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L'Eglise : L'Eglise en France

Fête des bienheureux martyrs de l’Ile Madame, martyrs de la Révolution

Le 12 juillet 1790, on décrète la Constitution Civile du Clergé soumettant au pouvoir civil l'organisation de l'Église. Un décret du 29 novembre 1791 déclare "suspects de révolte" les prêtres qui refusent de consentir à cette réforme et de prêter le serment constitutionnel. Les administrations départementales sont habilitées à les arrêter et les interner. Un nouveau décret, signé le 26 août 1792, ordonne aux prêtres réfractaires de quitter la France dans les quinze jours sous peine de déportation à la Guyane. En 1793, les décisions se multiplient : la motion Thuriot, votée le 14 février, accorde une prime de cent livres à qui dénoncera un prêtre. Un mois après, le 18 mars, c'est le premier décret de mort contre les insermentés. Tout au long de l'été, à la Convention, on discute des mesures à prendre. Finalement, le 25 janvier 1794, un arrêté est pris ordonnant que les prêtres réfractaires soient conduits de brigade en brigade jusqu'au port le plus proche : Bordeaux ou Rochefort. Ils y seront détenus jusqu'à ce que des bâtiments de commerce nécessaires à leur transfert aient été affrétés. 1494 prêtres furent dirigés sur Bordeaux, 829 sur Rochefort. De mars à juillet 1794 par petits groupes, des prêtres et des religieux de toute la France, et plus spécialement de l'Est, du Centre et de l'Ouest, arrivent à Rochefort. Mais rien n'est prêt pour les recevoir. On les enferme dans les prisons rochefortaises, à l'ancienne poudrière Saint-Maurice, sur le Bonhomme-Richard, vieux navire annexe de l'hôpital ou sur le Borée. Deux bâtiments de commerce aménagés pour le trafic d'esclaves, le Washington et les Deux-Associés, sont finalement armés pour le transport des déportés.

Les premiers prisonniers montent à bord le 11 avril. L'accueil qu'ils y reçoivent, ne leur laissent aucune illusion : on les interroge, on les fouille, on les dépouille de leurs vêtements, on leur confisque tout ce qu'ils possèdent ne leur laissant qu'une culotte, trois chemises, un bonnet, quelques bas et mouchoirs. Le jour, les déportés étaient parqués sur la moitié avant du pont. La nourriture servie était volontairement infecte, souvent avariée et en quantité insuffisante. La nuit était encore plus terrible à cause de l'entassement dans l'entrepont. Toute prière était naturellement interdite. Si, par malheur, un des gardiens aperçoit un mouvement de lèvres, le coupable est aussitôt dénoncé et mis aux fers. A la suite de diverses circonstances (mauvais temps, menaces anglaises), les bateaux restent en rade sur la Charente. La vie à bord est un véritable cauchemar. Les mauvaises conditions d'internement, le typhus qui sévit à Rochefort depuis le début de l'année, le scorbut, ne tardent pas à exercer des ravages. Mai voit les premiers décès. En juin la mortalité s'accroît. On prend certes quelques mesures en aménageant des hôpitaux flottants sur des chaloupes amarrées aux pontons. Mais les médecins militaires, inexpérimentés et redoutant la contagion, ne font que des semblants de visites et ne jettent qu'un coup d'œil distrait sur les malades. Quelques prêtres se font infirmiers, adoucissant les souffrances de leurs confrères et les assistent spirituellement. Malgré les fouilles répétées, des hosties ont pu être conservées. Quand il n'en restera plus, on donnera encore l'extrême onction grâce à une burette d'huile sainte qui échappera à toutes les recherches. En juillet 100 prêtres succombent. Au début on jetait les corps à la mer, mais la marée les ramenait au rivage provoquant des réclamations de la population. On cherche alors un lieu de sépulture ; l'île d'Aix est retenue. Les inhumations sont une corvée supplémentaire imposée aux plus valides des déportés. Parmi ceux-ci beaucoup, ne survivront pas à la tâche.

En août 1794, la mortalité ayant pris des proportions effrayantes, les capitaines reçoivent l'ordre de descendre les malades à terre. Un hôpital de campagne est installé à l'île Madame dont le nom vient d'être changé en île Citoyenne. Le débarquement s'effectue du 18 au 20 août dans des conditions on ne peut plus douloureuses. Un rapport constate que sur 83 malades débarqués, 36 sont morts quelques heures après, " ce que l'on doit attribuer au manque de précautions prises au moment de l'opération ". Comparativement à l'enfer des pontons, l'île semblera aux prisonniers un véritable paradis: " je crus renaître, écrira l'un des rescapés, lorsque approchant du rivage, j'aperçus la verdure, une haie, quelques arbres… un papillon se montra… je découvris plusieurs oiseaux… je fus au comble de la joie ". Ce répit fut de courte durée. Dès le début octobre, des rafales de vent emportent les tentes. Le 30, on ferme l'hôpital et les prêtres sont à nouveau enfermés dans les pontons. Novembre et décembre furent rigoureux, la Charente prise dans les glaces. Peu à peu cependant, le sort des prisonniers s'adoucit. Pressentant des changements politiques, les officiers cherchent à faire oublier leurs sévices et se montrent plus compatissants. Mais la nourriture reste précaire et la réclusion pénible. A la longue on finit par s'émouvoir en haut lieu de cette détention prolongée, et l'abbé Grégoire intervient pour mettre un terme à cette persécution.

Maintes fois annoncé et reporté, le débarquement des déportés s'effectue fin janvier 1795. En deux journées de marche ils sont conduits de Tonnay-Charente à Saintes où ils sont reçus à bras ouverts par la population en attendant leur libération définitive. Sur les 829 prêtres arrivés à Rochefort en mars-avril 1794, seuls 228, à peine le quart, ont survécus, 36 enterrés à Rochefort, 254 à l'île Madame, les autres dans les vases de l'île d'Aix et des forts qui gardent la Charente. Parmi eux Jean-Baptiste Souzy (1734-1794), prêtre du diocèse de La Rochelle à qui l'évêque du lieu avait donné les pouvoirs de vicaire général pour la déportation, mort le 27 août, et 63 de ses compagnons, ont laissé un témoignage émouvant de fidélité au Christ et au Siège apostolique, et de pardon à leurs bourreaux pour la paix de l'Église et de la société. Ils ont été béatifiés en 1995 par le pape Jean-Paul II.

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