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"Pour certains, il avait restauré la démocratie dans son pays, pour d’autres il avait liquidé sans scrupules l’héritage de Franco. Epuisé par des opérations successives, Juan Carlos de Borbon, 76 ans, a renoncé au trône le 2 juin par la voix de son premier ministre conservateur Mariano Rajoy, et ce au profit de son fils Felipe, jusqu’ici prince des Asturies. Son objectif: sauver la dynastie. C’est vers son cousin, héritier des traditions carlistes et légitimistes espagnoles, le prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme que nous nous sommes tournés immédiatement. La réponse fut brève et cinglante: « L’abdication d’un usurpateur qui a renié sa parole donnée sur l’Evangile lors de sa prestation de serment ne m’a jamais ému ni soucié. »
Ce serment, Juan-Carlos l’avait prêté le 21 novembre 1975 devant les Cortes (le Parlement espagnol), le lendemain de la mort du Caudillo et la veille de son couronnement. Il jurait ainsi de respecter les lois fondamentales du 26 juillet 1947, celles d’un Etat autoritaire, nationaliste et catholique dont Franco était le régent et par lesquelles ce dernier avait le libre choix de son successeur, écartant le régent de la Communion carliste traditionaliste, le prince Xavier de Bourbon-Parme, héritier politique des droits de la branche aînée des Bourbons, et l’aîné des héritiers d’Alphonse XIII, Alfonso de Borbon (1936-1989), père de l’actuel prince Luis-Alfonso, chef de la maison de Bourbon. Mais loin de se satisfaire d’un pouvoir absolu – c’est-à-dire indépendant mais non pas sans limites –, dès novembre 1976, Juan-Carlos entame des réformes libérales qui conduiront à des élections parlementaires démocratiques en 1977 et à une Constitution en 1978. Cette évolution du régime espagnol vers la démocratie représentative est dès lors considérée comme une trahison par une bonne partie de l’armée. Le 23 février 1981, le colonel Terejo, bras armé des conservateurs, tente crânement un coup d’Etat aux Cortes. Enfermé avec son fils de 13 ans dans son palais de la Zarzuela, Juan Carlos, s’adressant en direct à la population, hâte l’échec de ce pronunciamiento. Cette fermeté, bien réelle cette nuit-là, lui vaudra le ralliement définitif des forces de gauche dont le Parti communiste, et l’admiration de nombreux monarchistes progressistes. […]
La famille royale a été mêlée à bien des scandales financiers et de corruption du fait d’un des gendres du souverain, le handballeur basque Inaki Urdangarin, époux de l’Infante Cristina. Son goût immodéré pour les femmes ou sa pratique de la chasse à l’éléphant ont choqué une population espagnole en proie à une grave crise économique et à une immigration incontrôlée en provenance du Maghreb et de ses anciennes colonies d’Amérique du Sud. Si l’ETA s’est tue au Pays basque, la riche Catalogne est au bord de la sécession. Il flottait donc ces dernières années, au pays de Cervantès et de Goya, comme une ambiance de fin de règne au sens propre du terme. […]