La pression monte sur les sites pornographiques. À partir du 11 janvier, ces services seront contraints de contrôler l’âge de leurs utilisateurs en leur proposant plusieurs solutions éditées par des prestataires externes, de l’envoi d’un selfie vidéo pour qu’une IA estime l’âge du visiteur à celui d’une pièce d’identité. Au moins une de ces solutions devra assurer un « double anonymat », c’est-à-dire que le vérificateur d’âge ne saura pas quel site demande cette information, et le site porno ne connaîtra pas l’identité de son visiteur. Mais la plupart des acteurs concernés sont vent debout contre ces nouvelles règles, car ils craignent une baisse de leurs audiences.
Stéphane Blocquaux, docteur en Science de l’information et de la communication, chercheur au LIRFE à l’UCO (Angers) et membre associé au LAMPA (Arts et Métiers ParisTech), ayant mené diverses formations ou expertises auprès du ministère de la Santé, du Sénat, de la Fondation pour l’Enfance ou encore de la Protection judiciaire de la jeunesse, et Renaud Hétier, professeur en sciences de l’éducation à l’UCO (Angers), viennent de publier un ouvrage afin de mettre en garde les parents contre Le cybersexe, ce virus qui tue l’enfance. Parents, comment faire face à la pandémie pornographique ?
Ils recommandent notamment l’interdiction des smartphones avant le lycée, car il y a urgence à ouvrir les yeux des parents et des pouvoirs publics, pour qu’ils prennent la mesure du phénomène de la cybersexualité et de ses effets délétères sur les plus jeunes. Les auteurs de cet ouvrage vous proposent un regard croisé entre leurs deux domaines scientifiques, la communication et l’éducation. Il s’agit, d’une part, de comprendre les nouveaux codes et références d’une industrie de la pornographie spectaculaire et lucrative qui envahit la toile pour s’offrir aux yeux des enfants. Et, d’autre part, de s’interroger sur la place de l’amour, du désir, de la sensibilité ou simplement du toucher dans un monde virtuel intoxique par la banalisation de la culture porno dès le plus jeune âge. Cet ouvrage propose des pistes de réflexion, des choix et des repères éducatifs concrets pour agir et protéger les jeunes générations des formes les plus violentes du virus de la cybersexualité.
Les auteurs rappellent que l’Etat a sa part de responsabilité. C’est encore sous Giscard que la pornographie a été libéralisée :
Mais le 30 décembre 1975, l’Assemblée nationale autorise la projection libre et intégrale de films à caractère pornographique en France. Ainsi, dans les années 1970, on ne dénombrait pas moins de 44 salles de cinéma porno à Paris.
Ou encore :
Personnellement auditionné par la Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) en mai 2019 à Paris sur la question des effets potentiels des écrans chez les mineurs, je me souviens encore de cette étonnante question posée par un des experts réunis pour ce groupe de travail :
“Soit, nous entendons bien vos hypothèses M. Blocquaux, mais pouvez-vous nous fournir la preuve scientifique, et nous assurer, que les images pornographiques vues par des enfants de 5 ans auront des effets réels sur leur vie sexuelle future ? Comment pouvez-vous en être si sûr, alors que vous n’avez pas pu mener d’expérience en ce sens ?”
Et d’ajouter :
“Vous comprenez, nous sommes mandatés pour légigérer et on ne peut pas légiférer à la légère, sans preuves scientifiques solides.”
Ma réponse fut des plu courtes : “C’est là toute la subtilité de la différence entre la science… et le bon sens commun, non ?” Sérieusement, faudrait-il faire boire des “shooters” de whisky à des enfants de 5 ans pour prouver les effets négatifs de l’alcool dès la maternelle ?
Parmi les mesures proposées, les auteurs soulignent l’importance d’interdire les smartphones aux enfants de moins de 15 ans. Et à ceux qui pensent qu’il est trop tard pour revenir sur ce sujet, les auteurs rappellent l’exemple des trottinettes électriques, initialement autorisées aux mineurs à partir de huit ans, puis de 12 ans (2019). Puis, face au constat de nombreux accidents portés sur cette tranche d’âge, un décret publié au Journal officiel le 1er septembre 2023 a relevé à 14 ans l’âge minimum nécessaire pour la conduire.