Nous remercions l’association Una Voce de nous autoriser à publier des extraits des excellents commentaires des cinq pièces grégoriennes du dimanche ou de la fête à venir.
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Les dimanches 8 décembre ne sont pas courants. Le dernier était en 2019, et auparavant en 1996, en 2002 et 2013. Ce 8 décembre 2024, dans le rit traditionnel romain, prévaut la fête de l’Immaculée Conception. On fait mémoire du deuxième dimanche de l’Avent, et on lit son Évangile comme dernier Évangile. Dans l’Office on fait mémoire du dimanche aux deux vêpres, aux laudes et on prend la neuvième leçon du dimanche aux matines de la fête. La messe du dimanche (qui est un dimanche majeur, mais de deuxième classe) est reportée au lundi 9, avec mémoire de l’octave et la troisième oraison du Saint-Esprit. Tout cela est expliqué dans le Code des Rubriques de 1960 (qui régit les livres liturgiques de 1962) : On y lit : Un dimanche de Ire classe, en cas d’occurrence, l’emporte sur n’importe quelle fête. Cependant la fête de l’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie l’emporte sur le dimanche occurrent de l’Avent.
Précisons que le mot conception ne fait nullement allusion, comme nous l’avons déjà entendu par erreur, à la façon dont Notre Dame devint la mère de Jésus. L’Immaculée Conception désigne l’état de sainteté dans lequel fut conçue notre Mère du Ciel parce que son âme n’eut jamais la souillure du péché originel. C’est un sublime privilège que ce jour de joie célèbre, ce jour de fête élevé par l’Église à une fête de 1e classe qui l’emporte sur le dimanche et qui permet au prêtre de quitter les ornements violets de l’Avent pour la couleur blanche. Dom Pius Parsch écrivait dans son « guide dans l’année liturgique » de 1935 :
« Dans son origine et son principe, cette grande fête de l’Église n’avait aucune relation avec l’Avent. Elle fut fixée au 8 décembre pour tenir compte des 9 mois qui la séparent de la Nativité de la Sainte Vierge (Le 8 septembre). Cependant, il est facile de faire rentrer cette fête dans les pensées de l’Avent. En ce temps où nous attendons le Sauveur, cette fête est comme l’aurore du soleil de Noël qui se lève. C’est pour nous une vraie fête de l’Avent ».
C’est le 8 décembre 1854 que le Bienheureux Pape Pie IX proclamait officiellement ce dogme de l’Immaculée Conception. En ces temps difficiles que nous vivons, il est consolant à nos cœurs de chrétiens et de Français que par deux fois sur notre terre de France, la Sainte Vierge ait voulu révéler elle-même son Immaculée Conception.
– le 27 novembre 1830 à sainte Catherine Labouré
– le 25 mars 1858 à sainte Bernadette à Lourdes, 4 ans après la définition du dogme qui, faut-il le préciser, ne fut pas une doctrine nouvelle. Elle était implicitement contenue dans la croyance des chrétiens de tous temps à la maternité divine et à la parfaite pureté de Marie.
► Introït : Gaúdens gaudébo.
Le propre grégorien de la fête de l’Immaculée Conception a été composé après la proclamation du dogme en 1854. C’est Dom Joseph Pothier qui le composa. Entré à l’Abbaye de Solesmes en 1860, il mourut en Belgique en 1923, – clin d’œil de la Providence ! – le 8 décembre à 88 ans. C’est de nouveau le prophète Isaïe que nous trouvons souvent en ce temps de l’Avent, qui inspire le texte de l’introït Gaúdens gaudébo. En voici la traduction :
Je me réjouirai d’une grande joie dans le Seigneur et mon âme exultera en mon Dieu car il m’a revêtu des vêtements du salut et il m’a entouré du manteau de la justice, comme une épouse parée de ses bijoux.
Il est intéressant de noter que, comme le rapporte saint Luc, Notre Seigneur lut ce passage du prophète à la synagogue et il conclut : « Aujourd’hui vos oreilles ont entendu l’accomplissement de cet oracle ». L’on songe aussi bien sûr à la joie qu’exprima la très Sainte Vierge, presque dans les mêmes termes, en son Magnificat.
La mélodie de cet introït est en grande partie calquée sur celle de l’introït du Ve dimanche après Pâques, Vocem jucunditátis. Y sont exprimés le même enthousiasme, la même joie intérieure, le même souffle ardent.
Le calque est très réussi, comme l’écrit Dom Baron.
Cet introït est accompagné par le premier verset du psaume 29, cantique d’action de grâces au Seigneur pour le remercier d’un grand bienfait :
Exaltábo te, Dómine, quóniam suscepísti me
Je vous glorifierai Seigneur car vous m’avez relevéNec delectásti inimícos meos super me.
Et vous n’avez pas laissé mes ennemis se réjouir à mes dépens.
► Graduel : Benedícta es tu
Le texte du graduel de la fête de l’Immaculée Conception nous vient du livre de Judith. L’Église y applique à la Vierge Marie les louanges et les acclamations que le peuple d’Israël avait adressées à cette femme courageuse et inspirée qui l’avait délivré de son cruel ennemi.
Benedícta es tu, Vírgo María, a Dómino Deo excélso, præ ómnibus muliéribus super terram.
Vous êtes bénie Vierge Marie par le Seigneur Dieu Très-Haut avant toutes les femmes qui sont sur la terre.Tu glória Jerúsalem,
Vous êtes la gloire de Jérusalem,Tu lætítia Ísrael,
Vous êtes la joie d’Israël,Tu honorificéntia pópuli nostri.
Vous êtes l’honneur de notre peuple.
Sainte Élisabeth, au jour de la Visitation, fut la première à reprendre pour la Sainte Vierge cette parole que nous lui répétons chaque jour dans l’Ave María : vous êtes bénie entre toutes les femmes. Bien entendu Jérusalem, Israël, ou « notre peuple » c’est toujours l’Église.
La mélodie est calquée note pour note sur celle du graduel Constítues eos de la fête des saints Pierre et Paul. Son caractère joyeux, bien affirmé et en même temps très gracieux, convient tout à fait à ce texte.
► Alléluia : Tota púlchra es, María
Après le prophète Isaïe et le livre de Judith, c’est un troisième livre de l’Ancien Testament que l’Église utilise dans le texte de l’alléluia de la fête de l’Immaculée Conception : le Cantique des cantiques, poème d’amour qui symbolise l’union mystique de l’âme avec son Dieu.
C’était un compliment de l’époux à l’épouse.
Tu es toute belle mon amie et il n’y a pas de défaut en toi.
Il suffit de remplacer « mon amie » par « Marie » et rajouter « originelle » à mácula ≈ tache, défaut pour obtenir le texte suivant :
Tota púlchra es, María
Vous êtes toute belle, ô Marie,Et mácula originális non est in te.
Et il n’y a pas en vous de tache originelle.
La mélodie est celle d’un ancien alléluia qui avait disparu du répertoire et qui a été heureusement ressorti pour la circonstance, car elle est d’une beauté légère et gracieuse tout à fait digne de celle à qui elle s’adresse.
► Offertoire : Ave María
Poursuivons, après l’alléluia, l’écoute des chants de la fête de l’Immaculée Conception avec l’offertoire, dont le texte bien connu est l’Ave María, mais sans le Et benedíctus fructus ventris tui pour mieux valoriser la seule beauté sans tache de Notre Dame.
Et c’est bien sûr ce passage de saint Luc qui vient d’être lu à l’Évangile.
Dom Pothier a cette fois composé une mélodie originale. Il a mis en valeur les deux mots grátia plena : pleine de grâce et il l’écrit d’ailleurs dans la Revue du Chant Grégorien tome 16.
« Il était bon de faire valoir cet objet principal du mystère ».
► Communion : Gloriósa
L’antienne de communion de la fête de l’Immaculée Conception unit dans ses deux phrases l’Ancien et le Nouveau Testament.
Gloriósa dicta sunt de te, María
Des choses glorieuses ont été dites de vous Marie ;Quia fecit tibi magna qui potens est.
Car le Tout-Puissant a fait pour vous de grandes choses.
On a reconnu dans la deuxième phrase un verset du Magnificat ; on y retourne à la Sainte Vierge ce qu’elle disait d’elle-même en renvoyant toute la gloire à Dieu pour les merveilles accomplies en elle. Ce sont d’ailleurs 2 versets de ce Magnificat que les Bénédictines vont psalmodier avant de reprendre à chaque fois l’antienne.
Quant à la première phrase, elle utilise un verset du psaume 86 à la gloire de Jérusalem, la cité sainte, figure de l’Église, et nous retrouvons ici la même inspiration que dans l’introït Gaúdens gaudébo.
La mélodie a été reprise, à peu de chose près, à la communion Dico autem vobis de la messe de plusieurs martyrs. C’est une antienne toute simple, légère, très gracieuse.