Philippe de Villiers est interrogé par Jeanne Smits dans Monde & Vie. Extraits :
Dans votre livre vous ne parlez guère du Front national et pas du tout de Marine Le Pen. Vous dites à propos de la montée du Front national que « les régimes totalitaires ont toujours jeté les jeunes contre les vieux ». Croyez-vous que le Front national puisse aujourd’hui apporter des solutions ou que finalement il faut le mettre sur le même plan qu'un Tsipras, un Podemos en Espagne ou un Corbyn en Angleterre ?
Je pense que Marine Le Pen traduit aujourd'hui, et capte la souffrance identitaire des Français, tout simplement parce que les Français crient dans l'urne leur colère et leur détresse. Elle capte un vote et une humeur de désarroi. Les Français se servent d'elle comme du plombier polonais pour purger les tuyaux du système. Quand on regarde de plus près ce qu'est le Front national aujourd'hui, on s'aperçoit qu'il y a un combat qui est juste, contre le libéralisme économique, et un combat qui manque, contre le libéralisme sociétal. En fait, cette souffrance identitaire n'est prise en compte que de manière partielle et à partir d'une « marque » qui d'ailleurs n'est peut-être pas tout à fait la même. […]
Vous écrivez, c’est le titre de votre livre, Le moment est venu : le moment d’une résistance, dit votre dernière phrase. Pour vous, est-ce une fin ou un début, et si c’est un début, lequel ?
« Le moment est venu » car aujourd’hui, ma parole est libre. Je ne cherche pas un picotin de popularité. Je pense que je serai mieux entendu, parce que ce qui était inaudible est aujourd'hui devenu assourdissant. Quand je disais:« Attention, n'abattez pas les États, les nations, les frontières, ne livrez pas la France au mondialisme... », on disait de moi : « Il est excessif. » Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'avec d'autres, nous avions raison. Mais c'est un grand tort d’avoir raison trop tôt…
J'ai fait de la politique parce que j'avais la passion de la France. J'ai arrêté la politique au sens politicien du terme ; j'ai gardé la passion de la France. Il y a plusieurs manières d'exprimer des urgences qu'on a sous les yeux. Je pense aujourd'hui que la parole métapolitique, on le voit tous les jours, est plus écoutée parce que plus authentique, parce qu'elle va à la source des problèmes – que la parole politique électorale; qui est complètement discréditée. Aller chercher un picotin de popularité, non. J'ai passé l'âge, et je serais incapable de me rompre à cet exercice · de mensonge et de show-business.
En revanche, ma passion de la France demeure intacte, et je me réserve bien évidemment, puisque j'ai déjà commencé, le droit de parler et de reparler, d'écrire et de publier, et de crier. Pas pour moi, pas pour me soulager, mais pour contribuer avec d'autres à créer, à faire émerger des générations de dissidents. […]"