nous évoquons le Mont et sa construction géologique, mais également de son édification matérielle et spirituelle et de son rayonnement à travers les siècles. Aux Invalides, l’histoire de France qui y est contée nous montre finalement qu’elle est guerrière et modelée par de nombreuses batailles. Gagnées ou perdues elles ont changé le cours de notre Histoire.
Chaque lieu renferme en lui une puissance évocatrice dans l’imaginaire collectif. Il s’agit de la faire sortir d’elle même pour la montrer sous ses meilleurs atours aux visiteurs français et étrangers. Le parti pris, car il y en a toujours un, au moins artistique, est de magnifier le lieu sans cacher la petite geste de l’histoire, mais sans non plus oublier au visiteur du soir les grandes heures de gloire du monument. L’histoire est un continuum. Pour être un brin provocateur, de Clovis à Macron, les évènements s’enchainent et s’expliquent par leurs causes. Même si les hasards de la petite histoire peuvent expliquer parfois la grande.
Valoriser le patrimoine est la pierre d’angle de votre œuvre grandissante. Comment les spectacles sont-ils conçus ? Y a-t-il un message spécifique à véhiculer dans chacun de vos spectacles ?
Le principe est que le lieu commande. Plus le lieu est difficile, plus le spectacle doit être abouti. André Gide disait : L’art nait de contrainte, vit de lutte, meurt de liberté. Bruno Seillier, notre créateur et « concepteur » des spectacles avec qui nous avons fondé Amaclio, aime s’attaquer aux sujets complexes tant historiquement que sur un plan architectural. Il n’y a pas une recette particulière qui s’adapterait de gré ou de force dans tous les lieux. Il faut bien sûr respecter les codes classiques de toute création artistique. L’imagination prime, le lieu impose. C’est une alchimie complexe et unique à chaque fois. Il faut malgré tout une forte unité intérieure de vie pour y arriver.
Enfin, il n’y a pas de message à proprement parler. Pour Bruno Seillier, c’est l’acte de création qui prime et le désir de transmettre à travers l’histoire et le spectacle qu’il créait, l’amour de notre pays. […]