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L'Eglise : Le Vatican

Fiducia Supplicans : Le salut des âmes intéresse-t-il encore quelqu’un ? 

Fiducia Supplicans : Le salut des âmes intéresse-t-il encore quelqu’un ? 

Gaëtan Poisson, auteur d’un ouvrage sur L’homosexualité au risque de la foi – Le témoignage d’un gay qui défend l’Église, ayant fait le choix de la chasteté dans la continence, a témoigné de la libération d’un homme d’une hypersexualisation imposée par les LGBT. Il réagit à son tour sur la déclaration Fiducia Supplicans. Extrait :

[…] Au vu des évolutions sociétales fulgurantes et de la situation de plus en plus douloureuse dans laquelle vivent la plupart des ménages modernes, une nouvelle question pourrait se poser : les prêtres doivent-ils toujours, forcément, bénir les unions et les couples, quelle que soit leur situation de vie (concubinage, couple libre mais plus ou moins addict, couple hétéro immature, couple homosexuel actif, couple homosensible, etc ?) J’entends déjà les cris d’orfraie… Mais les amis, n’est-il pas primordial, chez tout prêtre enrôlé, de faire entrer en ligne de compte la matérialité du projet visé par tous ces couples en question ? Quelle valeur pourrait avoir une bénédiction qui serait obligeamment automatique ? On nous objectera que Fiducia Supplicans demande aux prêtres un discernement adapté à chaque cas. On sait ce qu’il en sera dans les faits.

Le nouvel arc-en-ciel des mille et une situations maritales, de concubinages, et d’associations plus ou moins sentimentales requiert-il du prêtre un service de caisse-enregistreuse ? Ma pauvre conscience me fait penser que non. Certes, l’Eglise ne saurait, sans renier son saint ministère, écarter de ses dons et de sa protection le moindre frère humain, quel qu’il soit. En revanche il est curieux d’exiger, avec une impatience de client, la livraison d’un service qui coïnciderait forcément à l’état des lieux de notre couple…

« Bénissez-nous, mon père, car c’est la loi ». Belle réplique pour un film d’Audiard ! La requête morale est désormais bien ancrée du côté des tourtereaux de tous plumages, et non plus du prêtre, qui se trouve désormais écrasé entre deux instances supérieures : l’exigence commune, dernière version en date de la Common decency… et la vigilance de l’Eglise institutionnelle, missionnée précisément pour réguler ce qui doit l’être en matière de sentiments religieux.

On pouvait le craindre, et naturellement, c’est arrivé très vite : à peine la note du Vatican émise, des associations militantes sont montées au créneau pour manifester sur un ton mi-figue mi-raisin leur aigreur : certes, cette annonce constituerait une certaine avancée, mais la doctrine vis-à-vis des homosexuels en reste au point mort :

« Si ce changement est bienvenu, cela ne rassurera pas les catholiques qui se voient sans cesse rappelés à leur état de péché » (Tribune collective, Le Monde, 28 décembre 2023)

Quel que soit l’angle qu’on prenne en compte, il semble que Fiducia Supplicans pose question : le secours réel qu’elle apporte en faveur de la considération de la personne homosexuelle est immédiatement sectionné par les revers polémiques induits : la décision sent l’agenda, l’os à ronger, le jésuitisme, l’arbitrage maladroit. Si la bénédiction est indiscutablement offerte à quiconque, qu’il soit hétéro ou homosensible, l’ouverture d’une possibilité de bénédiction adressée à des couples non « réglementaires », précisément pour les sortir de leurs insuffisances morales, relèverait d’une extrême contradiction : on pourrait presque y voir, au bout de la philosophie du texte, une bénédiction visant à délier charnellement le couple qui la requiert. Une ségrégation réelle contre les personnes homosexuelles pourra dès lors être pointée, alors même que le Vatican souhaitait, avec cette déclaration, prouver le contraire aux yeux du monde.

Déjà, nombre de catholiques s’interrogent : par quel miracle la doctrine catholique vient-elle de changer ? Quelles que soient les assurances de continuité doctrinale martelées par le nouveau préfet pour la Doctrine de la Foi, il n’empêche que tous ses prédécesseurs avaient refusé la possibilité de bénédiction pour des couples jugés irréguliers. Or, c’est précisément quelques mois suite à sa nomination le 1er juillet 2023, que Mgr Víctor Manuel Fernández émet ce document. En d’autres termes, ce que le cardinal Luis Francisco Ladaria Ferrer n’a jamais pu faire, le nouveau préfet, l’évêque Víctor Manuel Fernández pourrait soudain l’accomplir : d’où cet étrange parfum de miracle, qui coïncide providentiellement à l’agenda politique de François. D’où, enfin, cette question dérangeante : n’y aurait-il pas là un certain arrangement idéologique au détriment du bien des âmes ? Laissons ce point en suspens, puisque nous serions bien en peine de l’éclairer. Simplement, remarquons qu’il serait grand temps pour l’Eglise de se rendre plus indépendante face aux pressions réactionnaires ou progressistes qui s’accumulent contre elle et en elle. Qu’on se le dise, la politique du « en même temps » ne sera jamais une théophanie. En revanche, l’Évangile nous éclairera toujours :

« Que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce qu’on y ajoute vient du malin. » (Mat. 5,37)

Gardons à l’esprit ce sévère avertissement, sans pour autant sombrer dans le vertige paranoïaque. Ce que nos Écritures nous rappellent, c’est qu’on ne joue pas avec les âmes, quel qu’en soit le motif ou la bonne intention. L’Eglise n’a pas tous les pouvoirs sur cette terre, elle devrait se garder de toute tentation d’hubris : toute personne, qu’elle soit hétéro ou homosensible est le reflet de l’image de Dieu, sainte à ce titre. C’est à ce titre qu’elle peut bénir chacun individuellement, ou les couples selon la tradition multiséculaire de la Bible.

Ne soyons pas dupes : ce texte permettra à de nombreux prélats et prêtres d’accomplir plus aisément les petites libertés qu’ils prennent déjà avec la règle. Nous l’avons vu avec l’ouverture prophétique de Vatican II, dont la réception par les clergés nationaux fut grevée d’excès interprétatifs très dommageables. Toutes proportions gardées, il se produira la même chose avec Fiducia Supplicans.

J’en terminerai par une petite anecdote personnelle : un jour, lors d’une conférence, un monsieur m’a demandé s’il existait un lobby LGBT au Vatican. J’avoue avoir été pris de cours, et je me souviens avoir répondu que je n’en savais rien, bien qu’effectivement le Pape Benoît XVI avait lui-même évoqué l’existence de ce lobby. Aujourd’hui, en reconsidérant cette énigme, je dois bien reconnaître que je ne suis plus aussi sûr de mon incertitude : il existe manifestement des groupes de pression LGBT non seulement hors, mais aussi à l’intérieur du Vatican. L’ennui étant que l’agenda de ces personnes privilégie des impératifs sociétaux au détriment du primat spirituel. Or, c’est bien à ce primat que l’Eglise est chargée de se référer toujours, sans pour autant fermer son poing devant l’infinie diversité de ses enfants.

Le salut des âmes intéresse-t-il encore quelqu’un ?

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