Sermon de l’abbé Le Coq, FSSP, pour le 21 janvier 2023 :
« Le Roi est mort! »
Si certains se sentent comme obligés de faire du 14 juillet, anniversaire de la risible prise de la Bastille, une joyeuse fête nationale, avec feu d’artifice et cotillons, nous nous sentons, quant à nous, un devoir grave de commémorer plutôt le jour de la mort tragique du Roi Louis XVI, 21 janvier 1793.
Devoir impérieux, en effet, pour tous les français et pour tous les chrétiens de faire mémoire de ce qui s’est passé, en France, ce jour-là.
Ce jour-là un sang a coulé.
Ce n’était certes pas le premier sang à avoir été répandu sur la terre ancestrale. Mais le sang qui avait coulé jusque-là, dans l’Histoire, était celui que nos ancêtres avaient été prêts à sacrifier volontairement pour le bien de la Patrie.
Depuis toujours on savait « mourir pour la France » : on savait donner sa vie sur les champs de bataille au nom du Bien commun. Et la longue épopée de notre peuple le prouvait de générations en générations.
Quoi qu’il en soit, et quoi qu’il en coute, on sortait des tranchées, on montait à l’assaut, on mettait sa vie en péril pour faire barrage à l’ennemi et protéger ceux qui étaient à l’arrière. Protéger ceux qui ne pouvaient se battre : vieille tradition chevaleresque millénaire de « défendre la veuve et l’orphelin », et de mettre sa vie au service d’une cause plus grande que soi.
Le sang versé était donc, depuis toujours, un lourd tribut accepté par nos pères, un prix consenti pour préserver notre pays : pour le garder libre à l’intérieur et grand à l’extérieur. La mort, pour les familles, était certes toujours un drame mais un drame honorable : une marque de courage et de force. C’était aussi le signe de la vitalité de notre race que de savoir défendre nos frontières et de mourir pour nos frères.
L’impôt du Sang était un prix très lourd mais un prix acceptable : car le Bien du Pays, sa liberté et son rayonnement valaient tous les efforts et tous les sacrifices.
Mais on parlait alors, bien-sur, du sacrifice de « SOI ». Car si on évoquait la nécessité « possible » de devoir parfois mourir pour sauver son prochain, on avait en même temps l’honnêteté (et l’élégance) d’être prêt à sacrifier SA propre vie et ne pas demander aux autres de le faire à notre place. On était prêt à donner SA vie non pas celle du voisin. Tel était le réflexe chrétien.
Le Sang avait donc, en France, toujours su être capable de couler pourvu que le motif fut à la hauteur. Et toujours, en conséquence, en France, à l’appel du Tocsin, des français avaient répondu présent pour sortir du rang et être volontaire pour partir et accomplir leur devoir…
Mais le sang qui coula le 21 janvier était bien différent.
Il était certes lui aussi un sang français ( et même le sang le plus français qui soit) mais ce ne fut pas ce jour-là un sang « donné »… ce fut un sang « volé ». Conséquence d’un crime, d’un meurtre, d’un outrage : le sang jeté par terre, ce jour-là, avait pour origine un sacrilège.
Celui dont le sang était ainsi profané et gâché était le Roi de France. Prince de tout un Pays et père de tout un peuple. Désigné « par la grâce de Dieu » pour gouverner « le plus beau des royaumes après celui du Ciel ».
Et c’était bien cela qui était recherché par l’exécution capitale qui eut lieu ce jour-là. Atteindre le principe et, s’il était possible : s’en prendre à Celui par qui le Roi tenait son pouvoir et sa couronne. En tuant le Roi ce jour-là on voulut tuer Dieu. Vieille tentation qu’on trouve déjà dans le Livre de la Genèse : l’homme se laissant détourner de l’Ordre créé pour aller contre tout ce qui lui avait été confié. Contre l’Ordre divin, le démon tenta les humains de se rebeller et de préférer le chaos. Et le malheur arriva. et le monde s’effondra.
Malheur ! Oui! Malheur qui se propagea.
Folie humaine que de renier l’Ordre, le Bien, le Vrai, le Beau pour préférer le désordre, le Mal, le Mensonge et la laideur…
« Liberté, que de crimes on commet en ton nom… »
En face de l’injustice qui était perpétrée non seulement ce jour-là (21 janvier- place de la Concorde-) mais aussi pendant toutes les funestes années de la république naissante (injustice qui atteignait en même temps le Roi et qui frappait aussi ses sujets restés fidèles) Louis-Auguste de France montra, en ses derniers moments de vie, l’exemple que le Christ avait appris à ceux qui ont la Foi et qui croient à la vie éternelle…
Au nom même de son sang qui allait être injustement piétiné par des poissardes et par ceux, avinés, qui portaient la carmagnole et qui venaient s’amuser de sa mort comme on va au spectacle : le Roi parla une dernière fois… et IL PARDONNA!… PLUS ENCORE : le Roi pria Dieu que ce sang ne retombe pas sur la France comme une cause de vengeance mais comme une source de Rédemption.
On voulu lui VOLER son sang? Il accepta de le DONNER. Mieux : il l’OFFRIT en sacrifice à Dieu pour le bien des français. Ce sang qu’on lui arrachait PAR HAINE, le ROI en fit un sang DONNÉ QUAND-MÊME. Un sang donné… PAR AMOUR. Et, en cela, il rejoignait l’épopée ancestrale de tous les autres sang versés du passé.
Louis XVI mourut en grand monarque et en vrai catholique (lui dont le titre était justement celui de « Roi très chrétien »: Il mourut pour ses frères.
En ce jour anniversaire nous voulons faire mémoire de l’héroïsme de tous ceux qui sont morts (et dont les cris d’épouvante de beaucoup s’entendirent jusqu’à notre église de Saint Clément puisqu’à Nantes on tua, on massacra et on noya tellement que les Nantais, dit-on, se plaignaient de ne plus pouvoir dormir à cause du hurlement des agonisants…). Nous venons honorer tous ceux dont le sang fut injustement versé. Nous venons honorer le sang de tous ces Français dont nous sommes les descendants fiers et reconnaissants. Et nous venons spécialement honorer le sang de Louis XVI qui les résume tous.
« Fils de Saint Louis, MONTEZ AU CIEL !» avait dit le confesseur du Roi au moment où le monarque montait les escaliers de l’échafaud en même temps qu’il gravissait les marches de l’autel de son sacrifice.
Aujourd’hui nous lui disons : « Fils de Saint Louis, MONTREZ-NOUS LE CIEL!» et obtenez-nous la force d’âme qu’il nous faudra, quelles que soient les circonstances futures, pour être toujours dignes de vous et de nos ancêtres : prêts à répondre présent pour sortir du rang et être volontaire pour partir et accomplir notre devoir.
AMEN