Rapide focus sur ce pays où se rendra le pape en août prochain :
"Au cours du demi-siècle qui vient de s’écouler, elle a enregistré une croissance record du nombre de chrétiens. Entre 1960 et 2011, le nombre d’habitants de ce pays est passé de 20 millions à 50 millions, le revenu par tête de 1 300 dollars à 23 500 dollars, le pourcentage de protestants de 2% à 17 %, le nombre de catholiques d’environ 100 000 (soit 0,5 % de la population) à 5 309 964 (soit 10,3 %), d’après les statistiques fournies par la conférence des évêques de Corée.
Chaque année, de 130 000 à 140 000 baptêmes sont célébrés en Corée. L’Église coréenne a un côté féminin et cela commence par son nom : le catholicisme est appelé “la religion de la Maman”, parce que, devant bon nombre d’églises, on peut voir une statue de Marie, les bras ouverts, en un geste qui invite les passants à entrer ; d’autre part, en 2011, les fidèles de sexe masculin étaient 2 193 464, ce qui représente 41,5 % du total, alors que les femmes étaient 3 095 332, c’est-à-dire 58,5 %.
C’est très majoritairement dans les villes que les conversions se produisent et elles concernent principalement les élites du pays, professions libérales, étudiants, artistes, le monde politique ou le personnel militaire, y compris de haut rang. Un homme qui a symbolisé l’Église catholique en Corée a été le cardinal Kim Sou-hwang (1922-2009), archevêque de Séoul de 1968 à 1998, qui fut le responsable d’un fort engagement de l’Église catholique dans le domaine social. Pendant la longue période de dictature militaire, il avait fait de la cathédrale Myeong-dong, à Séoul, un refuge pour les opposants non violents à la dictature. Les militaires n’osèrent jamais pénétrer dans la cathédrale, qu’ils savaient défendue par le peuple. Pendant de longues années, le cardinal Kim a été la personnalité la plus influente de Corée.
Il y a également un motif historique qui explique les conversions. La Corée a connu un demi-siècle d’occupation japonaise et, un peu plus tard, plus de trois ans de guerre civile entre le Nord et le Sud (1950-1953), avec des combats féroces, maison par maison, et la destruction d’un grand nombre d’habitations et de bâtiments publics. Le père Giovanni Trisolini, l’un des premiers salésiens qui soient entrés en Corée en 1959, m’expliquait en 1986 : “Lorsque je suis arrivé en Corée, il y avait une misère effrayante. Le pays souffrait encore des destructions provoquées par la guerre, les armées étant passées et repassées sur tout son territoire. Notre principal travail, à nous missionnaires, consistait à donner à manger aux gens, qui mouraient de faim, littéralement. Il y avait peu de routes et de voies ferrées, presque aucun des services de l’état ne fonctionnait. Dans ces circonstances, les gouvernements de Corée du Sud, alors que le pays était occupé par les Américains, ont mis au premier plan l’instruction du peuple et ils ont fondé des écoles partout, avec un système éducatif moderne. L’objectif était de former les nouvelles générations autrement qu’en recourant à l’enseignement traditionnel qui transmettait une vision confucéenne de l’homme, héritée de la Chine et ne permettant pas de former les jeunes dans un pays moderne”. […]
En Corée le christianisme exerce un fort pouvoir d’attraction, par comparaison avec le confucianisme et avec le bouddhisme. Ce pouvoir s’explique par au moins cinq raisons :
1) Le christianisme introduit l’idée d’égalité entre tous les êtres humains, qui sont créés par le même Dieu, Père de tous les hommes, et surtout le principe de l’égalité de droits entre l’homme et la femme, tout en tenant compte de la différence et de la complémentarité entre les personnes de chaque sexe. Dans le confucianisme, la femme n’a ni la même dignité ni les mêmes droits que l’homme. Dans la société confucéenne, la femme était presque l’esclave de son mari, les filles n’allaient pas à l’école et la femme était inférieure à l’homme. “C’est un homme mal réussi” disait d’elle Confucius.
2) Les catholiques ainsi que les protestants se sont distingués par leur participation active au mouvement populaire contre la longue dictature militaire, entre 1961 et 1987. Le confucianisme et le bouddhisme, au contraire, encourageaient les gens à l’obéissance envers les autorités constituées. […]
3) Le christianisme est la religion […] d’un Dieu personnel, tandis que le chamanisme, le bouddhisme et le confucianisme sont non pas des religions mais des systèmes de sagesse humaine et de vie. […]
4) Les catholiques et les protestants ont construit et gèrent une grande quantité d’établissements d’enseignement de tous niveaux – y compris de nombreuses universités, parmi lesquelles une bonne douzaine sont catholiques – qui se sont imposés dans le pays comme les meilleurs au point de vue de l’éducation et des valeurs auxquelles ils forment les jeunes. Toutes les familles voudraient envoyer leurs enfants dans les écoles chrétiennes, parce que l’éducation des jeunes inspirée de l’Évangile se montre la plus efficace pour former des personnes adultes et matures.
5) Enfin la Corée du Sud est désormais un pays évolué et même riche (on dit qu’il “n’a que vingt ans de retard sur le Japon”), auquel ses anciennes religions n’apportent pas de réponses aux problèmes que pose la vie moderne. Et c’est là un phénomène inévitable, parce que le monde moderne est né, en Occident, de la racine biblico-évangélique, c’est-à-dire de la révélation de Dieu en Jésus-Christ. Le christianisme, et en particulier le catholicisme, se présente ainsi comme la religion la mieux adaptée à notre époque et la plus active en ce qui concerne l’aide à apporter aux pauvres. […]"