Billet à l'acide de Gabrielle Cluzel sur le rapport concernant la famille (ou ce qu'il en reste) :
"Le ministère de la Famille est parti, les ennuis sont restés. Quand un collaborateur remercié quitte son bureau, on retrouve parfois – c’est désagréable – un reste de sandwich moisi au fond d’un tiroir. Là, en passant l’aspirateur, on est tombé sur un rapport. Un rapport intitulé « Filiation, origines, parentalité », commandé par Dominique Bertinotti en octobre 2013 pour préparer le projet de loi famille, et qui est prêt, dit-on, depuis janvier dernier.
Mais, explique Le Monde, « la remise officielle à la ministre, plusieurs fois programmée, n’a jamais eu lieu ». Trop risqué à la veille des municipales : le texte de plus de 300 pages propose notamment la légalisation de la PMA pour les lesbiennes et la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger ; bref, comme le dit Le Monde, peu suspect de dramatisation outrancière réactionnaire : « Une véritable révolution du droit de la famille. »
Les municipales étant passées, l’Élysée a décidé que le rapport pouvait être rendu public : l’idée générale en est de traduire dans le droit français « la grande métamorphose de la filiation » et les diverses manières de « faire famille » (procréation, adoption, engendrement avec tiers donneur).
Ç’aurait été triste, hein, de jeter ce rapport à la poubelle comme un bout de panini oublié ? Car, ma foi, c’est un beau rapport. Un rapport soigné. Tout y est, mes amis, tout y est. Tout ce qui permet d’habiller proprement un tract idéologique pour lui donner l’allure élégante d’une étude distanciée.
Il y a tout d’abord l’expert qui a présidé le groupe de travail, la sociologue Irène Théry. Indispensable, le sage, dont les doctes propos sont évidemment neutres. Elle ne pense rien, bien sûr, elle constate. Elle sort des statistiques de son chapeau de Garcimore qui sont autant de preuves irréfutables. Vous autres, qui émettez des doutes, n’avez qu’à vous taire : Z’êtes pas experts, que je sache ? Irène Théry, elle, l’est. Il n’y a qu’à lire ce qu’elle prédisait dans Télérama en décembre 2011 : « L’opinion, en avance sur les politiques, est majoritairement favorable au mariage de personnes de même sexe et à l’adoption. » Un million de personnes dans la rue et une reconnaissance manifeste dans les urnes ces derniers jours… Mais Garcimore n’est pas non plus Madame Irma.
Viennent ensuite les éléments de langage. « Faire famille »… Cela veut dire quoi, au juste ? Qu’on ne « fonde » plus une famille. Car les fondations, enracinées par nature, sont suspectes. Il faut dire que la marotte d’Irène Théry, c’est l’enrichissement de la langue française. Avec des préfixes. Elle est, dit-on, l’auteur de l’expression « famille recomposée » et a eu un prix pour son livre Le Démariage.
Ce qu’on lit dans ce rapport enfin publié, « Madame Préfixe » le martelait d’ailleurs déjà dès 2011 : « Le problème, c’est ce fameux modèle : un seul père, une seule mère. » C’est un problème. Mettons-nous y donc à 25, et tout devrait être plus simple.
Et ce qu’on n’y lit pas, ou ce qu’on n’y lit qu’en filigrane, elle l’a déjà ouvertement dit aussi : « Les frontières de la famille doivent être ouvertes aux amis, aux étrangers, aux autres cultures, ce qui se joue déjà avec les mariages mixtes, les adoptions internationales, la gestation pour autrui, etc. Tout circule, aujourd’hui. » Et elle rajoute : « En France, la droite stigmatise les immigrés, oppose l’étranger à soi, sa famille à celle des autres, au risque des pires dérives. » De quoi faire méditer ceux qui, en myopes, ne veulent voir qu’un seul danger, la « défamille » pour les uns, la « déFrance » pour les autres, comme si elles ne participaient pas de la même déliquescence. Oui, mariage pour tous, mondialisme et Grand Remplacement marchent main dans la main. Quand leurs opposants, eux, restent en ordre dispersé."