Voici l’ensemble des éléments de l’affaire. C’est un peu long mais nécessaire pour bien saisir les tenants et aboutissants de cette jurisprudence.
1. L’arrêt de la Cour de Cassation du 6 février est ici :
"Vu l’article 79-1, alinéa 2, du code civil ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que lorsqu’un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l’état civil et à défaut de production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable, l’officier de l’état civil établit un acte d’enfant sans vie qui énonce les jour, heure et lieu de l’accouchement ; que cet acte est inscrit à sa date sur les registres de décès ;
Attendu que le 14 mars 1999, Mme Y, épouse X est accouchée d’un foetus sans vie de sexe féminin, pesant 286 grammes, après vingt et une semaines d’aménorrhée ; que n’ayant pu effectuer aucune déclaration à l’état civil, les époux X ont, par requête du 3 avril 2003, saisi le tribunal de grande instance aux fins qu’il soit ordonné à l’officier d’état civil d’établir un acte d’enfant sans vie conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 79-1 du code civil, en précisant que l’enfant se prénommait Z et se nommait X ; que par jugement du 9 décembre 2003, les époux X ont été déboutés de leur demande ;
Attendu que pour confirmer cette décision, l’arrêt attaqué énonce qu’il s’évince de l’article 79-1 du code civil que pour qu’un acte d’enfant sans vie puisse être dressé, il faut reconnaître à l’être dont on doit ainsi déplorer la perte, un stade de développement suffisant pour pouvoir être reconnu comme un enfant, ce qui ne peut se décréter mais doit se constater à l’aune de l’espoir raisonnable de vie autonome présenté par le foetus avant son extinction, qu’en l’état actuel des données de la science, il y a lieu de retenir, comme l’a fait l’officier d’état civil, le seuil de viabilité défini par l’Organisation mondiale de la santé qui est de vingt-deux semaines d’aménorrhée ou d’un poids du foetus de 500 grammes et qu’en l’espèce ces seuils n’étaient pas atteints ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’article 79-1, alinéa 2, du code civil ne subordonne l’établissement d’un acte d’enfant sans vie ni au poids du foetus, ni à la durée de la grossesse, la cour d’appel, qui a ajouté au texte des conditions qu’il ne prévoit pas, l’a violé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt n° 257 RG 04/00200 rendu le 17 mai 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Nïmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes, autrement composée"
2. L’alinéa 79-1 du code civil invoqué est le suivant :
"A défaut du certificat médical prévu à l’alinéa précédent, l’officier de l’état civil établit un acte d’enfant sans vie. Cet acte est inscrit à sa date sur les registres de décès et il énonce les jour, heure et lieu de l’accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant. L’acte dressé ne préjuge pas de savoir si l’enfant a vécu ou non ; tout intéressé pourra saisir le tribunal de grande instance à l’effet de statuer sur la question."
3. En résumé :
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la mère a donné naissance à un enfant sans vie, pesant 283g à 21 semaines de grossesse
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les parents n’ayant pu l’inscrire à l’état civil, ils ont porté plainte au tribunal de grande instance, sur la base de l’article 79-1 du code civil
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le tribunal de grande instance les a débouté, prétextant que, selon l’OMS, le seuil de viabilité d’un enfant est de 500g et 22 semaines de grossesse
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La cour de cassation a cassé ce jugement, étant donné que l’article 79-1 n’est subordonné ni au poids ni à l’avancement de la grossesse.
4. Le code civil contredit ainsi le code pénal :
"la Cour de cassation souligne du même coup la flagrante contradiction qu’il y a entre cet arrêt et les arrêts qu’elle délivre, au pénal, lorsqu’elle rejette l’incrimination d’homicide involontaire dans le cas de décès in utero consécutifs à un accident de circulation ou un accident médical. Dans ces cas-là, la Cour de cassation explique en substance que la « mère » ne peut pas obtenir de réparation parce qu’il n’y a pas homicide, ce qu’elle portait dans son ventre n’étant pas un enfant […] Il faut rappeler que la majorité des juristes demande que la Cour de cassation modifie sa jurisprudence pénale. Mais elle reste ferme sur ce sujet. Tout en disant exactement le contraire au civil."
Il s’agit donc maintenant d’exiger la modification de la jurisprudence pénale. Ce n’est pas l’avis du médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, qui demande au Parlement de définir la notion de viabilité "à partir des critères de l’OMS". Il a souligné qu’il existait "un travail en cours" sur ce dossier au sein du gouvernement. Osera-t-il ajouter des conditions à l’article 79-1 ?